1) Un personnage peu connu
Ingénieur militaire d'origine italienne, comme
tous les spécialistes des fortifications du XVIe siècle,
Bartholomeo n'est pendant longtemps resté qu'un prénom et son existence
est réduite à quelques éléments.
Les historiens qui recopient de confiance leurs prédécesseurs
sans vérifier leurs dires lui attribuent la construction
des bastions entourant le château. Une commission municipale
lui a même donné le nom d'une rue de la ville, mais
cette désignation a disparu de la nomenclature officielle.
Plusieurs journées de déchiffrement des comptes
des travaux du château m'ont convaincu que Bartholomeo est
totalement absent de ce chantier.
J.-Fr. Bodin ( p. 331 ), s'inspirant d'une allusion
de Charlotte Arbaleste, lui attribue l'enceinte de terre entourant
le faubourg Saint-Nicolas. Mais là encore, aucune preuve
n'existe. Au contraire, cette dernière, qui surveille les
travaux pendant les absences de son mari, ne cite nulle part ce
personnage.
2) Des allusions tardives
En réalité,
Bartholomeo apparaît bien tard dans les documents originaux.
Le 20 janvier 1622, Duplessis-Mornay, en disgrâce à
La Forêt-sur-Sèvre, adresse à Louis XIII un
long mémoire où il justifie son action passée
( original, B.N.F., ms., coll. Dupuy n° 349, fol. 61 ).
Il y rappelle que Henri IV, en lui confiant Saumur, lui avait
commandé de fortifier en priorité « la
Croix-Vert [ sic ] pour la fermeté du
passage ; et à cette fin premier, ...en avoit fait
faire le dessein par Messer Bartholomeo, son ingénieur,
et l'avoit laissé près de moi pour le conduire ».
Dans un nouveau factum adressé au roi le 2 janvier
1623, Duplessis-Mornay redit la même chose, presque mot
à mot ( Suite des Lettres et Mémoires,
1651, p. 834 ).
Bartholomeo aurait donc dès 1589 arrêté
le tracé de l'enceinte entourant le faubourg de la Croix
Verte, mais seulement une barricade et un terrassement ont été
réalisés à cette époque, la muraille
de pierre étant bâtie en urgence en 1615-1616,
sans doute d'après ses plans.
Il est possible que Bartholomeo ait dressé
le plan général des fortifications de la place,
mais sans réaliser grand chose, et il quitte la ville rapidement. En
1591, un nommé Barthélemy, ingénieur du roi,
est engagé par la ville de Tours, avec Androuet du Cerceau,
pour dessiner de nouveaux remparts et bastions autour de l'ensemble
urbain. C'est sûrement notre homme qui avait quitté
Saumur ( Dr E. GIRAUDET, « Les Artistes
tourangeaux », Mém. de la Sté archéologique
de Touraine, t. 33, 1885 ).
3) Une lettre d'Henri IV
Il réapparaît en Champagne. Le 26 juin 1597, Henri IV écrit au connétable de Montmorency : « Mon Cousin. Le sr Bartholomeo, l'un de mes ingénieurs, lequel est employé pour mon service en ma province de Champaigne, m'est venu trouver en ce lieu pour se plaindre du mauvais traictement qu'il reçoit au payement de ses gaiges et appointemens. Je désirerois, mon cousin, qu'on luy peust donner contentement, estant personnaige de mérite et fort utile à mon service. » ( Lettres de Henri IV, éd. Berger de Xivrey, t. 4, 1848, p. 792-793 )
4) Bartholomeo ou Barthélemy ?
A part cet éloge
du roi, guère de traces de Bartholomeo. Mais beaucoup d'italiens
fixés dans notre pays ont coutume d'adopter un second nom
francisé, comme Léonard de Vinci. Un ingénieur
turinois nommé Ricardo Bartolomeo, passé au service
du roi de France, est naturalisé en 1609 sous le nom de
Barthélemy Richard. C'est sûrement notre homme (
D.-J. BUISSERET, « Les ingénieurs du roi au
temps de Henri IV », C.T.H.S., section de géo.,
1964, p. 13-84 ) et Ingénieurs et fortifications
avant Vauban : l'organisation d'un service royal aux XVIe-XVIIe
siècles, CTHS, 2002, p. 69.