Roinard ( Famille )
Comme de nombreux patronymes, le nom
de " Roinard " apparaît vers
la fin du Xe et le début du XIe siècle. Il dérive
d'un nom de baptême germanique formé à partir
de « Ragin = le conseil » et « Hard
= dur ». Parmi ses nombreuses variantes, la forme " Renart "
passe sur le goupil au XIIIe siècle, à la suite
du succès du Roman de Renart.
Pour les scribes monastiques, ce cognomen de la langue
vulgaire ne sonne pas assez latin. Ils s'efforcent de le transposer
sous une forme qu'ils jugent plus élégante. Ce qui
donne : Roonardus, Rodunnardus, Roognardus, Roinardus.
Dans la charte n° 196 du Livre
Noir de Saint-Florent, est cité un certain Joscelin
« Rotundator cognomine ». Marc Saché
( qu'on prend rarement en défaut ) l'a rendu par le
nom de " Letourneur ". Il s'agit en réalité
de Joscelin II Roinard, comme le prouvent le nom de son épouse,
Lisoie, une autre citation comparable en A.D.M.L., H 2 117,
n° 3, et le titre plus tardif de la charte : « De
pratis Goscelini Roginardi ». Quand les scribes
se mettent à rédiger en français, ils les
appellent souvent " Roennart ". On peut tenter
une prosopographie de cette famille, qui présente l'avantage
d'être souvent citée, deux Roinard, tous deux prénommés
Joscelin, ayant dominé le Saumurois à un demi-siècle
d'intervalle.
La famille est originaire du Vendômois, où
elle détient d'anciennes possessions à Lavardin
( Dominique Barthélemy, La Société dans
le comté de Vendôme de l'an mil au XIVe siècle,
1993, p. 605 ).
I) Joscelin 1er Roinard
Fidèle de Foulques Nerra, s'implante
dans le Saumurois peu après 1026 et y reçoit des
terres enlevées à un certain Bérard et à
l'abbaye de Saint-Florent ( qui va mettre un demi-siècle
à les récupérer ).
Attesté dans la première moitié du
XIe siècle.
II) |
Joscelin II Roinard 4 enfants probables : |
==Lisoie || |
|
|
*Cadilon, mort jeune *Maurice, en III *Hildegarde *Alduis |
Apparaît d'abord comme un second
d'Hugues Mange-Breton et est qualifié
de "vavasseur". Passe au premier rang quand Foulques
le Réchin devient comte d'Anjou et est alors appelé
" Salmurensis castri oppidanus", garde du château
de Saumur, et "Joscelinus de Salmuro". Sur la
période : récit,
chapitre 3.
Il a sûrement commandé la ville et le château
de 1067 à 1072, dernière année où
il apparaît.
III) |
Maurice Roinard 5 enfants, dont 4 connus : |
==Sarrazine || *Joscelin III, en IV a *Pierre, en IV b *Absalon, baron de l'entourage des comtes d'Anjou *Jean, chapelain à Saint-Martin de Tours. |
Personnage de second
rang, cité dans les années 1067-1124.
Il acquiert par son mariage la voirie de Chavais, qu'il
vend à Saint-Florent.
Il possède surtout la terre de Boumois, sur laquelle est construit son château en bord de Loire ( vers le fond de la photographie ). Vers 1118, il y fait bâtir le prieuré de la Madeleine, dont seule l'élégante chapelle subsiste, au pied de la levée, côté Loire. Depuis longtemps transformée en maison d'habitation et en grange, cette chapelle prieurale n'offre plus aucun élément artistique notable à l'intérieur.
La Madeleine devient un prieuré de Saint-Florent, où Maurice Roinard devient moine vers 1120 et y meurt avant 1127.
IV a) |
Joscelin III Roinard |
==Oblata Descendance inconnue |
Cité dans les
années 1109-1168.
Le comte Foulques V lui a accordé les coutumes sur
une maison située sur le marché de Saumur ( je suppose
qu'il s'agit de la maison du pesage ). Il donne ces coutumes
à la communauté de Fontevraud contre un cens de
quatre deniers en 1115-1116 ( Grand Cartulaire de Fontevraud,
t.1, 2000, n° 414 ).
Il possède une seigneurie et une maison à
Doué.
Il devient l'homme fort
de Saumur, présent à tous les actes locaux importants,
et en particulier seul
signataire saumurois de la charte de 1162 sur le nouveau pont, dont il est sûrement un des
promoteurs. Il est aussi témoin de la charte sur la conquête
de la Vallée.
Il vit au château et il y élève Geoffroy,
le deuxième fils du comte Geoffroy Plantagenêt, qui
l'apprécie sûrement, mais sans lui confier de fonction
plus élevée.
IV b) |
Pierre I Roinard |
==Belle (mariage
un peu avant 1152) Descendance inconnue |
Baron qui vit dans l'entourage du comte Foulques le Jeune.
V a) Pierre II Roinard
Fils de Joscelin III ou d'un de ses frères, il est seulement seigneur de Boumois et cité de 1174 à 1220 en raison de ses démêlés avec le curé de Saint-Martin de la Place. Le rôle de la famille décline.
V b) Joscelin IV Roinard
Pourrait être un frère du précédent ; est cité dans un seul acte des années 1203-1220.
VI) Robert de Boumois
Personnage qui apparaît en 1205
et qui semble être le gardien du château de Saumur.
Je n'ai pu déterminer s'il s'agit d'un autre Roinard, portant
désormais le nom de sa terre, ainsi que le pratiquent les
nobles à partir de cette époque - ou bien d'un membre
d'une autre famille implantée désormais à
Boumois, en liaison avec la conquête de la région
par Philippe Auguste. Certains seigneurs locaux se sont ralliés
à Phippe Auguste et ont été récompensés,
d'autres, partisans de Jean Sans Terre, ont été
évincés.
Sources
- Examen de tous les cartulaires de la région
saumuroise et angevine.
- Etienne PAVARD, Le personnel d'origine angevine dans le gouvernement
d'Henri II Plantagenêt. Essai d'étude prosopographique,
Mém. de maîtrise, 1994. A.D.M.L., n° 9 044.
Note complémentaire du 15 avril 2004
Cet essai de reconstitution d'une famille féodale aux XIe et XIIe siècles a été mis en ligne le 10 novembre 2001. En décembre 2003, est paru un article pourvu d'un énorme appareil documentaire : Christian CUSSONNEAU, « Une famille de chevalerie saumuroise : les Roinard de Boumois », Archives d'Anjou, n° 7, p. 5- 23. Reposant sur les mêmes sources, les deux prosopographies se ressemblent. Je continue à m'écarter de cette étude sur les points suivants :
1) Le fondateur de la lignée des Roinard à Saumur me paraît être « Goscelinus cognomento Rotundator », qui peu après 1026, reçoit de Foulques Nerra une terre importante enlevée à un certain Bérard et à l'abbaye de Saint-Florent ( A.D.M.L., H 2117, n° 3 ; exceptionnellement, une erreur dans l'inventaire de Marc Saché ). Mr Cussonneau place en tête Maurice, à partir de la charte CCLVIII du Livre Noir. Cet acte, suspecté par Maurice Hamon en raison de grattages, est repoussé vers la fin du XIe siècle par O. Guillot, Le Comte d'Anjou et son entourage au XIe siècle, Picard, 1972, t. 2, charte 431. Elle concerne donc un Maurice Roinard postérieur, l'époux de Sarrazine.
2) Dans la même notice A.D.M.L., H 2117, n° 3 ( 1061-1062 ), le témoin privilégié de la restitution apparaît sous deux dénominations : « Signum Goscelini Roginardi » et « Karta de Goscelino Rozoignardo ». Il faut y voir Joscelin II Roinard ; il n'est pas formellement dit qu'il est le fils du Joscelin précédent.
3) J'ai accordé à Joscelin III une longévité proche de 80 ans.
4) L'article de C. Cussonneau n'évoque pas l'énigmatique Robert de Boumois cité en 1205 : Recueil des Actes de Philippe Auguste, roi de France,, t. 2, 1943, n° 912, carta Robert de Bomer de Salmurio, juillet 1205. Philippe Auguste donne en fief à Robert de Bommiers ( selon les éditions, écrit "Bomer" ou "Bomiez" ) et à son héritier une rente annuelle de 150 livres tournois sur la foire de Saumur de mai, moyennant le service afférent à l'hommage lige. Il est légitime de voir dans ce nom Robert de Boumois et de penser qu'il est le gardien du château de Saumur, récemment conquis. La rente est énorme. Ce Robert est l'un des seigneurs angevins les mieux récompensés après Guillaume des Roches.