La lanterne des morts de Saint-Nicolas


1) Localisation

 A l'arrière de la résidence Saint-Nicolas, rue des Carabiniers-de-Monsieur, survit difficilement un vestige méconnu et sans grâce, qui a pourtant été classé monument historique le 20-IX-1922, après avoir servi de maison d'habitation.

 

2) Vocabulaire

 Les cimetières médiévaux sont grouillants de vie, mais tout plats, sans tombeaux surélevés. N'émergent que les éléments suivants : des chapelles funéraires, d'assez grandes dimensions et pouvant accueillir des cérémonies ( le plus bel exemple local est la chapelle Sainte-Catherine de Fontevraud remontant au XIIIe siècle ) ; des ossuaires, parfois avec petit oratoire attenant, comme à Nantilly ( les ossuaires ne sont pas forcément souterrains, et, en Bretagne, on pratiquait l'ostentation des os ) ; des lanternes des morts, du type de Fenioux, simples colonnes élevées, remplaçant parfois la croix hosannière et portant un fanal allumé toute la nuit ; des montjoies, qui servent toujours de socle à des statues.

 

3) La lanterne de Saumur

Lanterne des morts, état actuelcarte postale 1900

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 D'après la carte postale des années 1900 et les restes actuels, le monument se réduisait à une simple flèche, reposant sur une petite salle carrée, décorée seulement par quatre arcatures et surmontée par une belle pyramide passant du carré à l'octogone. A l'extérieur, le passage d'un plan à l'autre est scandé par des pinacles. D'après Michel Plault ( Les Lanternes des Morts, Poitiers, 1988 ), ces monuments passant d'une base carrée à une flèche octogonale s'inspireraient de l'Octogone de Montmorillon. Au sommet, se trouvait un lanternon, dans lequel brillait un fanal rappelant le souvenir des morts.

 

 

 

 

 

 

4) D'autres fonctions ?

plan, 1862Elévation de la lanterne

 

 D'après M.-J. Durand (p. 96), cet édifice aurait aussi pu servir de chapelle sépulcrale, car on voit la trace d'un autel tourné vers l'orient sur les illustrations dressées pour le Congrès archéologique de 1862. Il aurait pu accueillir des cérémonies privées, mais je n'en suis pas du tout sûr, car les fondations de messes anniversaires enregistrées dans la paroisse précisent que les offices seront célébrés dans l'église. La " lanterne des morts " est bien petite pour accueillir des familles et elle n'avait pas le statut de chapelle ( auquel cas, elle apparaîtrait dans les textes ).

 

 L'abbé F. Reix ( Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1978, p. 593 ) suppose, d'après des comparaisons, que le rez-de-chaussée servait d'ossuaire. Hypothèse fort plausible, quand on connaît la rotation très rapide des corps dans les fosses.

 

5) Un monument unique en Anjou

  Ce type d'édifices à fonctions variées est désormais unique en Anjou, car tous les autres, décrits au siècle dernier, ont disparu ou ont été défigurés, selon le sort commun du " petit patrimoine ". Destruction de celui de Saint-Jean-des-Mauvrets et du Tertre Saint-Laurent à Angers. Dans le cimetière de Mouliherne subsiste un ossuaire souterrain surmonté par une lanterne des morts peu élevée, mais la restauration récente est hautement fantaisiste.
 La destruction, par pure ignorance, de la lanterne du cimetière de Montsoreau ( sans rapport avec la chapelle Sainte-Catherine ) est encore plus regrettable, car il s'agissait d'une construction très ancienne et dont la charte de fondation nous est parvenue ; elle précise sa destination : " ob reverentiam corporis Domini in ore defunctorum - en raison du respect du corps du Seigneur placé dans la bouche des défunts " . Autrement dit, la lanterne de Montsoreau était un dépositoire , où l'on plaçait les corps en attente de la décomposition de l'hostie. Cette fonction disparaît à partir du XIe siècle, époque où apparaît l'intinction, communion sous les deux espèces pour les agonisants, afin que la portion d'hostie soit avalée. Ces pratiques, totalement oubliées, apportent un éclairage particulier sur la pensée médiévale. Mais notre lanterne de Saumur ne remonte pas si haut et n'est pas un dépositoire.

 

6) Un problème de localisation
 La localisation de cette lanterne pose un problème, car sur les plans des 17e-18e siècles, le cimetière paroissial de Saint-Nicolas se limite à un espace situé derrière le choeur actuel de l'église et est loin d'atteindre cet endroit. D'ailleurs, ce cimetière ne donnait pas satisfaction, car il était envahi par les eaux lors des crues de la Loire. Son emplacement est devenu le jardin du presbytère.
 Il faut remonter à un cimetière plus ancien qui a été bénit en 1466. Le prieur-curé de Nantilly s'est opposé à cette création qui concrétisait l'existence d'une paroisse autonome. En 1469, un arrêt du Parlement de Paris interdit ce cimetière et ordonne que les ossements seront transférés dans les cimetières de Nantilly, le cimetière haut ou le cimetière bas.

 Ces années 1466-1469 correspondraient à la construction de cette lanterne des morts, qui mériterait une restauration. Les documents publiés dans cette page fournissent la documentation scientifique nécessaire.

 

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