Aux époques anciennes, les ports de Loire, nombreux et minuscules, sont dispersés le long de tous les bras du fleuve ; le bras de la Croix-Verte, aux eaux calmes, est très fréquenté par les mariniers pour l'avalaison ; on y trouve le port Pharouelle. Depuis le XVIIIe siècle, l'activité marinière se concentre sur le grand bras méridional.
Le port du Marronnier, à cale double, constitue le meilleur vestige de cette époque : deux rampes en forte déclivité, recouvertes par des galets posés sur champ, descendent vers un quai minuscule, qui ne peut accueillir qu'un seul chaland.
Ce port marginal est réaménagé à plusieurs reprises, en particulier en 1880, où il sert pour le débarquement du sable. Les services de la navigation l'officialisent alors par une belle plaque.
Non loin, l'ancien port Cigongne ( ou de Chalan Percé, ainsi nommé à cause de la présence de bateaux disposant d'un vivier et qui vendent du poisson vivant ) se réduit longtemps à un étroit chemin de rive. Deux nouvelles rampes-abreuvoirs sont ajoutées en avancée au XIXe siècle, à une époque où le port n'a plus d'activité marchande, mais où la ville abrite un grand nombre de chevaux.
Sur la rive sud, se succèdent une série de petits ports sommairement équipés : le port des Ardilliers, aménagé pour les voyageurs au début du XVIIe siècle, où débarquent les pèlerins et notamment le roi Louis XIII ; le port au bois, qui se confond avec le port Saint-Michel et le port de la Galère ( une auberge ) est vaste , des gravures représentent les énormes stocks de bois qui y sont obligatoirement entreposés ( voir vue cavalière dans la description du quai Mayaud ) ; le port de la Bilange, peu important, qui s'étend jusqu'au port Chevalier, situé au débouché de la rue de la Fidélité ; le port Saint-Nicolas, très actif, spécialisé dans les vins, les eaux-de-vie et dans la cassonade en raison des sucreries voisines.
En contrebas des levées rehaussées sont aménagés de nouveaux ports qui s'égrènent sur la rive Sud, depuis les Ardilliers jusqu'au " port du Magasin au fourrage " créé en 1816 devant l'Ecole de Cavalerie. En face est implanté le quai du Gaz, qui reçoit la houille, ainsi qu'une petite cale sur le bras des Sept-Voies, devant la gare d'Orléans.
Le port principal de la ville est créé dans les années 1784-1800, dans le cadre des grands travaux qui suppriment le bras de la Poissonnerie et l'île du Parc et qui aboutissent à l'élargissement de la place de la République et de l'ancien quai au Bois. Les caractéristiques de cette grande cale disparue apparaissent sur ce dessin de Méliand, lithographié par Motte en 1822 :
Aucune séparation ne l'isole
de la chaussée supérieure. Elle plonge en forte
pente vers le fleuve, pente qui se poursuit jusqu'au niveau d'étiage,
si bien que les bateaux ne peuvent accoster au bord d'un quai.
Aucune surface plane ne permet le stockage de marchandises. Un
perré de pierres grossières rend la circulation
malaisée ; quelques lavandières s'y activent
et font sécher leur linge. Plus tard, l'hôtel du
Belvédère installe une estacade de bois pour faciliter
le débarquement des passagers des inexplosibles.
A une époque où la ville ne dispose pas de
service d'eau, des bains publics installés au bord du fleuve
apparaissent comme la meilleure solution pour l'hygiène.
L'ingénieur Normand fait construire l'établissement
hémicirculaire, un peu voyant, qui occupe le côté
aval du port, devant l'Hôtel de Ville ( inauguration
le 12 décembre 1818 - destruction vers 1842 ).
Un nouveau port Saint-Nicolas est
aménagé de 1835 à 1847, sur une longueur
de 290 mètres. Son tablier, en pente très douce,
d'une moyenne de 10 %, facilite la manutention des barriques
de vin ( la commission municipale, à laquelle participe
J.-B. Ackerman, a insisté sur ce point ).
Ensuite, le quai plonge à la verticale dans les eaux, ce qui permet l'aménagement d'escaliers de descente, mais n'est pas pratique quand les eaux sont très basses. D'après une allusion d'un ingénieur, le choix de la verticalité et d'un môle arrondi s'explique par la volonté de favoriser l'écoulement des eaux en aval du pont Cessart.
Sur ses extrémités amont
et aval, le port offre deux belles cales-abreuvoirs, fréquentées
par les nombreux chevaux de la ville. Ces cales servent aussi
pour le débarquement de marchandises, en particulier du
sable, car les gabares, pourvues de levées à l'avant,
peuvent facilement s'y échouer.
La grande largeur de ces rampes permet aux équipages de
faire demi-tour.
La cale amont, au-dessous du môle arrondi, est très fréquentée. Sur la photo ci-contre, prise par J. Le Roch entre 1864 et 1870, s'affairent des transporteurs de sable et des lavandières, qui ont posé leur "selle" sur le fond vaseux et qui paraissent sommairement équipées.
Sur la demande pressante de la ville,
les Ponts et Chaussées construisent un quai de liaison
entre ce nouveau port et le quai de Limoges. Longue d'environ
300 mètres, large de 2,50 m, cette voie, passant sous le
pont Cessart, n'a rien à voir avec un chemin de halage
( qui ne présente que quelques tronçons ). Construite
dans les années 1842-1846, elle sert de port auxiliaire.
C'est encore elle qui accueille les vieux gréements
de la marine à voile, tel ce couplage de gabares photographié
devant le théâtre vers 1900 et encore en service.
Une autre transformation tardive modifie légèrement le passage : en 1943, lors de la reconstruction du pont Cessart, la CCI demande et obtient une modification du virage à la sortie du pont, afin de faciliter le passage des gros véhicules. L'angle est adouci par une chaussée en béton reposant sur une trompe de pierre.
Sur la façade du nouvel hôtel de ville, avait été fixée une figuration allégorique de la Loire, ou bien de Saumur, oeuvre du sculpteur Robert Juvin, auteur également du grand escalier du lycée Duplessis-Mornay. Quand on a remodelé la façade de cette annexe, la plaque décorative a été scellée sur le quai, face à la Loire.
Dès son achèvement,
le nouveau port Saint-Nicolas attire les mariniers et le trafic.
L'ancien port, trop malcommode, est brusquement déserté
et la ville demande sa reconstruction.
Le chantier est exécuté en plusieurs tranches
à partir de 1850, l'essentiel des travaux étant
réalisé de 1861 à 1864. Longue de 550 mètres,
large de 30, la nouvelle cale est à la fois pratique et
élégante, sa réalisation étant plus
soignée que sur le port Saint-Nicolas.
Son tablier, incliné de 5 ° vers le fleuve, est recouvert
de pavés en grès rougeâtre provenant de Saint-Rémy
la Varenne et des landes de Marson ; ce revêtement, réalisé
à la tâche, est compartimenté d'une façon
savante. La pierre de Champigny apparaît en complément,
comme support des organeaux ( les anneaux ) et pour renforcer
les arêtes des changements de pente.
Le quai plonge dans le fleuve suivant un angle de 45 °,
et non à la verticale comme sur le quai Saint-Nicolas.
Quand les eaux sont basses, le bateau peut ainsi être bloqué
à une petite distance du quai, ce qui aboutit à
une pente moins forte pour son déchargement.
Comme sur le port Saint-Nicolas,
de larges cales-abreuvoirs, à l'amont et à l'aval,
sont destinées aux nombreux chevaux de la ville et servent
aussi pour le déchargement des marchandises.
Cette splendide réalisation technique, encore en
bon état et à laquelle les habitants sont trop peu
sensibles, fait du port de Saumur l'un des plus beaux ensembles
des bords de Loire, aux dires des spécialistes.La déviation
routière défigure déjà la partie aval
et une fâcheuse couche de goudron la recouvre en partie.
Il ne faudrait surtout pas l'éventrer pour y implanter
des parterres...
Y maintenir des voitures est sans doute une nécessité
absolue pour la survie du centre-ville, mais, si une barrière
de sécurité empêchant la chute de véhicules
dans le fleuve est nécessaire, cette réalisation
doit rester très discrète.
Le nouveau tablier est nettement séparé de la voie de circulation supérieure. Par suite de la grande peur de l'invasion des eaux qui a saisi la ville en 1856 et 1866, de solides parapets sont construits ; chaque entrée, chaque "bouchure" dans le langage des Ponts et Chaussées, est numérotée de 1 à 35 et encadrée par des glissières destinées à bloquer des madriers qui retarderaient l'irruption des flots en cas de crue exceptionnelle ( ces madriers, en principe soigneusement stockés, sont remplacés en 2010 par des barres standardisées en aluminium ).
La coïncidence des dates n'a
échappé à personne. En 1849, les premières
liaisons ferroviaires permanentes s'implantent sur la rive droite.
C'est alors que se préparent les grands travaux du quai
de Limoges. Le trafic fluvial, tant des marchandises que des voyageurs,
s'effondre rapidement ( Voir développements sur le mythe de la Loire navigable ).
Quand le nouveau port est achevé, la Loire est presque
déserte, ne portant plus que quelques convois chargés
de matériaux, comme le sable ou le tuffeau. Ce dessin de
Georges Grellet, dans les années 1910, constitue un témoignage
intéressant, mais peut-être optimiste, sur le chargement
et le déchargement des gabares et sur le stockage du tuffeau
dans la partie amont du quai.
Cette photo prise vers 1890 représente la partie aval de la cale Mayaud, en période de hautes eaux. Elle est à peu près déserte. Quelques laveuses s'affairent sur la cale-abreuvoir ; la légère carriole sert probablement au transport du linge. Les lieux ont changé, avec la déviation routière et le monument aux Morts.
Désormais, les deux grandes cales servent surtout pour l'amarrage de bateaux utilitaires, qui changent souvent d'emplacement.
En 1897-1898, G. Laloy représente fidèlement les bains, qui sont alors de simples palissades en planches. Les bains civils sont implantés en aval de la cale Carnot ; les bains militaires sont accolés au quai de l'Ecole de Cavalerie ( cliché Arnaud Clairand ).
Cette carte postale de 1902 présente au grand complet les bateaux installés désormais le long de la cale du quai de Limoges.
Depuis la droite : après quelques tas de sable occupant la cale-abreuvoir, une baignade quadrangulaire, encadrée par quatre pontons, propriété de Théodore Baujon, un ancien marinier reconverti ; ensuite, comme l'indique l'inscription, des " bains chauds ", dédiés à l'hygiène et non plus à la natation ; enfin, quatre bateaux-lavoirs à la structure comparable. Au niveau de l'eau, côté fleuve, une galerie où les laveuses battent le linge ; au premier étage, le logement des propriétaires et des employés ainsi qu'un séchoir ( mais les draps sont souvent suspendus à des fils étirés sur la quai ). La carte postale suivante, ayant circulé en 1912, nous en donne une bonne figuration.
Le dernier bateau-lavoir en service appartient à la famille Fardeau. Il présente l'apparence d'une grande maison flottante, et les propriétaires l'habitent pendant longtemps. Il peut recevoir jusqu'à 35 lavandières, qui y font bouillir le linge dans des chaudrons. Surnommé " le moulin à paroles ", ce bateau s'installe le long du quai Carnot. Finalement, mis à sec sur la cale, il est détruit en 1942.
- A.D.M.L., 22 S 13, 121 S 86 ; A.D. de Loire Atlantique, 1904 S 333 et 334 ; A.M.S., O 32.
- Amélie Dubois-Richir, La Loire au XIXe siècle : le fleuve et ses riverains, de Saumur à Bouchemaine, thèse, 4 vol. Angers, 2001, A.D.M.L., BIB n ° 11 211, édition imprimée au Petit Pavé, 2006.
- Charles Gilbert, « Autour des bateaux-lavoirs », l'Anjou, n ° 1, 1988, p. 5-15.
Vue aérienne actuelle des quais
(cliché J-L Colas)
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