Voir au XVIIIe siècle : les lumières et la fondation d'une tontine
[ La vie théâtrale est traitée à chaque époque particulière ]
La
société fondée en 1785 réunit rapidement
le capital prévu de 54 000 livres et elle confie à
Alexandre-Jean-Baptiste Cailleau le soin de tracer les plans et
de construire le nouvel édifice ; l'entrepreneur pourra
en outre récupérer des pierres provenant de la destruction
de l'île du Parc.
La salle est allongée et étroite ; elle
atteint à peine 14 mètres de large. La scène,
entourée par les cabines des acteurs, est du côté
de la Loire. Au-dessus de la fosse d'orchestre, la pente est faible,
mais des loges surélevées forment un fer à
cheval autour de la salle. Au total, le théâtre offre
702 places assises, selon les dires de Cailleau.
Elle est éclairée par 24 chandeliers et par
un grand lustre couvert de bougies, qui éclaire la scène.
En raison des risques évidents d'incendie, la salle est
ultérieurement équipée par deux pompes en
poste fixe, complétées par deux petites pompes à
main.
Les travaux s'achèvent au printemps 1788, et la séance
inaugurale est donnée le 27 septembre.
L'entrée du public se fait par la façade orientale ( à droite ), c'est-à-dire par le petit mail surélevé, édifié avec les débris tirés de l'île du Parc.
En
1863, alors que les pioches des démolisseurs entrent en
action, un inconnu a pris d'intéressants clichés,
aujourd'hui jaunis. Cet inconnu est probablement Joseph-Toussaint
Le Roch, le premier photographe important de Saumur. Cailleau
a réalisé une façade classique et harmonieuse.
Les sept grandes arcatures annoncent celles qui réapparaîtront
de l'autre côté de la place, dans l'immeuble des
nouvelles boucheries.
Une lithographie d'Auguste Deroy, exécutée en 1854, décrit la façade donnant sur la Loire, qui présente le même style et forme le premier élément d'un portail urbain encadrant la sortie du pont Cessart. A gauche, le mail est recouvert par une épaisse frondaison d'arbres.
Le
contraste est grand avec les façades tournées vers
la place de la Bilange et vers l'actuelle rue Molière.
Cette fois, la fonction utilitaire l'a emporté sur le décor.
Une halle, agrandissant le marché et pouvant servir de
grenier d'abondance et même de salle de banquet, formait
le rez-de-chaussée du nouveau bâtiment. Elle hébergeait
aussi un poste de police et une pompe à incendie. D'où
cette enfilade de piliers assez lourdauds.
Cette longue bâtisse, à la fois utilitaire et récréative, rend de loyaux services pendant trois quarts de siècle, avec seulement quelques travaux de restauration en 1850. Cependant, cette salle à l'ancienne, peu confortable, n'est plus du tout à la mode sous le Second Empire, qui préfère les théâtres à l'italienne.
La municipalité de Louvet décide de remplacer la salle par un nouveau théâtre de plus vastes proportions. La première pierre est posée le 20 juin 1864, en présence des autorités constituées, de Charles Joly-Leterme, architecte de la ville et auteur des plans, et de l'entrepreneur Monmousseau.
Malgré
des difficultés de fondations, les travaux demandent moins
de deux ans, ils sont achevés en mars 1866 et le 5 avril,
une représentation du Misanthrope ouvre la nouvelle
saison théâtrale.
Architecte aux goûts éclectiques, Joly-Leterme
s'inspire curieusement du style de l'époque Louis XVI,
contemporaine de la salle qu'il remplace. Il reprend notamment
les colonnades néo-classiques du Grand Théâtre
de Bordeaux ou de la Madeleine de Paris. A gauche, la colonnade
dominant la Loire présente un effet de fuite plutôt
réussi ; en effet, le monument n'est pas rectangulaire,
mais se rétrécit vers l'est.
Vue du côté de la rue Molière, cette colonnade manifeste une puissante monumentalité.
Joly-Leterme
ajoute quelques fioritures, comme des masques du théâtre
antique. Le choix des artistes français glorifiés
sur les deux façades laisse perplexe. En compagnie de quatre
maîtres incontestés de la scène française,
s'inscrit Eugène Scribe, à l'époque très
célèbre et aujourd'hui bien oublié.
Le fait majeur est le retournement de la salle, qui s'ouvre
désormais sur la place de la Bilange et qu'elle domine
par ses proportions monumentales.
La façade orientale, dédiée aux musiciens et constituant l'entrée des artistes, apparaît comme plus intime. Elle est plus étroite, comportant cinq arcades au lieu de sept ( trois musiciens français seulement sont "nominés" ). En outre, elle est bordée par un square encore surélevé et entouré de grilles. Cette façade a souvent changé d'aspect. En 1873, le saumurois Charles Beulé, devenu ministre de l'Intérieur, offre à la ville une oeuvre d'Alfred Le Père, grand prix de Rome, figurant Diénécès ( compagnon de Léonidas ) mourant aux Thermopyles. La sculpture vient orner le petit square, dans un beau cadre, avant de déménager pour le Jardin des Plantes.
Dans ce type de salle à l'italienne,
le public se rend autant pour se montrer que pour admirer le spectacle.
De vastes espaces réceptifs sont prévus : grand
escalier donnant sur la place de la Bilange, vaste foyer au premier
étage, large péristyle ( ouvert à tous
vents jusqu'au lendemain de la Guerre 14-18 ), galeries de
circulation à l'étage ouvrant sur de nombreuses
pièces.
Au
milieu, la salle de spectacle s'en trouve réduite à
un faible espace et tout en hauteur. Dès les premières
représentations, le nombre des places s'est avéré
insuffisant et bien moins important que dans la salle précédente ;
il faut ajouter que certains fauteuils situés sur les côtés
ou au poulailler offraient un faible champ de visibilité.
Ces dimensions trop réduites ( alors que la place
existait ) constituent l'erreur majeure et irréparable
de Joly-Leterme, ainsi que le notait déjà de Fos
à l'époque de son inauguration.
Le plateau scénique, de bonnes proportions, a été
rééquipé à plusieurs reprises.
La coupole est soutenue par huit
caryatides, au profil grec et à l'air niais. Le plafond,
endommagé par les obus allemands lors des combats de juin
1940, est remplacé dès l'année suivante ( on
n'en donnera pas de cliché par simple décence esthétique
). De gros travaux sont conduits en l'été 41 sous
la direction de Pierre Marembert et une nouvelle inauguration
a lieu le 16 octobre 1941.
Une restauration est conduite dans les années 1960
par le cabinet Brunel et Marembert ; les colonnades extérieures
sont alors refaites.
En juin 2008, le théâtre est fermé en raison de sa décrépitude intérieure : dégâts des eaux, poutres ravagées par les capricornes. Des voix timides préconisent la démolition pure et simple de cet ensemble inadapté. La communauté d'agglomération, soutenue par l'opinion publique, prend en charge le destin du monument et manifeste une vanité de bourgeois gentilhomme. La salle à l'italienne est restaurée comme un monument à grande valeur historique et la scène est dotée d'une machinerie d'avant-garde. Un dôme est ajouté au-dessus de l'édifice, sans nuire au panorama urbain. D'où l'appellation de "Dôme" donnée au nouvel ensemble en mai 2015.
De nombreuses salles et un étage supplémentaire sont aménagés à destination d'un futur pôle culturel. Le foyer se recouvre d'un décor pompéien.
Les rouges et les ors ruissellent dans la salle à l'italienne. Mais en dépit de la suppression de l'allée centrale, le théâtre n'offre finalement que 430 places.
Annoncés pour 12 millions d'euros, les travaux atteignent un montant de 23,019 millions d'euros TTC, dont la moitié à la charge de l'Agglo. Et d'autres suppléments sont à prévoir. Il en résulte des amortissements très lourds, des coûts élevés pour les spectacles et des prix prohibitifs pour les locations de salles. Le théâtre est inauguré le 2 décembre 2014 par un spectacle de l'humoriste belge Jos Houben. Mais les activités musicales et le pôle culturel s'y font attendre.
A. GIROUARD, Historique du théâtre
de Saumur, [ publié en octobre 1941 avec l'autorisation
de la Propagandastaffel d'Angers ].
A.M.S., DD 14, n° 125 - A.D.M.L., C 116.