1) Les armes primitives de la ville
N'en déplaise aux passionnés,
les officiers municipaux de Saumur sont longtemps restés
peu attentifs aux armes de leur cité.
Dans le clocher de Saint-Pierre, au bas du bourdon François fondu en 1539, est porté un quatrain rappelant que cette cloche a été payée par les deniers communs de la ville. Chaque vers décasyllabique est terminé par un petit blason. Les armes de la ville apparaissent à quatre reprises. En voici, ci-contre, deux occurrences.
Dans cette même église, si l'on scrute au téléobjectif les caissons de la deuxième chapelle Renaissance, on découvre, auprès du cartouche portant la date de 1549, la représentation d'un rempart pourvu de mâchicoulis et de merlons et surmonté par trois fleurs de lis. Telles sont, à ma connaissance, les deux premières apparitions des armes de la ville.
Dans
le campanile de Saint-Nicolas, sur le bourdon Nicolas fondu en
1656, réapparaissent les trois fleurs de lis au-dessus
d'une fasce ( une bande horizontale ) figurant des créneaux
stylisés.
Il n'y a donc aucun doute sur les premiers meubles et pièces composant le blason de Saumur. Les trois fleurs de lis des rois capétiens symbolisent la fidélité de la ville à la dynastie, manifestée sous Philippe-Auguste et saint Louis et surtout au temps de Charles VII et de Louis XI. Le mur crénelé se réfère a sa fonction de ville close et à l'étymologie traditionnelle de son nom, à partir de « salvus murus ».
2) Les bois gravés des imprimeurs
Les armes apparaissent plus souvent sur les publications officielles de la municipalité ou du lieutenant général de police. Les imprimeurs de la ville, les Hernault, les Ernou, puis les Degouy, placent souvent des bois gravés en tête de leurs travaux. En voici deux exemples utilisés par Degouy à la fin du XVIIIe siècle, mais certainement plus anciens :
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Sur la figuration de gauche règne la plus grande fantaisie, l'imprimeur a ajouté un chérubin et une aigle éployée. Il s'agit d'une marque typographique, bien plus que d'une édition des emblèmes de la cité ( A.D.M.L., E 4387 (1782).
Le bois gravé de droite ( A.D.M.L., 118, 1784 ) est plus intéressant, car il présente quatre merlons et trois mâchicoulis et car la lettre "S" apparaît. Selon la tradition des armes parlantes, la ville fait un jeu de mots sur son nom en figurant un " S / au / mur ". Ce dernier meuble semble apparaître assez tard. Les soutiens extérieurs sont des rameaux de lauriers en bas et d'acanthes au dessus. |
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3) Des siècles d'imprécision
On le voit bien à partir
des exemples précédents, cette emblématique
est longtemps fluctuante. Dans les documents officiels de la ville,
nulle trace de sceau ancien, nulle trace de franchises municipales,
nulle trace d'armoiries octroyées par le pouvoir royal.
Sur ces points, nous ne pouvons suivre l'article de Léon
Rolle, « Le vieux Saumur. Les armoiries municipales »,
S.L.S.A.S., avril 1913, p. 34-40. Nous renvoyons au
dossier sur les étapes
de l'organisation municipale ( 1364-1588 ), d'où
il ressort qu'un embryon de pouvoir communal s'est mis en place
par petites étapes, sans s'affranchir de la pesante tutelle
des officiers du roi et en obtenant des privilèges limités.
Les édiles ont dépensé beaucoup d'énergie
pour retrouver des lettres patentes émanant de Charles
VII. En vain, puisque le premier acte incontestable remonte à
Louis XI et date de 1466 ; il n'y est fait aucune allusion aux
armes de la ville.
Un brouillon très minutieux ( A.D.M.L., 4 B 3 ),
rédigé au milieu du XVIIe siècle, représente
les armoiries des premiers sénéchaux de Saumur ;
toujours rien sur le blason de la ville. A la même époque,
le sénéchal Julien Avril demande à ses concitoyens
de lui apporter des renseignements sur l'histoire de la cité.
En 1680, l'architecte qui termine la façade de Saint-Pierre
décide de placer au fronton les armes de la ville ;
ce projet n'est pas réalisé. Un peu plus tard, François Bernard de Haumont étudie
longuement les privilèges de Saumur ; toujours rien
sur ses armoiries. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle,
le blason de la ville se réduit à quelques pièces
bien définies, tout en étant figurées de
diverses manières.
4) L'enregistrement de 1699
En 1696, dans le but d'améliorer ses rentrées financières, Louis XIV ordonne par édit l'enregistrement général des blasons de son royaume. Un bureau des armoiries est ouvert à Saumur. Le 26 mars 1697, le maire perpétuel, Henri I er Mocet du Buisson, rapporte au Conseil de Ville que l'intendant de Tours souhaite que « nous fissions faire l'empreinte des armes de la ville et les porterions au bureau des armoiries pour les faire enregistrer et payer les droits... et donnerions par là l'exemple au public pour donner à sa Majesté les finances qu'il [sic] espère... » ( A.M.S., BB 3, fol. 53, r° ). En conséquence, le conseil charge Julien Hudault, le premier échevin, et Joseph Hallé, le procureur du roi, de porter au bureau l'empreinte des armes de la ville et de payer les droits portés au tarif. Aucun débat ne s'élève sur la disposition de ces armes, qui semble admise par les six membres présents. Charles d'Hozier, garde de l'Armorial général de France, enregistre ces armes à Paris le 24 juillet 1699. Il délivre le brevet ci-dessous, conservé à la B.M.S. ( ms 62 ).
Ce
document sur parchemin, un peu taché, est orné d'un
écu gouaché, aux couleurs demeurées vives.
Il est signé par Charles d'Hozier, ou par un secrétaire
de
la main.
« Coupé d'azur
sur gueules, à une fasce d'argent brochant sur le tout,
crénelé de deux créneaux du même, maçonnée
de sable, et accompagnée en chef de trois fleurs de lys
d'or rangées, et en pointe de la lettre S, aussi d'or ».
La fasce d'argent est simplement crénelée
par deux merlons encadrés par des créneaux symétriques ;
elle n'est donc pas «bretessée», c'est-à-dire,
pourvue d'une évocation de mâchicoulis, comme dans
plusieurs figurations antérieures. La devise n'est nulle
part évoquée.
Les neveu et petit-neveu de Charles d'Hozier reproduisent ces armes dans l'Armorial Général de la Province de Tours, p. 461 ( fonds spécialisé de la B.N.F. ). Encouragés par cet exemple, les Saumurois de toutes conditions, nobles ou roturiers, font enregistrer leurs armoiries. Les communautés blasonnent à l'envi, le corps des officiers de l'Hôtel de Ville, les communautés religieuses comme le chapitre de Saint-Pierre ou les soeurs ursulines, les communautés de métiers comme les marchands de bois et charbons, les maîtres cordonniers ou les modestes lapidaires et baguenaudiers. Celles qui sont réticentes se font forcer la main. Celles qui n'ont pas d'armes à proposer s'en voient attribuer par les commis du bureau. Au total, 49 communautés, certaines n'étant pas même associées en jurandes, font enregistrer leurs armoiries. L'essentiel est publié par Joseph Denais, Armorial général de l'Anjou, 3 tomes plus un volume de planches, Angers, Germain et Grassin, 1885, passim pour les particuliers, pour les communautés de Saumur, t. 3, p. 186-197.
5) Sous la Révolution et l'Empire
Le 19 juin 1790, l'Assemblée nationale constituante abolit en même temps la noblesse héréditaire, les titres de noblesse, les livrées et les armoiries. Plus égalitaire encore, le 30 brumaire an II ( 20 novembre 1793 ), les titres féodaux sont brûlés à Saumur dans un grand feu de joie. En théorie, les documents concernant les anciennes armoiries sont supprimés alors. C'est ce qu'affirme la municipalité en 1818 : « Les chartes ou patentes, en vertu desquelles la concession première a eu lieu, ont probablement été détruites dans les premiers tems de la révolution ». On constate néanmoins que le document essentiel, le brevet de 1699, a survécu.
Le 22 juin 1804, Napoléon Bonaparte fixe une liste de " bonnes villes " qui seront autorisées à porter armoiries et livrées. Angers fait partie des bénéficiaires, pas Saumur.
6) Sous la Restauration
Dans un but de restauration du passé,
également dans un souci fiscal, les 26 septembre et 26
décembre 1814, Louis XVIII ordonne le rétablissement
des anciennes armoiries urbaines. Le Conseil municipal de Saumur
prend son temps, il n'en débat que le 20 juillet 1818 ( A.M.S.,
1 D 11, fol. 85 ). Il vote un crédit
de 100 francs et adresse à la Commission du Sceau le dessin
des armoiries de la ville. Bien qu'ayant compulsé d'anciennes
empreintes et des parchemins, le maire Noël-Henry Mayaud
ne semble pas très sûr de son fait. La délibération
municipale est raturée et corrigée en marge.
Il fait dresser une copie du document envoyé à
Paris, qu'il dépose aux archives de la ville le 5 décembre
1818 ( aujourd'hui dans la réserve de la B.M.S. ).
Le dessin gouaché a noirci et est difficilement lisible.
L'écu est surmonté par une couronne murale d'or
à cinq tours. La fasce portant cinq créneaux est
bretessée. La lettre S repose sur un fond maçonné.
Plus fâcheux encore, un lapsus calami est commis à Saumur ( et non à Paris, comme le pensait L. Rolle ). Dans les textes descriptifs, la devise se termine par « dextra domat tormentum » ; sur le dessin saumurois, on lit « tormentum dextra domat ». On reviendra sur ces problèmes de la devise.
L'opération s'étire
sur un an et demi. M. de Belliardi, référendaire
à la Chancellerie de France, adresse deux lettres au maire.
Il y marque que le dessin envoyé n'est pas conforme à
celui de 1699. Il faudra payer des droits de première concession.
Il ne fait pas d'objection majeure à l'ajout d'une couronne
murale. Ce timbre maçonné caractérise les
villes fortifiées ; il rappelle la décoration
romaine décernée au soldat qui était entré
le premier dans une place assiégée. A l'inverse,
la devise, non mentionnée dans les actes antérieurs
ne saurait être enregistrée, elle pourrait cependant
être adoptée comme ornement extérieur de l'écu.
Le 13 novembre 1819 ( A.M.S., 5 D 23 ), le maire
sollicite les nouvelles lettres patentes et passe commande de
deux sceaux, l'un pour la cire, l'autre pour l'encre. Il en coûtera
à la ville 161 francs au total.
Les lettres patentes, manuscrites, sur parchemin, sont signées
par le comte de Serre, le garde des Sceaux, le 4 décembre
de l'an de grâce 1819, « de notre règne
le vingt-cinquième ».
Aujourd'hui
à la B.M.S., elles sont authentifiées par le grand
sceau d'un diamètre de 0,12 m, pendant sur lacs de soie
rouge et verte ; la cire est de couleur verte, afin de garantir
l'irrévocabilité de l'acte.
Protégé
par une boîte en fer blanc, le cachet nous est parvenu en
bon état.
Ces lettres patentes sont envoyées vers Saumur par
la diligence de Nantes. Le juge Bizard les réceptionne
et, en janvier 1820, il les présente à la Cour royale
d'Angers, à fin d'enregistrement.
Quant à la figuration des armes, le dessin de 1819 recopie strictement celui de 1699. Le modèle envoyé par la ville n'a donc pas été retenu.
Examinons maintenant l'en-tête imprimé des lettres officielles de la mairie au XIXe siècle. La couronne murale réapparaît. L'écu est orné par la devise et par des feuillages, qui semblent être des lis à gauche et des lauriers à droite. |
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Pour l'écu central, la ville a repris la figuration des lettres patentes. |
En août 1831, A. Degouy place le blason ci-contre en tête d'une affiche officielle. On remarque la disparition totale des trois fleurs de lis. Nous sommes au début de la Monarchie de Juillet ; les fleurs de lis sont considérées comme un symbole du légitimisme. A plusieurs reprises, on notera une pareille hésitation à leur sujet.
7) La devise : son apparition
La devise de la ville remonte-t-elle
à Charles VII, comme le pensaient les participants réunis
au Congrès archéologique de 1862 ( p. 248 )
ou à Louis XI, selon l'avis de Paul Ratouis dans le Répertoire
archéologique de l'Anjou, 1867, p. 20 ? Pendant
longtemps, elle se fait anormalement discrète. J.-Fr. Bodin
n'en parle pas. C. Port et J. Denais la réduisent encore
à sa première moitié : « Moenia
fallunt hostem ».
Aucun doute pourtant : c'est en 1818 que le maire l'introduit
dans les armoiries de la ville et tente en vain de la faire enregistrer
par la Commission du Sceau. Un examen approfondi des marques typographiques
employées au XVIIIe siècle me permet d'affirmer
que cette devise remonte à cette époque. Deux devises
apparaissent même sur les bois gravés illustrant
les actes officiels :
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La formule de gauche : « HIC
MVRVS AHENEVS ESTO - Sois ici un mur dur comme l'airain »
est propre à la famille Hernault ; l'adjectif " aheneus "
ressemble vaguement à ce nom. Cette devise n'a jamais été
officialisée.
Le petit bois gravé de droite, utilisé, parmi
d'autres, par la famille Degouy, marque l'apparition de la bonne
formulation : « MNIA FALLVNT
HOSTEM DEXTRA DOMAT TORMENTVM »,
qui a vraisemblablement été composée au XVIIIe
siècle.
Les deux gravures tombent d'accord pour figurer trois merlons
et quatre mâchicoulis. La lettre "S", de petites
dimensions, apparaît sur la version de droite, finalement
assez proche des grandes armes du siècle suivant.
8) La devise : la formulation correcte
Nous avons remarqué plus
haut que, sur le dessin de 1818, la ville avait inversé
les mots de la seconde partie, en inscrivant : « tormentum
dextra domat ». Cette formulation, souvent reprise,
correspond à du bon latin ; elle ne peut cependant
être retenue, si l'on se (re)met à la métrique
des vers antiques.
Nous avons ici un hexamètre, c'est-à-dire
un vers composé de six pieds, pouvant être des dactyles
( - u u, une longue et deux brèves ) ou des
spondées ( - - , deux longues ), la
dernière syllabe du vers prenant une valeur indifférente.
Le cinquième pied est le plus souvent un dactyle ;
c'est ici un spondée, comme on le voit ci-dessous :
Toute autre disposition des mots rend la scansion incohérente. ; « tormentum dextra domat » serait incorrect. Nous sommes en présence d'un hexamètre spondaïque, vers à la forme assez rare, mais bien attestée chez Homère. La césure ( // ) est placée au milieu du vers, selon la disposition moderne ; elle n'est pas du tout conforme à la métrique gréco-romaine.
9) La devise : la traduction
La première proposition se
traduit sans problème par « nos remparts bravent
l'ennemi ». Ensuite, quelques termes ont - volontairement -
des significations multiples. « Dextra »,
c'est "la main droite", mais aussi "la force",
"le courage". « Tormentum »
peut être une "machine de guerre", un "instrument
de torture", un "pressoir" et aussi "l'adversité".
« Notre force maîtrise le pressoir »
ne serait pas si mal !
Cependant, pour ces devises, il vaut mieux adopter la signification
morale. Trois brillants latinistes, Philippe Dain, Bernard Gamblin
et Michel Henry, ont proposé la traduction suivante, qui
a le mérite d'être octosyllabique :
« Nos remparts
bravent l'ennemi,
Nos bras triomphent des assauts »
10) Les armoiries sous le
Second Empire
Ce blason porté sur une affiche de Godet le 17 février 1852 constitue une curiosité : au lendemain du Coup d'Etat du 2 décembre, l'imprimeur a supprimé les trois fleurs de lis estimant sans doute que le nouveau maître allait rétablir les abeilles impériales.
Dans la pratique postérieure, les décors du Second Empire reprennent l'ancien blason, tout en l'interprétant avec la plus grande liberté. La fasce crénelée n'est pas toujours d'argent, les créneaux ne sont pas toujours au nombre de deux. La devise disparaît souvent.
En particulier, dans le décor Première Renaissance de l'hôtel de Ville, Joly Leterme traite avec verve les supports du blason.
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Sur la cheminée de la salle des Mariages, les supports sont des salamandres vomissant des flammes, en hommage à François 1 er. |
Le décor rocaille de la salle du Conseil est plus tempéré ; le mur est de sable ou lieu d'être d'argent |
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Les fers forgés de la salle des Adjudications présentent des armoiries élégamment stylisées. | Au-dessus de la scène du Théâtre, les ornements sont plus boursouflés. La croix de Guerre a été ajoutée dans la restauration d'après-guerre. |
11) Les armoiries sous la IIIe République
A partir de 1869, les républicains sont majoritaires au sein du Conseil municipal. La minorité royaliste reproche aux nouveaux maires de mutiler le blason de la ville en remplaçant les trois fleurs de lis par le sigle " R. F. ". Joseph Denais ( t. III, p. 187 ) répercute cette imputation. J'ai recherché, comme une curiosité, ces armes hérétiques ; je n'ai rien trouvé sur les sculptures décorant l'entrée des écoles primaires. Au contraire, les maires républicains semblent très portés sur le blason traditionnel, qu'ils reproduisent à profusion. Sans prétendre à l'exhaustivité, j'en donne ici quelques exemples.
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Cette médaille en vermeil, frappée à l'occasion d'un concours de musique, n'a pas de devise, la couronne murale est à quatre tours. | Célébration du 75 ème anniversaire de la Caisse d'Epargne. La couronne murale est à cinq tours ouvertes. | Médaille du Conseil municipal offerte en 1908 à Monsieur le Docteur Peton Joseph, maire. |
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Sculpture au fronton de l'ancienne Caisse d'Epargne, vers 1902. | Armoiries en bronze à l'entrée du Collège de Jeunes Filles, vers 1885. | Au dos d'une carte du photographe Victor Coué, qui s'attribue la Légion d'Honneur ( vers 1900 ). |
12) Les armoiries depuis
1944
Le 11 novembre 1948, le ministre de la Défense nationale, Paul Ramadier, décerne à Saumur la croix de Guerre 1939-1945 avec palme de bronze. Fière de cette distinction, qu'elle partage avec plus de 1 500 autres villes françaises, dont Saint-Lambert-des-Levées, la cité fait graver la citation sur une plaque de marbre scellée sous le porche de l'hôtel de Ville. Désormais, cette marque de dignité figure sous l'écu et des palmes remplacent les anciens ornements de feuillages divers.
La couronne murale se réduit à trois tours ouvertes. La devise est toujours défectueuse.
En 1985-1986, les édiles se préoccupent
d'actualiser les armoiries. Ils s'adressent à des marchands
d'héraldique et aboutissent à une nouvelle définition,
dont trois versions différentes au moins sont rendues publiques.
Le dessin de gauche et la bannière
accrochée dans la salle du Conseil concordent à
peu près. Elles consacrent les nouveautés.
- La couronne murale est à quatre
tours ouvertes.
- La devise, placée désormais en listel, est rectifiée.
- La fasce est bretessée et contre-bretessée à
trois merlons ( avec un anormal effet de relief à
droite ).
- Deux ornements ajoutés : des chevaux bridés
servant de supports à l'écu ; des pampres de
sinople, fruités d'or.
- Un autre changement important est à signaler : l'écu
traditionnel était « d'azur » ( l'émail
du fond ). Il devient « de gueules »
( rouge ), le chef d'azur étant posé dessus
et n'atteignant pas les créneaux, comme dans toutes les
déclinaisons antérieures.
Les ateliers de Jacques Fadat, à Aubusson, tissent une tapisserie, qui interprète librement ces armoiries. Le lieutenant-colonel Margot dessine les deux chevaux placés en supports. Les meubles et les ornements reçoivent un relief qui n'est pas conforme aux représentations traditionnelles. L'écu redevient d'azur. Les mâchicoulis sont énormes en comparaison des merlons. La grosse astuce sur " S / au / mur " est supprimée. Les changements sont considérables.
Cette fâcheuse instabilité permet toutes les extravagances. Chacun fait n'importe quoi. Aujourd'hui, les armoiries de la ville présentent bien des avatars, si l'on prend la peine de les observer en des lieux très divers, sur les en-têtes de courrier, sur les écussons portés par les agents du stationnement, sur les sites Internet, sur les bouteilles de vin ou sur les adhésifs des voitures...
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Au terme de ce long survol historique, je me contente de constater que les armes de la ville ont constamment été fluctuantes. On pourra se demander quels sont les emblèmes authentiques de Saumur. Le blasonnement est libre. Il n'existe aucune autorité en ce domaine, envahi par le snobisme, le galimatias, le faux savoir et les marchands de hochets.
13) Dans les communes associées
Au-dessus du balcon de son hôtel de ville, la commune de Saint-Lambert-des-Levées affiche un blason à la facture assez maladroite. La devise : « Mole securus ac uber - par sa levée, sûr et prospère » définit bien le passé du village, de même que le poisson et l'ancre évoquent la marine de Loire. Oeuvre probable d'un érudit du XIXe siècle, ces armoiries ont été complétées par la croix de guerre obtenue en 1949, qui est placée sous l'ancre et non sous l'écu.
Sauf création récente, les autres communes associées n'ont pas d'armoiries officielles ou officieuses. Cependant les autorités de tutelle des anciennes paroisses ont jadis blasonné.
- Le prieuré-cure de Bagneux portait : « D'or à une croix de gueules ».
- Le prieuré-cure de Dampierre dépose auprès de Charles d'Hozier : « D'azur à deux lions affrontés d'or soutenant une épée d'argent ».
- L'abbaye de Saint-Florent-lès-Saumur
est la mieux pourvue. Sur un denier
d'argent médiéval connu en un seul exemplaire,
elle fait frapper au revers la clef caractéristique des
grandes abbayes. Sur le manuscrit de l'Histoire générale
de l'abbaye royale de Sainct-Florent près Saumur, rédigée
par dom Jean Huynes dans les années
1640-1647 ( A.D.M.L., H 3716 ), des armoiries sont
dessinées au folio 4. Elles portent une crosse d'or, une
clef d'argent et une fleur de lis d'or. Dans son Monasticon
gallicanum, dressé vers 1676-1683 ( Saumur
en estampes, n° 13 ), dom Michel Germain lui
accorde une épée d'argent la pointe en bas, deux
clefs et quatre fleurs de lis. Ce sont ces dernières armes
qui sont déposées auprès du bureau de Charles
d'Hozier. A la même époque, vers 1699, la célèbre
représentation par Gaignières ( Saumur en
dessins, n°12 ) en présente deux. En haut,
à gauche, les armes des religieux, qui correspondent à
celles de dom Huynes. En haut, à droite, les armes de l'abbaye,
qui sont d'une rare complexité, comprenant des grillets
d'argent, des merlettes et, sur le tout de gueules, trois fasces
d'argent. C'est approximativement la description qu'en donne C.
Port, t. III, 1878, p. 362. Sur une sceau de cire du
XVIIIe siècle, les meubles de la communauté des
religieux sont inversés, la fleur de lis à dextre
et la clef à senestre ( rééd. de C.
Port, t. IV, 1996, p. 58 ).
Au total, comme pour Saumur, cinq modèles différents.
Pourquoi faire simple, quand on peut faire prétentieux
et compliqué ?