LES PLANS DES PRIEUR-DUPERRAY
|
Le
contexte des années 1750
Selon
Célestin Port, en 1744, le Conseil de Ville charge Michel
Prieur-Duperray de « lever un plan de la ville, des faubourgs, des îles
et bras de la Loire [ donc de tout l'espace depuis la Croix Verte
jusqu'au Pont-Fouchard ]. Sa carte devait mesurer 8 à 9 pieds de long [
soit plus de 2,60 mètres ]. S'il l'acheva, elle paraît perdue. »
Notre éminent archiviste n'indique pas sa source ; sur le
registre des
Archives Municipales BB7, qui correspond à ces années-là, rien n'est
signalé. A l'inverse, le plan a bien été réalisé et l'original existe
toujours, mais en quel triste état ! Dès le départ, son histoire est
compliquée et elle va nous entraîner dans de longues explications.
A défaut d'un exposé des motifs,
le contexte du milieu du XVIIIe
siècle nous apporte des éclaircissements. L'état des anciens ponts sur
le bras principal ( voir
étude détaillée ) devient de plus en plus préoccupant. Le
franchissement du bras principal en droite ligne, selon l'axe ancien,
avait été abandonné au
profit d'un pont en bois oblique débouchant à la hauteur du port du
Marronnier. Ce pont s'avère très fragile, ce qui entraîne des travaux
permanents et le rétablissement d'un péage. Venu à Saumur, l'inspecteur
général des Ponts et Chaussées Mathieu Bayeux ( le père du pont Wilson
à Tours ) juge le pont « en état de ruine imminente ». Comme un malheur
n'arrive jamais seul, sur le pont des Sept-Voies, considéré comme
solide jusqu'alors, les deux premières piles s'effondrent, et le jeune
sous-ingénieur Louis-Alexandre de Cessart est envoyé à Saumur en 1752,
afin de les rafistoler ; ce dernier opère des réparations provisoires
en implantant trois travées en bois, mais il découvre aussi l'intérêt
de la pierre de Champigny ( Ecole nationale des Ponts et Chaussées, ms.
2 209 ). En juin 1751, est nommé comme ingénieur en chef de la
Généralité de Tours Jean-Baptiste de Voglie, qui constate lui-aussi que
« les bois dépérissent journellement » et qui reçoit la tâche de
remodeler le franchissement des fleuves.
A la même époque, à l'Hôtel de
Ville, la domination des
très conservateurs sénéchaux, se proclamant maires perpétuels,
est ébranlée : Louis-César Budan, conseiller à l'Election, donc un
officier de finance et non de justice, est élu premier échevin en
décembre 1740, puis en 1744, est nommé subdélégue de l'Intendant de
Tours et maire de la ville. Homme fort de la cité pendant une dizaine
d'années, il entend aérer et désengorger la ville ancienne. Il fait
ouvrir la rue Courcouronne et ordonne la destruction du Portail Louis
et du bâtiment de la Poissonnerie, mesures exécutées plus tard. La
municipalité est donc favorable à de grands travaux d'urbanisme, mais
elle n'a pas le sou. Ce sont les hommes de l'Intendance de Tours qui
décident et qui paient.
La dynastie des
Prieur-Duperray
Michel
Prieur-Duperray n'a
encore que 31 ans environ et est encore célibataire, quand il se voit
confier la réalisation du plan de Saumur. Il poursuit une ascension
régulière : de 1747 à 1778, il porte le titre de géomètre-arpenteur des
forêts du Roi et du comté de Trèves. Le 2 mars 1759, le Bureau de Ville
le nomme maître d'exercice et de dessin dans le cadre de l'Académie
locale ( A.M.S., BB 8 ). En 1762, il devient en outre arpenteur-priseur
de la Ville et de la Sénéchaussée ; en 1766, viennent s'ajouter
les fonctions d'arpenteur des Eaux et Forêts de la maîtrise de Baugé.
Sa carrière atteint son apogée en 1771, quand il devient arpenteur
général des Forêts de la Généralité de Tours. Il décède à Saumur le 2
mars 1781 et sa sépulture se déroule le lendemain dans l'église
Saint-Nicolas, en présence de plusieurs confrères.
Il laisse deux fils, connus comme géomètres-arpenteurs.
Michel-Antoine-Charles, d'abord appelé " Prieur-Duperray le Jeune ",
puis " l'Aîné ", après la mort de son père, débute à la maîtrise de
Chinon, puis exécute divers plans à Saumur à partir de 1771. Plus
jeune, Gabriel-Louis-François devient ingénieur à l'Armée
de l'Ouest et ensuite, géomètre de première classe dans le service du
Cadastre. Il donne des cours de topographie à Saumur et, en 1818, il
dresse les plans de l'ouverture de la rue Montesquieu.
Les levés
Michel
Prieur-Duperray semble s'être mis à la tâche aussitôt ; le 31 octobre
1744, il reçoit un versement de cent livres pour les plans de la ville
et autres ouvrages, somme à prendre sur les deniers patrimoniaux (
A.M.S., CC 21 ). On ne trouve pas de trace de paiements postérieurs,
qui sont probables. Il est en tout cas certain que le plan est achevé
en 1752. A-t-il été réalisé en plusieurs exemplaires ? Le document
survivant, tracé sur deux feuilles de fort papier vélin, limité à la
partie centrale, ressemble plutôt à un brouillon, les zones bâties
étant figurées par des hachures assez sommaires et non par des lavis.
Il serait logique que les services de la Généralité de Tours, qui
dirigent les travaux, aient obtenu un autre exemplaire ( mais il n'en
subsiste aucune trace dans les Archives d'Indre et Loire, ravagées par
les bombardements ).
Date
: 1744-1752 |
Dimension
en cm, hauteur x largeur : état actuel, 122×146
|
Echelle
: 1/864
|
Orientation : vers le Sud
|
Techniques
: manuscrit, encre de chine
|
Localisation
: A.M.S., 1 Fi 207
|
Ce qu'on parvient à déchiffrer sur ce
plan en lambeaux révèle que Prieur-Duperray a dressé une description
minutieuse de la ville et de ses faubourgs vers 1750 ; il insiste sur
le tracé des rues et sur la forme des monuments publics ; il
s'intéresse particulièrement aux îles, aux cours d'eau et aux ponts,
qu'ils soient en service ou en ruines. A l'évidence, ce plan constitue
un support pour de grandes réalisations d'urbanisme. En sens inverse,
la description des zones habitées est sommaire, elle se limite aux
façades sur la rue, sans entrer dans les cours, surtout s'il s'agit de
communautés religieuses féminines. Ces faits seront détaillés dans
l'analyse par quartiers.
La ville n'a pas encore dressé de nomenclature officielle de ses
noms de rues. Prieur-Duperray adopte une désignation usuelle, alors que
bien des voies portent deux noms en concurrence. Il écrit ces noms un
peu dans tous les sens et il s'embrouille parfois, notamment dans le
quartier des Bilanges et autour de la Porte Neuve, où des désignations
bien attestées
sont interversées.
Le document fondateur de la ville
nouvelle
Jean-Baptiste
de Voglie, sitôt installé, prépare de grandes percées urbaines, à Tours
comme à Saumur. En 1752, il étudie quatre projets de traversée des
fleuves et de la ville et il les reporte d'un trait plus soutenu sur
notre plan, qui de ce fait présente un intérêt historique de premier
ordre.
Comme ce plan, même
agrandi, est franchement peu lisible, nous en donnons sa copie de
1890-1891 :
Une hypothèse
prévoit de revenir au franchissement ancien dans l'axe de la rue de la
Tonnelle. Cependant, le lit du fleuve est déjà encombré par deux lignes
de ponts aux fondations peu sûres ; ensuite, défoncer la ville ancienne
jusqu'à la place Saint-Pierre et la Grande-Rue causerait d'énormes
destructions.
Une autre hypothèse passerait plus en amont, entre la place
Saint-Michel et les prés de la Blanchisserie, mais, vers le sud, elle
se cogne sur le mur de ville et sur les remparts du château ; elle
devrait passer par le port au Bois élargi.
Un projet tortueux partirait de la place de la Bilange et
rejoindrait le pont Rouge ( qui s'écroule ), en détruisant au passage
la Maison de la Reine de Sicile, donc un tracé tout en zigzags, très
loin des avenues rectilignes qui correspondent à l'idéal du temps.
Seule une percée entièrement nouvelle au droit de la place de la
Bilange répondait à ces critères et entraînait des destructions
limitées à une trentaine de maisons. Sa supériorité est tellement
évidente qu'on peut considérer les trois autres projets comme des
faire-valoir. Aussi, ce tracé est-il adopté par l'Assemblée des Ponts
et Chaussées en janvier 1753, peut-être sur présentation de ce plan,
décision capitale qui fait naître le nouveau Saumur à 180 mètres en
aval
de la précédente traversée.
Plus tard, de Voglie a légèrement réorienté la grande ligne
droite de 3 900 toises, soit 7,6 km, depuis le carrefour de Bournan, en
passant par le centre de l'ancien pont Fouchard, que l'on reconstruira
selon le nouvel axe, jusqu'au débouché de la nouvelle levée de Vivy,
qui franchit par deux ponceaux l'Authion et l'Automne [ deux
magnifiques hydronymes d'âge préceltique ! ]. L'orientation définitive
correspond plutôt à un trait placé légèrement à gauche du pont Cessart.
Le projet prévoit en outre de larges culées, à partir desquelles on
accèderait à de nouveaux ports. La majestueuse culée septentrionale a
été déplacée légèrement plus bas, si bien que le pont, qui sur ce
projet ne présente que onze arches, va finalement en compter douze. Le
projet évoque aussi le comblement du bras de
la Poissonnerie et la destruction de l'île du Parc ; il prévoit la
réunification des îles d'Offard, Censier et Millocheau. Pour la grande
percée, le programme est au complet, mais, pour l'instant, rien n'est
envisagé plus à l'ouest, au sujet de la caserne et de la levée
d'enceinte.
Deux plans de
Michel Prieur fils en 1771
A)
Le
20 février 1771, Michel Ant. Prieur, arpenteur des Forêts de la
Maîtrise de Chinon ( il s'agit bien du fils aîné, alors que le père est
toujours en activité ) signe un « Plan des terres, maisons et jardins
des différents particuliers scises sur le fief de M. de Baigneux et
scituées sur la montée du château de Saumur ». Gilles Blondé de
Bagneux, président de l'Election, ancien maire, seigneur du fief du
Boile du Château, fait dresser ce plan terrier à grande échelle ( 1/288
), afin de consigner ses droits féodaux, en outre décrits dans une
table explicative assez détaillée. D'abord conservé au château de
Bagneux, ce plan d'un immense intérêt est aujourd'hui aux Archives
municipales ; afin de rester lisible, nous n'en donnons qu'une partie
et dans une photopie très contrastée.
Sur la partie
droite, le "
placître " Saint-Pierre vient d'être agrandi par la destruction en 1766
de l'ancien Palais royal. Vers le haut, la " rue du Petit-Maure " est
écrite d'une manière fantaisiste.
En 1770, dans le but de faciliter
le logement des gens de guerre,
les maisons de la
ville avaient été numérotées dans une série continue allant jusqu'au n°
1 556. On voit ici l'application immédiate de cette mesure, qui ne
s'avère pas aussi pratique qu'on l'avait espéré : la numérotation passe
assez librement d'un côté à l'autre des rues, sans grande logique et en
ignorant le système pair-impair ; elle permet de situer dans quel
quartier se trouve une maison, mais sans en donner la localisation
précise. En outre, quelques maisons, non soumises au logement des
troupes, ne sont pas numérotées, mais reçoivent seulement une lettre...
L'îlot situé entre nos actuelles
Montée du Fort et rue Haute
Saint-Pierre présente à peu près l'état d'aujourd'hui. Le vieux mur du
Boile le coupe en deux dans sa partie inférieure ; aisément
reconnaissable à ses deux traits rectilignes, il constituait la limite
de la seigneurie. En face de la rue de la Prison royale, les façades
décalées correspondent à la maison dite d'Eugénie Grandet. Plus bas, on
observe des cheminements bizarres entre les deux grandes rues.
En avant, au n° 829, une chambre sur
poutre surplombant L'enclos
du Boile, en forte pente, comprend surtout des jardins et des cours,
séparés par de gros murs de soutènement et reliés par des escaliers
partant dans tous les sens. Recherchons d'abord les rares éléments qui
ont échappé au grand massacre du plan de rénovation. A l'entrée droite
de l'actuelle rue Duplessis-Mornay, alors baptisée " rue montante de la
Prison royale ", existe toujours l'ancien greffe, avec sa tourelle
juchée sur le rempart, avec, à gauche, la cour du greffe, et,
au-dessus, entre les numéros 825 et 830, le tronçon de muraille qui
existe toujours aujourd'hui et qui bordait la porte Marcouard,
entièrement disparue, mais repérable dans le parcellaire. En avant, au
n° 829, une chambre sur poutre surplombant la rue a été détruite
pendant la confection du plan.
Autre vestige encore debout, la
Maison des Compagnons correspond
à l'ensemble des numéros 836-861, alors propriété de la famille
Gondouin.
Tout le reste a été détruit.
Observer, à gauche, le vaste enclos
de la Prison royale, « composée de 8 cachots et un refuge, d'une
chapelle et d'un prie-dieu des prisonniers servant de tribune, du
logement du geôlier, trois chambres hautes, d'une cave faite pour
enferger ( enferrer ) les prisonniers, servant de cachot, d'une cour
d'enferge et un prost ( un préau ), un jardin où est une courdoire (
descente de cave ) ».
Le premier couvent de la Fidélité,
qui avait été endommagé par
les échanges de tirs de la Fronde de 1650, avait été abandonné. Les
bâtiments survivants sont passés dans la famille de Targé ; on les voit
autour du grand jardin n° 833.
Tout en bas, de l'autre côté de la
rue montante, se trouve une
mystérieuse chapelle Sainte-Anne, dépendant du curé de Montsoreau. On
ne saura jamais si elle présentait quelque intérêt artistique.
B)
Date
: 1771 |
Dimension
en cm, hauteur x largeur : 93×106
|
Echelle
: 1/3 000
|
Orientation : vers le Sud
|
Techniques
: manuscrit, encre et lavis
|
Localisation
: A.M.S., 1 Fi 040
|
Ce plan,
dans un état encore pire que celui de 1744, provient de la famille de
Courcy (
château de la Chaussée à Brain-sur-Allonnes ). Sur sa légende,
difficilement déchiffrable, on peut deviner " Michel Prieur gtre ". Il s'agit donc d'un second plan établi
par le fils aîné de Prieur-Duperray, en complément du papier terrier.
Les limites de l'enclos du Boile y sont renforcées d'un trait de
couleur et le contexte cartographique vient conforter cette date. Il
est antérieur au pont Fouchard, réalisé de 1773 à 1778 et
encore en pointillés. Quelques réalisations de fraîche date sont
présentes : l'ouverture dans le rempart de notre actuelle rue
Corneille,
autorisée en 1768 ; en 1770, est ajoutée une nouvelle abside
occidentale à l'église Saint-Nicolas et sont achevés le pont Cessart et
la nouvelle caserne, portée d'un trait hésitant, comme la levée
d'enceinte, encore en projet.
Cette réalisation est loin de présenter l'intérêt du plan de
1744-1752, car elle est
à
une échelle quatre fois moindre, peu détaillée et sans les divers
projets de
traversée.
A noter
toutefois l'apparition
de huit moulins au-dessus
du faubourg de Fenet.
La suite des
aventures du plan de 1744-1752
Même s'il en existe des copies
réduites, le grand plan commandé en 1744 sert toujours de référence
pour définir divers travaux de voirie.
Le 12 août 1808, Napoléon fait une entrée solennelle dans Saumur
( voir récit
détaillé ). Jean-François Bodin, placé aux premières loges, évoque
son arrivée avant tous les autres dans l'hôtel Blancler : « il y trouva
l'ingénieur des ponts et chaussées [ Charles-Marie Normand ], qui lui
présenta le projet du nouveau pont que l'on construit actuellement [ le
pont des Sept-Voies ; Bodin écrit en 1823 ]. Il n'y avait point de
table
dans l'appartement pour étendre de plan ; Napoléon le déroula, le posa
sur le plancher, s'agenouilla dessus d'un bout, l'ingénieur étant à
l'autre, et, dans cette posture, il se fit expliquer toutes les parties
du projet » ( J.-F. Bodin, Recherches historiques sur la ville
d'Angers, ses monumens et ceux du Bas-Anjou, réédition Saumur,
1846, t. 2, p. 555-556 ). C'est forcément le plan de 1744-1752, plan de
grande taille, le seul figurant les nouveaux projets, qui a été
présenté à l'Empereur. Bodin
est un bon témoin; il faut s'en tenir à son récit, sans en rajouter,
comme certains qui affirment que Napoléon a corrigé le plan au crayon,
ou, pire, qu'il a tracé la percée centrale d'un coup de sabre...
Avec la rédaction du cadastre, le plan perd de son intérêt et est
stocké sans soin. Alors qu'il tombe en lambeaux, Emile Roffay, un
ancien aide de Joly-Leterme devenu architecte voyer de la ville,
auteur,
entre autres, du Collège communal de Garçons, de la chapelle de la
Gueule du Loup, restaurateur de l'église Saint-Nicolas et lui-même
concepteur d'un intéressant plan
lithographié, décide d'en dresser une copie et confie la tache à
deux employés des Ponts et Chaussées, Pelou, conducteur et professeur
d'arpentage à l'Ecole industrielle, et Bonnin, commis. Voici leur
travail, réalisé en 1890-91 :
Date
: 1890-91 |
Dimension
en cm, hauteur x largeur : 260×270
|
Echelle
: une ligne pour toise, soit 1/864
|
Orientation : vers le Sud
|
Techniques
: manuscrit, encre, lavis, gouache
|
Localisation
: A.M.S. 1 Fi 001
|
Dans quelle mesure cette copie
est-elle fidèle ? Nous avons longuement comparé ce qui reste du plan de
1744-1752 avec le travail des années 1890-1891. Les employés des Ponts
et Chaussées ont amélioré la présentation : les couleurs sont
rafraîchies, les bâtiments publics coloriés en rouge ; des hachures
assez grossières sont remplacées par des lavis ; le lettrage est
normalisé et plus lisible ; des fantaisies orthographiques sont
rectifiées. Cependant, les zones devenues claires du
fait de l'usure et de l'humidité ne sont pas corrigées et demeurent
dans un flou artistique. Les données sont mises en évidence, mais rien
n'est ajouté. Voici l'exemple de la chapelle Saint-Jean,
absente des deux plans, alors que l'ouverture de la Cour Saint-Jean à
travers le rempart, actuelle rue Corneille,
autorisée en 1768, figure sur le seul plan établi en 1771.
Les nouvelles
aventures des deux plans
Nos plans
ainsi sauvegardés vont-ils enfin être protégés ? L'original, qui n'a
plus qu'une valeur de référence, est conservé par Emile Roffay, dans
son château de la Perrière, à Bagneux. Ensuite, sa veuve, alors qu'elle
se prépare à entrer dans la Maison de Retraite des Ardilliers, le
confie à Henry Jamard, très actif dans les années 1910, sans exercer la
fonction d'architecte-voyer. Quand ce dernier cesse toute activité à
Saumur, il transmet le plan à un architecte de la ville, Louis
Avisseau, qui le conserve
chez lui. En 1936, arrive à Saumur le sous-préfet Robert Milliat,
admirateur éperdu de Napoléon, qui se met aussitôt à la recherche de ce
plan, sur lequel l'empereur se serait agenouillé et qui, selon ses
dires, aurait été surchargé par une correction impériale. Grâce à Henri
Boudent, le bibliothécaire de la ville, il parvient à le récupérer chez
Avisseau ( R. Milliat, S.L.S.A.S., n° 83, juillet 1937, note
au bas de la page 37 ). Il en fait don à la Société des Lettres,
Sciences et Arts, qui le garde dans la Maison de la Reine de Sicile et
qui finit par le restituer à la ville. Il n'en subsiste actuellement
que la partie centrale, quatre bandes ayant été découpées sur les
côtés. A partir de quelques indices, je pense que ces bandes pourraient
être retrouvées dans les fonds de tiroir des services techniques de la
ville. Mais elle présentent peu d'intérêt.
La copie de 1890-1891 est à cette époque accrochée dans la salle
Duveau située au second étage de l'Hôtel de Ville et servant de salle
de lecture pour la Bibliothèque et pour les Archives ; le commandant
Rolle, qui hante les lieux, la consulte en permanence. En 1969, la
bibliothèque municipale déménage dans ses nouveaux locaux de la rue
Célestin-Port. Le plan, roulé, est abandonné sur le sol dans l'allée
d'un magasin et un agent se plaint de se tordre les pieds en marchant
dessus. Intrigué, je l'identifie aussitôt et en signale l'intérêt à
Nicole Tartare, la bibliothécaire municipale et à Jean-Yves Le Clerc,
l'archiviste. Le document a déjà beaucoup souffert de ces mauvais
traitements : le vernis a pris des tons rougeâtres et forme des rayures
plus sombres ; malgré tout, je l'ai publié en 1995 dans " Saumur en
dessins ", n° 30. En 1997, le plan est nettoyé par les soins des
Archives municipales, puis réédité en 400 exemplaires sous un format
réduit à 30 % ( H. 77 cm, L. 78 cm ), accompagné d'un commentaire
rédigé par Jean-Yves Le Clerc. Même s'il est d'un format un peu trop
réduit, ce fac-similé nous rend de grands services.