1) L'essor des années 1606-1618Les Archives municipales ont mis en ligne le « regestre » de l'Académie. Reproduction de l'original, transcription par Anne Faucou, étude par Jean-Paul Pittion, index des mots-clés. Site précieux, à condition de naviguer dans des fenêtres au format Adobe AcrobatDossier ajouté en octobre 2019 sur la Bibliothèque de l'Académie |
Le collège prend un essor rapide sous Duplessis-Mornay.
Les grandes familles réformées lui envoient leurs garçons et les
effectifs connaissent un premier maximum dans les années 1610-1618 ; en
1612, Saumur compte 26 élèves en philosophie et 12 étudiants en
théologie. Le conseil académique tient des séances régulières à partir
de l'année suivante.
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2) Une période d'incertitudes, 1618-1631 |
Les années 20 sont défavorables à l'institution. La
crise est d'abord financière, car la subvention royale d'environ
4 500 livres n'est plus versée. La chute de Duplessis-Mornay et
les bouleversements qui suivent entraînent une mise en sommeil
temporaire de l'Académie ; les réunions des conseils sont alors
espacées.
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3) Un redressement financier provisoire |
Devant les risque de disparition des académies, les synodes nationaux consentent de gros efforts financiers. En 1631, ils décident d'attribuer le cinquième du montant des aumônes à l'entretien des établissements d'enseignement. En 1637, la quote-part de chaque église est stabilisée à un total de 4 130 livres en faveur de Saumur. L'Académie ne coûte pas bien cher au consistoire de la ville qui verse 173 livres par an. Le compte des recettes et des mises, connu pour la
période de 1631 à 1684, révèle une grande stabilité financière (
A.M.S., I A 5 ). Les églises ou les provinces versent
fidèlement leur contribution ( parfois avec des retards ).
Les recettes tournent toujours autour de 4 000 livres et les
dépenses effectives sont en général légèrement inférieures. Elles
permettent de verser au personnel des gages très hiérarchisés,
convenables pour les professeurs, médiocres pour les régents,
symboliques pour le portier et le bedeau.
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4) Les revenus des enseignants |
Peu sûrs de toucher leur traitement, les enseignants tiennent habituellement une pension et donnent des leçons particulières. Ils disposent en outre d'un autre revenu, le minerval, redevance sur laquelle les archives sont peu loquaces. Dans l'Antiquité latine, le minerval est un cadeau fait en retour de l'instruction donnée ; il est versé à l'occasion des fêtes de Minerve, la déesse de l'intelligence, normalement en mars, au milieu de l'année scolaire ( le terme a survécu en Belgique ). Dans l'Académie de Saumur, le minerval n'apparaît pas
dans les budgets de l'institution, qui se contente d'en fixer le
montant : 3 livres aux origines, 6 livres en 1618, 12 livres en
1666 ; les hausses correspondent à des crises de l'établissement.
Il s'agit manifestement d'une rétribution personnelle versée
directement par les élèves aux maîtres au début de chaque semestre.
Pour les régents des classes de
grammaire, chichement rétribués ( entre 210 et 250 livres ),
le minerval double leur salaire dans les périodes de forte
fréquentation. Pendant une période au moins, ils se partagent le
minerval dans une bourse commune. Je crois - sans preuve bien explicite
- que les élèves
versent cette redevance directement à chacun de leurs maîtres,
c'est-à-dire à un
seul pour les collégiens, mais un étudiant en théologie, qui suit aussi
les cours d'éloquence, d'hébreu, de grec et parfois de philosophie,
paie des frais de scolarité fort lourds. Cependant, en principe, le
minerval n'est pas exigé des élèves indigents ou bien il est payé par
leurs églises d'origine.
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5) L'apogée, 1631-1664 |
Disposant de revenus stables, quoiqu'insuffisants,
l'Académie réunit alors un groupe de professeurs renommés. Dans son
rapport de 1664, l'intendant Colbert de Croissy confirme cette
réputation : « L'Université, ou plutôt l'Académie, est, à
Saumur, tenue et exercée par ceux de la Religion prétendue Réformée,
qui y réunissent tout ce qu'il y a de gens d'esprit dans leur parti
pour la rendre célèbre et florissante ». Les ouvrages sont alors
imprimés en grand nombre. Les descriptions de voyageurs évoquent
l'afflux d'étudiants et de touristes étrangers, certains venus avec
leur précepteur et une suite.
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6) Quels sont les effectifs ? |
Le nombre de 300, voire de 500 écoliers et étudiants est souvent avancé et recopié de confiance. La source de cette affirmation est l'étude de Desmé de Chavigny sur le temple ; il y calcule que la longueur totale des bancs réservés aux élèves fait 177 mètres, et, en accordant 50 centimètres pour chaque paire de fesses, il fixe à 350-400 le nombre total des élèves de l'Académie ( S.L.S.A.S., juillet 1911, p. 15-22 ). Cette méthode est ingénieuse, mais elle ne prouve rien du tout, car, pendant un temps, il y avait trois prêches par semaine. En sens contraire, en période de basses eaux, il n'est pas sûr que les bancs étaient entièrement occupés. Des procédés d'approche plus fiables sont à notre
disposition. Les thèses soutenues en philosophie et en théologie sont
imprimées et regroupées dans un recueil annuel. J.-P. Pittion a pu
reconstituer des séries ( « Les académies réformées de l'édit de
Nantes à la Révocation », La Révocation de l'édit de Nantes et
le protestantisme français en 1685, 1986 ). La moyenne des
thèses de maîtres ès arts ( soutenues à la fin de la
Philosophie ) se situe à 25 par an, avec un maximum de 40 en 1641.
Peut-on accorder des effectifs à peu près égaux à toutes les classes du
collège ? Il est certain que les élèves entrent à tous les niveaux
et que beaucoup s'arrêtent après la Rhétorique, sans accomplir les deux
années de Philosophie. En sens inverse, d'autres viennent de collèges
d'humanités pour y passer leurs grades ; des étrangers
s'inscrivent spécialement pour suivre ce cycle de Philosophie.
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7) Des observations scientifiquesDocumentation inédite due à l'inlassable courtoisie de Matthew Cobb ( Université de Manchester ) |
Marquons une pause en cette période d'apogée. L'Académie n'a jamais enseigné la médecine et le collège prodigue un enseignement mathématique minimal. Cependant, dans leur sphère privée, deux membres de l'Académie pratiquent des observations suivies et d'une précision déjà scientifique : Tanneguy Le Fèvre, professeur de grec, et son ami, le pasteur Isaac d'Huisseau, non-enseignant, mais recteur à trois reprises. C'est un étudiant néerlandais, Jan Swammerdam, docteur
en médecine, séjournant à Saumur en 1664 et lié avec le pasteur
d'Huisseau, qui nous le révèle dans son grand oeuvre posthume, " la
Bible de la Nature " :
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8) Les années de déclin, 1664-1684 |
Dans son rapport de 1664, Colbert de Croissy, après avoir fait l'éloge des professeurs de l'Académie, ajoute : « ils ne subsistent que de la contribution de leurs églises prétendues et de ce qu'ils peuvent tirer des écoliers, qui est environ 300 livres ». Le minerval se montant alors à 6 livres, on n'aurait plus que 50 élèves payants, ce qui semble anormalement bas ( Saumur est encore en proie à la grave crise de l'Avènement, mais le collège de l'Oratoire affiche alors 300 élèves ). Les indices de déclin s'accumulent à cette époque. Les
plus célèbres professeurs décèdent : Cappel le père en 1658,
Amyraut en 1664, Josué de la Place en 1665. En 1670, Tanneguy Le Fèvre se brouille avec
l'Académie et cesse définitivement ses cours. Il écrit le 20 mai
1671 : « il n'y a pas ici 45 humanistes en tout. Chacun s'est
retiré depuis qu'on a veu que je quittois ». Par "humanistes", il
entend les élèves de Seconde et de Rhétorique, ainsi que d'autres
étudiants qui suivent les leçons de grec. Le Fèvre n'est pas
remplacé ; la chaire d'éloquence est réunie à la Première et
plusieurs régences sont tenue par des proposants.
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L'année scolaire 1683-1684 apparaît comme
catastrophique. A la rentrée, Pierre de Villemandy, professeur de
philosophie, est absent ; il se déclare malade et il réclame les
sept quartiers de gages qui lui sont dûs ( A.M.S., I A 4 ).
Il avait auparavant été réprimandé par un synode tenu à Sorges et en
réalité, il a trouvé un nouveau poste à Leyde. Pendant toute l'année,
deux étudiants en théologie assurent les cours de philosophie.
Cependant, les apparences sont sauves, car deux nouveaux professeurs
sont recrutés par concours.
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