L'Ecole de Théologie des Ardilliers   

 

Sources essentielles

 Jacques MAILLARD, « L'Oratoire de Saumur et les protestants au XVIIe siècle », Colloque de Fontevraud, 1991, p. 125-135.

 François LAPLANCHE, dans Landais, p. 179-181.
    

Implantation à Saumur
 L'Ecole de Théologie des Ardilliers est à la fois un séminaire pour jeunes confrères et un centre de formation complémentaire pour les prêtres de l'Oratoire. Elle est ouverte peu après 1631, l'année de l'achèvement du premier bâtiment longeant la Loire. Cette même année, François Bareyre y réside comme confrère, lorsqu'il est miraculé. La présence constante d'un professeur de théologie y est attestée depuis 1633.
 Après l'achèvement des bâtiments des Ardilliers ( en 1642 ), l'Ecole est officiellement installée ; elle dispose de 54 chambres pour les étudiants. Cependant, les effectifs ne dépassent jamais la trentaine et l'encadrement se réduit à deux enseignants.
 Ces nombres sont proches de ceux de la section de théologie de l'Académie protestante, structure comparable et rivale.
   
Une organisation monacale 

 Le règlement de la Maison, édicté en 1649, reprend le fonctionnement du premier séminaire oratorien de Saint-Sulpice. L'existence y est austère ( lever à 4 heures du matin ), très surveillée ( le supérieur inspecte les chambres, les bibliothèques, le costume et la longueur des cheveux ) et teintée de misogynie ( toute fréquentation du beau sexe est proscrite ). En comparaison et malgré sa réputation de puritanisme, l'existence des futurs pasteurs protestants paraît plus plaisante : ils vivent en ville, ont une relative liberté d'horaires, ne sont pas astreints à de longues cérémonies religieuses et sont souvent mariés ou fiancés...

 A l'Oratoire, le travail intellectuel est intense ; les études durent deux ou trois ans. Même si la congrégation se garde bien de proclamer une doctrine officielle, la pensée de saint Augustin y est souvent privilégiée par rapport à celle de saint Thomas et les penchants jansénistes sont permanents et pourchassés.
   

Quelques enseignants 
  • William Chalmers est d'origine écossaise ( comme beaucoup d'enseignants protestants ). Il a professé la philosophie au collège de l'Oratoire d'Angers ; en 1633, il est nommé pour enseigner la théologie aux Ardilliers. Sans reprendre la prédestination des calvinistes, il parle de " prémotion ", ce qui le fait accuser d'être trop proche des idées réformées. Il est envoyé à Saint-Malo en 1635.
     ( Francis FERRIER, William Chalmers ( 1596-1678 ). Etude bio-bibliographique, 1968 ).
  • Louis Thomassin, ancien élève de l'Ecole, y revient de 1648 à 1653. Il est surtout réputé comme historien de la pensée religieuse, en raison de sa relecture méticuleuse des textes originaux. Il donne des conférences publiques très suivies, notamment par les professeurs et étudiants protestants.
     ( Pierre CLAIR, Louis Thomassin ( 1619-1695 ). Etude bio-bibliographique, 1964, p. 24-27 ).
  • André Martin, « un des plus beaux esprits que nous ayons jamais eus », selon le jugement du Père Batterel. Son enseignement aux Ardilliers de 1669 à 1675 est une forme d'exil : il lui est reproché, à la fois son adhésion à la pensée de Descartes et ses théories augustiniennes sur la grâce. Des thèses soutenues par ses élèves à Saumur reçoivent l'assentiment de Pierre de Villemandy, professeur à l'Académie protestante, mais elles sont dénoncées par des adversaires d'Angers, proches des milieux jésuites, et finalement mises à l'Index. Malgré la protection de l'abbesse de Fontevraud, la carrière professorale d'André Martin est brisée par des lettres de cachet qui lui interdisent tout enseignement.
     ( François GIRBAL, L'affaire du P. André Martin à Saumur ( 1669-1675 ). Un Augustinien de l'Oratoire, 1988 ).
       
  • Quelques élèves célèbres
  •  Guilaume Boux, fils d'un marchand de Souzay est un bel exemple de promotion sociale. Reçu par charité au collège de Saumur, il y balaie les classes, tout en étudiant ( cependant Célestin Port constate que sa famille est relativement aisée ). Devenu un célèbre prédicateur et évêque de Dax, il commet ce mot d'esprit : « Je suis né gueux, je veux Périgueux ». Et il finit évêque de Périgueux.
     ( selon Batterel, t. 2, p. 580-597 ).
  • Jules Mascaron, étudiant de 1659 à 1661, devient l'un des plus célèbres orateurs du temps. En 1663, il prêche le carême dans l'église Saint-Pierre de Saumur. La foule est si nombreuse qu'il faut élever des tribunes pour l'accueillir. Parmi les auditeurs apparaissent des protestants, et notamment Tanneguy Le Fèvre, qui adresse au prédicateur une longue lettre de félicitations rédigée en latin.
  • Bernard Lamy, originaire du Mans, fait de longs séjours à Saumur : il effectue ses deux années de philosophie au collège royal de Saumur ( 1659-1661 ), puis, il revient parfaire sa formation théologique dans la Maison des Ardilliers en 1670-1671 ; il passe ensuite les deux années suivantes à enseigner la philosophie dans son ancien collège. Il est suspecté sur deux points : il est disciple de Descartes, il semble remettre en cause l'absolutisme en recommandant la « désobéissance civile ». Il est réduit au silence.
     ( François GIRBAL, Bernard Lamy. Etude biographique et bibliographique, 1964, p. 14-31 ).
  • Nicolas Malebranche n'étudie à Saumur que pendant une année de philosophie en 1661 ; son génie n'apparaît nullement et il est qualifié " d'esprit médiocre ".
  • Abel-Louis de Sainte-Marthe, étudiant en 1664-1665, supérieur général de l'Oratoire, achève le dôme des Ardilliers.
       
  • La fermeture

     L'Oratoire de Saumur apparaît donc comme une pépinière d'esprits brillants et novateurs. On en voit la contrepartie : les querelles doctrinales, même entre catholiques, prennent rapidement une tournure violente ; parmi les personnages que nous avons évoqués, deux d'entre eux, André Martin et Bernard Lamy, sont victimes de mesures d'interdiction.

     Finalement, l'Ecole de Théologie est elle-même victime de la répression du jansénisme. Les Oratoriens de Saumur se voient interdire de prêcher et de confesser le 12 mai 1717. Une dernière thèse de théologie est soutenue l'année suivante : elle est aussitôt condamnée par l'évêque d'Angers... Quelques étudiants réapparaissent vers la fin du siècle, mais l'Ecole de Théologie a perdu tout éclat.