L'Hôtel-Dieu et les Augustines  

 

Les lourdes charges de l'Hôtel-Dieu

 Etablissement municipal remontant au Moyen Age, l'Hôtel-Dieu, constamment implanté le long de l'actuelle rue Pascal, porte toute la responsabilité de l'assistance publique dans de nombreux domaines.

  • Il accueille les pauvres qui sont malades dans une grande salle voûtée de type médiéval, ce qui, en 1664, surprend l'étudiant strasbourgeois Brackenhoffer : « L'hôpital est dans le faubourg de Nantilli ; il est toujours ouvert, de telle sorte que les passants peuvent voir les malades couchés dans leurs lits, et être ainsi émus de pitié. Il semble que l'édifice ait été autrefois une église ». Cette salle Saint-Augustin ressemblait aux grandes nefs de l'hôpital Saint-Jean d'Angers. Sa destruction radicale par Joly-Leterme pour construire le nouvel hôpital est fort regrettable. En complément, de l'autre côté de la rue, l'Aumônerie implantée dans l'ancienne maison de Gilles de Tyr servait d'hôpital des passants ; elle y accueillait les malades forains, sans recevoir un grand appui des autorités locales. D'une façon constante, la municipalité et les habitants manifestent une grande méfiance à l'égard des pauvres étrangers, surtout quand ils sont mendiants et qu'ils se déplacent en bande. L'hôpital des Passants est fermé au XVIIe siècle.
  • L'Hôtel-Dieu s'occupe aussi des enfants abandonnés, il les place en nourrice et s'occupe en principe de leur instruction, assez peu à vrai dire.
  • Il doit porter secours aux indigents. A la fin du XVIIe siècle, l'Hôtel-Dieu entretient en permanence une centaine de pauvres, dont les effectifs s'enflent au cours des crises. Des dames de charité, bien structurées sur huit quartiers, vont alors distribuer du pain à domicile : en juin 1739, elles secourent 527 familles, regroupant 1 590 personnes ; deux secteurs sont particulièrement misérables, le faubourg des Ponts et Fenet ( A.M.S., BB 6, fol. 141 ).
  • Il reçoit enfin la mission de se transformer en hôpital général, où seraient enfermés avec les malades, les errants, les mendiants et les malades mentaux. En 1679, le Conseil de Ville souhaite vivement cette création « pour empescher l'affluence des pauvres estrangers, qui, par la raison du grand passage, y arrivent de toutes parts » ( A.M.S., BB 2, fol. 93-94 ). Un nouveau projet d'hôpital général est proposé par le chapitre de Nantilly le 28 janvier 1713 ( A.D.M.L., G 2311 ) et approuvé par le corps de Ville ( A.M.S., BB 3 ). Cependant sans suite aucune. La volonté d'interner les nombreux errants est bien réelle, mais sans réalisation concrète, à Saumur comme dans la plupart des villes. Le " grand renfermement des pauvres " du royaume n'existe que pour Michel Foucault et quelques philosophes qui se contentent de quelques déclarations de principe, sans en vérifier la mise en application.
       
  • Des ressources insuffisantes

     Deux administrateurs nommés par la ville pour trois ans, rétribués et logés, ont la lourde tâche de faire face à toutes ces charges. Ils doivent surtout régler de fortes dépenses de personnel et rétribuer les corps de santé qui font des vacations : deux médecins et douze chirurgiens interviennent pour l'Hôtel-Dieu en l'année 1676.

     Les ressources financières sont nombreuses, mais en général de faible importance : d'anciennes rentes dues à l'Hôtel-Dieu et à l'Aumônerie, remontant souvent au Moyen Age, s'élevant en général à quelques sous et sources d'un contentieux abondant ; des redevances versées par l'abbaye de Saint-Florent, obligatoires, car cette dernière possède la seigneurie sur une partie de la ville. En 1685, l'Hôtel-Dieu reçoit les biens de l'Académie et de l'église protestante ; il brade la bibliothèque et les matériaux de démolition, et il finit par revendre les bâtiments. Le roi lui transfère, en 1696, les revenus de la maladrerie Saint-Lazare du Pont-Fouchard, des hôpitaux de Saint-Hilaire l'Abbaye et de Saint-Lambert et des aumôneries de Dampierre et de Montsoreau.
     Ce sont là de maigres ressources supplémentaires. Les finances sont constamment en déficit : en 1778, les dépenses atteignent 25 000 livres pour 18 000 livres de recettes. La ville doit compenser.
       

    Une structure conflictuelle 
     Outre un personnel salarié, les administrateurs sont assistés par des dames pieuses volontaires, qui veulent bien se dévouer pour les malades, mais pas être commandées. Un règlement du 7 avril 1672 tente de structurer l'institution ; les 8 ou 9 filles ou veuves hospitalières reçoivent, pour trois mois seulement, des offices bien délimités et sont lingère, apothicaire, économe ou dépensière, etc. ( A.M.S., BB 2, fol. 12-16 ).
     Les querelles s'éternisant, la ville pense que l'installation d'une communauté religieuse disciplinée résoudrait ses problèmes de fonctionnement. Geneviève Sigot ( L'Hôpital Saint-Jean ou les pauvres à l'Hôtel-Dieu, Editions de la Houdinière, 2009, p. 87-124 ) raconte les démêlés comparables survenus à Montreuil-Bellay.
       
    L'installation des Augustines 
     La ville fait appel aux religieuses hospitalières de Saint-Augustin, installées à Tours et passe avec elles un concordat très minutieux et annoté sur plusieurs articles ( B.M.S., P 820 / 13 - publié par Gino Blandin, annexe 3 ). Les religieuses s'installent le 12 mai 1678. Elles entrent aussitôt en conflit avec les anciennes hospitalières restées en place.
     Les Augustines ne se montrent guère plus accommodantes avec les autorités municipales ( qui, il est vrai, se mêlent de réglementer leur recrutement ). Religieuses contemplatives à l'origine, elles sont sans doute mal préparées aux besognes ingrates des soins hospitaliers. Malgré leurs effectifs élevés, elles conservent un personnel domestique abondant ( il y a pratiquement un soignant par malade à la fin du XVIIIe siècle ). Comme nos infirmières modernes, ce ne sont pas nos dames augustines qui torchent les petits vieux.
     Les conflits s'aggravent pendant la période révolutionnaire, car les augustines suivent les offices de prêtres insermentés. Les relations ne s'améliorent nullement avec la Restauration, elles quittent l'Hôtel-Dieu de Saumur en 1827.
       
    Des bâtiments reconstruits 

    L'Hôtel-Dieu, fragment du plan de Prieur-Duperray

     

     Les Augustines ont aussi exigé le réaménagement complet des locaux. L'ancien Hôtel-Dieu médiéval est en partie détruit et remplacé par des bâtiments neufs. Seule, la grande salle Saint-Augustin, située en face de l'entrée et présentant les caractéristiques de l'hôpital Saint-Jean d'Angers, avait survécu jusqu'à Joly Leterme.

     La nouvelle chapelle commencée en 1728 est située le long de l'actuelle rue Pascal ( à droite, les locaux sur le plan de Prieur-Duperray ).

     De grands jardins et plusieurs cimetières entourent l'établissement.
     

     Effectifs
    • 1678 : 4 religieuses
    • vers 1695, 14 religieuses
    • 1762 : 42 lits pour les malades
    • 1779 : 30 religieuses, 10 domestiques, 10 pensionnaires, 50 malades
    • 1790 : 25 augustines, 12 domestiques masculins, 9 domestiques féminins.