Un pèlerinage des Bourbons   

   

 Le pèlerinage des Ardilliers présente des aspects politiques incontestables, comme nous l'avons vu dans le voeu fait par la ville de Saumur. Sept autres villes se consacrent à Notre-Dame des Ardilliers pour la remercier de sa protection contre la peste ou contre d'autres calamités naturelles.
   

1) Un sanctuaire privilégié par les Bourbons

 Si la famille de Guise et les anciens ligueurs fréquentent plutôt Notre-Dame de Liesse, les Bourbons choisissent nettement les Ardilliers : Louise de Lorraine, veuve d'Henri III, ouvre la série des reines fidèles à ce pèlerinage ; Marie de Médicis y vient apparemment cinq fois ; Louis XIII, à cinq reprises également ; son épouse, Anne d'Autriche, au moins une fois ; sa soeur, Henriette de France y fait sa première communion et revient quand elle est reine d'Angleterre ; son frère, Gaston d'Orléans, fait le pèlerinage à deux reprises ; César de Vendôme, son frère naturel, offre la sacristie ; ses cousins, les princes de Condé, sont également assidus.
 Au point de départ de cet attachement, le rôle de l'abbesse de Fontevraud, alors membre de la famille des Bourbons, doit être mis en évidence. Ces grands personnages lui rendent visite lors de leurs passages.
   

2) Autres grands personnages

 La liste des pèlerins proches du pouvoir aboutirait à une énumération fastidieuse. Retenons Servien, surintendant des Finances, le maréchal de la Meilleraye, Vincent de Paul, le Père Joseph ( pèlerin à huit reprises )...
 Ce dernier nous conduit à Richelieu, qui semble bien n'être jamais venu, mais qui est très présent. Saumur est sur la limite de son duché-pairie et appartient à sa sphère d'influence personnelle : son beau-frère, le maréchal de Maillé-Brézé est le gouverneur de la ville. Aussi, au cours d'une maladie survenue à Saujon, le cardinal offre une chapelle à Notre-Dame des Ardilliers. La première pierre en est posée le 11 juin 1634, le monument est achevé en 1636, et la soeur de Richelieu, Nicole, y est enterrée trois ans plus tard.
   

3) Des trésors considérables

 Tous ces personnages importants offrent des objets précieux, en complément des sommes d'argent. Une salle du trésor est construite pour présenter ces reliquaires, calices, chandeliers, couronnes. « On montre ce trésor publiquement à tout le monde le dimanche , dans un coffre fermé d'une grille en treillis » ( E. Brackenhoffer ).
   

4) Un fondement de l'identité nationale catholique

Thèse imprimée : Bruno MAES, Le Roi, la Vierge et la Nation. Pèlerinages et identité nationale entre guerre de Cent Ans et Révolution, Publisud, 2002.

 Au Moyen Age, le culte commun envers saint Martin était un des éléments constitutifs de l'unité nationale. Sous Louis XI, saint Michel prend le relais. Au début du XVIIe siècle, le culte de la Vierge Marie, cristallisé autour de grands pèlerinages nationaux, devient un nouvel élément unificateur. Telle est la thèse défendue par Bruno Maës, qui présente des arguments plus convaincants pour Notre-Dame de Liesse que pour les Ardilliers.
 En prenant la tête de cette dévotion, les Bourbons s'attachent leurs sujets, à la fois grands personnages et pauvres gens, communiant avec eux dans une même piété. C'est l'une des bases du pouvoir absolu du Roi Très Chrétien. Mais des sujets s'excluent de cette communauté : en consacrant son royaume à la Vierge en 1638, Louis XIII marginalise les protestants et prépare la fin du dualisme religieux, tout comme les édiles de Saumur l'avaient fait en 1615. Je rappelle à nouveau que les Ardilliers constituent d'abord un pèlerinage antiprotestant.
   

5) Sous Louis XIV

 Passé 1652, dernier pèlerinage royal aux Ardilliers et fin des visites de grands personnages, le pouvoir ne repose plus en premier lieu sur une ferveur religieuse commune, mais sur un culte proprement monarchique. Louis XIV s'isole de son peuple et n'est plus un roi pèlerin.

 Il subsiste cependant un reflet de la puissance du prince en la personne de Madame de Montespan, orgueilleuse et riche pénitente, à l'intention de laquelle le supérieur général de l'Oratoire, le Père de La Tour, fait aménager le manoir du Jagueneau, situé tout près des Ardilliers. On ne trouve cependant aucune trace de sa venue. Quand Madame de Montespan est dans la région, elle réside à Fontevraud, auprès de sa soeur, l'abbesse Gabrielle de Rochechouart de Mortemart, et plus tard, au château d'Oiron.