L'imprimerie saumuroise
1600 - 1684

 

1) Une naissance tardiveLa première impression saumuroise, 1589

 Un bon siècle après Gutenberg, Saumur n'a toujours pas d'imprimeur et les livres sont lents à y apparaître. Dans les dernières années du XVe siècle, Thomas Frémy recopie à la main quatre ouvrages pour le service de l'église Saint-Pierre.
 Plus tard, en 1587, le libraire Guillaume Martinet, installé devant l'église Saint-Pierre vend des livres, mais il ne participe pas à leur fabrication.
 Deux ans plus après, quand Henri de Navarre obtient la place de Saumur et qu'il y installe Duplessis-Mornay, il fait imprimer une déclaration solennelle, dont il existe deux éditions. L'une, localisée à Saumur, constitue la première impression de la ville, mais l'artisan ne donne pas son nom. Cette petite brochure de 7 pages est manifestement une composition improvisée.

 

2) Thomas Portau, le fondateur

 Le premier imprimeur saumurois digne de ce nom est Thomas Portau. Après de premiers travaux à La Rochelle ( d'après une communication de Jean-Claude Bonnin ), il s'installe à Pons et à Niort, où il publie une " Histoire véritable de certains voïages périlleux et hazardeux sur la mer ", ouvrage en forme de parabole qu'il avait dédié à Duplessis-Mornay. Ce dernier, écrivain prolifique, souffrait de ne pas disposer d'une maison d'édition dans sa ville ; aussi aide-t-il Portau à s'installer à Saumur, ce qui est chose faite en juillet 1600.

 Pendant ses 23 années d'activité dans la ville, Thomas Portau se distingue d'abord par la quantité de ses publications ; son historien,Lettrine tirée de DUPLESSIS-MORNAY, De l'institution ...  de l'Eucharistie, 1604, B.M.S., S.XVII- I/1 Louis Desgraves ( Thomas Portau, 1968 ) lui attribue un total général de 106 éditions.
 Il ne travaille pas seulement pour le gouverneur. Assisté par plusieurs compagnons, il produit sans cesse, par exemple, huit livres et brochures en l'année 1606.
 Portau est aussi un remarquable professionnel, soucieux des règles de son art. Sa typographie offre une grande variété de fontes et de corps de police ; il n'oublie pas de placer des réclames à la fin de chaque feuillet. Ses ouvrages se terminent par des index, des tables et des errata.

 Il adore les belles lettrines, parfois de grandes dimensions, comme celle-ci qui atteint la taille de 0,058 × 0,058 m ( lettrine tirée de DUPLESSIS-MORNAY, De l'institution ... de l'Eucharistie, 1604, B.M.S., S.XVII- I/1 ).

 


 

 


 Il emploie trois marques typographiques :

 La porte large et la porte étroite

  La croix de Moïse et les roses 

 Le soleil éclairant la lune et la terre

 Les deux portes  La croix de Moïse et les roses Le soleil éclarant la lune et la terre, gravure sur cuivre en titre de DUPLESSIS-MORNAY, De L'institution ... de l'Eucharistie, 1604

 

 

Le Mystère d'Iniquité, portrait de Duplessis-Mornay par Léonard GautierMystère d'Iniquité, édition latine, page de couverture, B.M.S., S XVII-I/2 En outre, Portau est en même temps un éditeur ambitieux, qui ne recule pas devant les entreprises exigeantes.
En 1611, il publie les éditions française et latine du " Mystère d'Iniquité " de Duplessis-Mornay, ouvrages in-folio, atteignant 644 pages et comportant des planches sur cuivre, dont le célèbre portrait de l'auteur par Léonard Gautier et, sur la page de titre, une représentation de la papauté en forme de tour de Babel, dont les fondements en bois sont attaqués par des flammes ( édition latine, page de couverture, B.M.S., S XVII-I/2).

 

 

 

 

 




 

 

 

La Bible, par Thomas Portau, 1614, gravure sur cuivre de la page de titreBible de Th. Portau, les Psaumes En 1614, il donne une Bible au format in-quarto, comprenant une préface par Maître Jean Calvin, la traduction de la Bible de Genève, des notes marginales, des psaumes avec leur musique, des prières et un rituel ; le tout, d'un soin admirable, atteint 768 pages. Le titre ( à gauche ) est gravé sur une planche de cuivre et reprend sa marque aux deux portes. Il réédite cet ouvrage en 1619 au format in-folio de 0,37 m de haut.


 

 

 

 

 

 

Duplessis-Mornay, De l'institution ... de l'Eucaristie..., chez Thomas Portau, 10 avril 1604, et Les Pseaumes de David, par Pierre Pié de Dieu, 1615 Portau sait aussi faire dans la miniature : son édition de poche des Psaumes de David, mis en vers par Clément Marot et Théodore de Bèze, ne fait que 0,08 m de haut et comporte des caractères en corps 5. La Bibliothèque de Saumur ne possède pas cet ouvrage, mais une imitation, légèrement plus grande ( 0,105 m ), éditée à Saumur en 1615 par l'excellent imprimeur Pierre Pié de Dieu. Nous l'avons placée sur le grand in-folio de 0,38 m publié par Portau en 1604 : Duplessis-Mornay, De l'institution, usage et doctrine du sainct Sacrement de l'Eucaristie en l'Eglise ancienne. Le second plat de l'ouvrage porte les armes de Charlotte Arbaleste, l'épouse de Duplessis-Mornay.

 Même si les ouvrages religieux dominent sa production, Portau publie aussi des textes historiques et une curieuse oeuvre d'imagination, sur laquelle nous reviendrons. Le site de Wikipedia donne la liste de ses publications : http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Portau

 Il meurt en 1623 ; sa veuve achève les éditions en cours ; son ancien apprenti, Jean Bureau, part s'installer à la Forêt-sur-Sèvre, afin d'y imprimer les Mémoires de Duplessis-Mornay.
 La relève est cependant assurée : en 1621, quatre imprimeurs protestants et deux catholiques sont en activité.

 

3) Des inventaires toujours incomplets

 - Deux remarquables bibliophiles ont ouvert la voie :
Emile PASQUIER et Victor DAUPHIN, Imprimeurs et Libraires de l'Anjou, Angers, Editions de l'Ouest, 1932, consacrent leurs pages 224 à 303 aux éditions saumuroises. Ils témoignent d'une impressionnante érudition, mais ils ne parlent que des livres, négligeant les impressions secondaires, comme les placards réduits à une page ou des positions de thèse se limitant à un feuillet plié en quatre.

- J.-P. PITTION, Notes for a Saumur bibliography, XVII th century bibliographical documents in Marsh's Library, Dublin, 1971 et sq, apporte des compléments et dresse des listes de thèses imprimées.

- Louis DESGRAVES, Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au XVIIe siècle, t. 1, Saumur, Baden-Baden, 1978,
- Louis DESGRAVES, Répertoire des ouvrages de controverse entre Catholiques et Protestants en France ( 1598-1685 ), 2 vol, Droz, 1984-1985,
  apporte de nouvelles découvertes et des observations érudites.

- Jean-Yves LE CLERC, Catalogue de l'exposition " Impressions d'ici ", Saumur, 1996.

 L'état actuel des connaissances permet de dresser le bilan suivant pour les années 1600-1684 :

Imprimeurs protestants :  12    Libraires-éditeurs protestants :    4 
 Imprimeurs catholiques :     Libraires-éditeurs catholiques :  

 Finalement donc, 26 entreprises travaillent dans l'édition, quelques petites boutiques vendant seulement des livres pouvant être ajoutées. Le nombre total de textes imprimés et réédités dépasse 700. Si l'on enlève les thèses et les ordonnances, les livres et les brochures représentent 400 ouvrages. Les statistiques que nous dressons ci-dessous portent sur 397 titres.

 

4) Une seule grande maison catholique

 Chacun chez soi, les imprimeurs et éditeurs sont étiquetés selon leur religion et il est exceptionnel qu'ils travaillent pour la confession d'à-côté. Seul Jean 1 er Lesnier, protestant contestataire ( comme sa belle-fille Anne Dacier, épouse de Jean II, et le père de cette dernière, Tanneguy Le Fèvre ), imprime en 1647 " Le Prélat accomply..., ", sur la demande de l'abbesse de Fontevraud, ouvrage à la gloire de Philippe Cospéan, évêque de Lisieux, avec son portrait.

 Avec 53 publications répertoriées, les catholiques ne représentent que 13 % du total. La moitié de leurs livres concernent la religion ( ouvrages de controverse et récits de miracles ). Le reste se répartit surtout dans les catégories histoire-biographies et dans le droit.

 René Hernault et ses deux fils, André et Antoine, sont les premiers représentants de l'édition catholique, probablement appelés d'Angers par des notables de la ville soutenant la Contre-Réforme. Ayant épousé la fille du libraire Martinet et ayant d'abord exercé la profession de son beau-père, René Hernault s'installe près des Ardilliers et devient l'imprimeur officiel du Roi et de l'Oratoire. Pendant longtemps, il se contente d'imprimer des formulaires, des édits ou des factums d'avocats. Son premier ouvrage digne de ce nom ne paraît qu'en 1610. Au total, cette dynastie publie assez peu.

 Ses marques typographiques font des allusions militantes à la cause catholique.

Marque typographique de l'imprimerie Hernault

 A gauche, elle reprend les armes de la ville en les simplifiant et en adoptant une autre devise : « Hic murus aheneus esto - Sois ici un rempart d'airain » ( "aheneus" ressemble à Hernault et murus rappelle Saumur ).

 A droite, les eaux et les vents contraires assaillent la forteresse royale de [Sau]Mur : « Undique frustra - de tous côtés en vain ».

 Marque de René Hernault, Les Grâces en liberté, 1619

 

 

Marque typographique d'Ernou François Ernou succède en 1657 à son ancien patron, Antoine Hernault, dont il avait épousé la fille. Il hérite de ses fonctions officielles, devenant en outre l'imprimeur officiel de la ville et de l'abbaye de Fontevraud, qui lui passe plusieurs commandes.
 En dépit de son équipement sommaire - une seule presse et deux types de caractères -, Ernou travaille bien ; outre les livres religieux, il édite quelques auteurs antiques à l'usage du collège des Oratoriens. Il emprunte la marque typographique de la famille Lesnier et sa devise : « Movendo », qui peut se traduire par « en mouvement ».
 Les autres imprimeurs catholiques sont marginaux.


5) Les ouvrages religieux, trois impressions sur quatre

 Editions de textes sacrés, ouvrages de controverse, cours de théologie ( et récits de miracles chez les catholiques ), au total, 74 % de la production saumuroise est formée d'ouvrages religieux, avec un pourcentage encore plus élevé chez les protestants.

 Une partie de ces ouvrages est rédigée en latin, mais l'examen statistique prouve qu'il est loin d'être la langue dominante ; il ne représente que 23 % des publications, avec des proportions égales entre les deux confessions. Avec 73 % des ouvrages, le français l'emporte nettement. Le faible restant est représenté par des ouvrages en grec, une édition espagnole et une traduction en italien.

 

6) Autres types de publications

 En raison du caractère répétitif des traités religieux, les autres types de publication excitent davantage la curiosité. Trois genres sont surtout représentés :

- Les éditions de textes antiques représentent 9 % du total, grâce aux publications érudites de Jean Benoît et de Tanneguy Le Fèvre.
Oeuvres de Pindare, édition grecque et latine par Jean Benoît, impression par Pierre Pié de Dieu, 1620, B.M.S., S-XVII-8/15 Oeuvres de Pindare, édition grecque et latine, lettrine de la dédicaceLes Odes aux quatre Grands Jeux de Pindare éditées par le professeur d'origine helvétique Jean Benoît illustrent à merveille ces travaux de haute érudition : le texte grec est traduit en latin ; des commentaires, très fournis et toujours en latin, entourent le texte grec ( Oeuvres de Pindare, édition grecque et latine par Jean Benoît, impression par Pierre Pié de Dieu, 1620, B.M.S., S-XVII-8/15 ). Cette remarquable publication est dédiée à Jean Héroard, le célèbre médecin de Louis XIII. Sans doute grâce à cette protection, l'imprimeur a obtenu le privilège royal. Il introduit son texte par de belles lettrines au format 0,058 × 0,058 ( à droite, lettrine de la dédicace ).

- Les traités d'histoire et les biographies ( 7 % ) offrent peu d'oeuvres d'importance.

- Le droit vient ensuite ( 4 % ), avec les inévitables " Coutumes d'Anjou " et les célèbres traités de Pierre Delommeau.

 La suite, avec des pourcentages infimes, offre quelques exemples pittoresques. Des ouvrages de médecine traitent de la peste ou de curiosités anatomiques. Parmi les éditions de littérature contemporaine apparaissent les tragédies de Robert Garnier et une traduction du " Mariage de Belfegor " d'après Machiavel. Thomas Portau aurait édité en 1616 la première utopie en langue française : "  Histoire du Grand et Admirable royaume d'Antangil... Par I.D.M.G.T. " ( Bibliothèque Mazarine, n° 22 248 ). Ce royaume, « incogneu jusques à présent », se situerait dans la région de Java. Il se divise en plusieurs provinces, qui envoient des délégués auprès d'un Roi. C'est un royaume évangélisé, encadré par des évêques, mais qui ne pratique que deux sacrements, le baptême et la Sainte-Cène. La société y est rigoureusement égalitaire. « Comme il n'y a point de pauvres en ce païs, selon qu'il a esté ordonné en l'ancienne Loy », les centeniers des paroisses tiennent un dénombrement des fortunes et obligent les riches à aider les pauvres.
 L'utopie ainsi décrite et cartographiée se réfère manifestement aux Provinces-Unies, alors en cours de structuration, et leur propose un nouveau système. L'auteur en serait Jean de Moncy, professeur à Tiel, qui aurait publié une édition précédente à Leyde. Après réexamen de ce curieux ouvrage, je constate que l'impression contient de nombreuses fautes de français, que les mêmes mots sont orthographiés de manière différente, négligences qu'on ne remarque jamais chez Portau. Il faut donc laisser l'impression à Jean Le Maire de Leyde et conclure que l'attribution à Thomas Portau n'est qu'une falsification de la page de titre, et non pas une réédition. Il faut aussi abandonner la paternité attribuée parfois à Joachim du Moulin.

 

7) Une majorité d'auteurs locaux

 Les ateliers saumurois reprennent donc des ouvrages étrangers. Ils attirent également quelques commanditaires de l'Ouest du pays et parfois de Paris. Cependant, à 60 %, les auteurs sont fixés à Saumur et, parmi eux, les professeurs de l'Académie protestante sont les grands compositeurs d'ouvrages. Comme ces livres ne sont pas protégés par l'obtention d'un privilège royal, à part le Pindare de Pié de Dieu, les droits des auteurs et des éditeurs ne sont pas reconnus ; des rééditions sans leur consentement, de véritables contrefaçons peuvent être opérées, pratiques qui ne semblent alors choquer personne. Les imprimeurs catholiques pourraient plus facilement obtenir de la Librairie du Roi un privilège. Ils sont de petites gens , ils se contentent de prendre le titre d'imprimeur du Roi ou d'imprimeur de l'abbesse de Fontevraud.

 

8) Le rythme des publications

 Si l'on se concentre maintenant sur les seules publications protestantes en les classant par tranches décennales, trois phases apparaissent nettement :

- de 1600 à 1619, Duplessis-Mornay et ses amis, assistés par Thomas Portau, produisent beaucoup. Le rythme moyen est supérieur à 4 livres par an ;

- les années 1620 à 1639 sont marquées par un net déclin ; les publications chutent à deux par an en moyenne ;

- la période 1640-1679 correspond à l'apogée des éditions protestantes, avec plus de 5 livres par an, ceci grâce à des professeurs particulièrement productifs, Moyse Amyraut, Tanneguy Le Fèvre et Josué de la Place. Ces auteurs font appel à plusieurs imprimeurs en même temps et rééditent souvent leurs oeuvres dans une typographie nouvelle. C'est la grande époque des familles Desbordes, Lesnier et Péan. La décennie 1650-1659 est la plus faste avec 57 éditions.

 

9) Imprimeurs, éditeurs, libraires, auteurs

 Les relations entre ces diverses catégories ne sont pas si simples. La plupart des noms cités impriment dans leur atelier et en même tiennent boutique, où ils vendent leurs livres ; ils se donnent le titre de « typographum et bibliopolam - imprimeur-libraire ». En général, ils rétribuent les auteurs par une somme fixe ; parfois, ils passent des conventions particulières avec eux ; par exemple, Tanneguy Le Fèvre écoule lui-même ses publications, en procédant à des échanges ( voir biographie de Le Fèvre ).
 Cependant, Claude Girard et Daniel de Lerpinière sont seulement éditeurs ; ils commandent des travaux à leurs confrères, comme Jean Bureau ou Louis Guyon, qui sont exclusivement imprimeurs et travaillent sur contrat.
 Quant à d'authentiques libraires, catholiques ou protestants, qui pourraient offrir toute la production saumuroise, quelques noms apparaissent comme Jean Desbordes ou Benoît Mignon, mais ils ne semblent guère actifs. Les imprimeurs-éditeurs saumurois ont en général un correspondant à Paris, un libraire qui reçoit le plus gros de leurs réalisations.
 Bien sûr, aucun prix n'est indiqué, mais il est attesté que les livres sont très chers. Le travail ne manque tout de même pas, en raison d'une forte demande locale.

 

10) Des imprimeurs débordés

 Les imprimeurs saumurois ont peine à faire face à la tâche qu'on leur demande. Ils se partagent les travaux, éditant parfois à frais communs. Il n'y a pas d'indices de concurrence entre eux, bien qu'ils ne soient pas regroupés dans une jurande de métier. Au contraire, le docteur Bontemps ( « L'art du livre à Saumur », S.L.S.A.S., déc. 1910, p. 32-33 ) cite de nombreux cas d'associations et d'alliances matrimoniales.

 Très probablement prospères au milieu du siècle, les successeurs de Portau et de Pié de Dieu ne travaillent pas avec autant de soin ; ils donnent l'impression d'être pressés : caractères usés ou mal encrés, certaines pages sont très pâles ; les coquilles abondent, même dans les titres ; les pages d'errata sont exceptionnelles, et elles doivent s'expliquer par la fureur des auteurs ; les tables des matières et les index sont rares et pas toujours correctement paginés.

 Nos imprimeurs sont médiocrement équipés. Aucun ne dispose d'un jeu suffisant de caractères hébreux, si bien que Louis Cappel doit se faire imprimer chez un parisien catholique. Les polices en caractères grecs ne sont guère fournies ; René Péan, qui est pourtant un bon artisan, remplace la lettre "S" par un "M" majuscule qui a opéré une rotation antihoraire d'un quart de tour ( les sérifs ne sont pas les mêmes ). Trop souvent consacrées à la polémique, la controverse ou la propagande, les presses saumuroises souffrent de travailler dans l'urgence. Les reliures luxueuses et les impressions sur vélin sont rares.

Dessin de Jean Stradanus, gravure de Jean Galle, vers 1590L'estampe ci-contre ( dessin de Jean Stradanus, gravure de Jean Galle, vers 1590 ) n'a aucun rapport avec Saumur.Elle figure une grosse imprimerie, dans laquelle, autour du maître, s'affairent huit compagnons : trois composent devant les casses, le texte étant affiché plus haut ; deux corrigent ; vers le fond, un ouvrier procède à l'encrage des formes à l'aide de tampons en peau de chien. Celui qu'on surnomme " l'ours " actionne la presse. Un jeune garçon prépare la reliure... Je ne crois pas qu'aucun atelier saumurois ait employé autant de personnel.

 

11) L'écroulement

 Dans les années 1680-1684, l'imprimerie saumuroise entre en crise, à cause du déclin de l'Académie protestante et des mesures discriminatoires de Louis XIV, qui interdit aux imprimeurs de la R.P.R. de publier sans permission royale. En 1682, Henri Desbordes, accusé d'avoir vendu des livres prohibés, voit sa boutique fermée pour un mois, et il part s'installer à Amsterdam en cette même année. Six livres seulement sont imprimés au cours des cinq dernières années, et encore s'agit-il de rééditions. L'arrêt royal du 9 juillet 1685 qui proscrit toute impression protestante à travers le royaume ne fait que confirmer la fermeture de l'Académie de Saumur.

 Les maisons catholiques ne profitent nullement de la disparition de leurs confrères. L'atelier des Ernou cesse de publier en 1717, et, pendant tout le XVIIIe siècle, la dynastie des Degouy est quasiment seule. Elle pratique surtout de l'impression administrative. Le seul intérêt technique de ses publications réside dans les bois gravés schématisant les armes de la ville et illustrant les actes officiels. En voici deux modèles provenant de Dominique-Michel Degouy  ( A.D.M.L., E 4 387, 1782, et A.D.M.L., C 118 , 1784 ) :

A.D.M.L., E 4 387 ( 1782 )          A.D.M.L., C 118 ( 1784 )