Armes de Saumur simplifiées et gravées sur bois par Degouy (1784)

 

Chapitre 19 :

 L'organisation locale des pouvoirs civils au XVIIIe siècle

  

 

  Dans le maquis des structures de l'Ancien Régime, ce chapitre reprend des éléments donnés dans les dossiers précédents et s'efforce de dresser une synthèse sur les pouvoirs civils au cours du XVIIIe siècle.
   

1) La Sénéchaussée et la justice royale

 
 
 
 
 
 

 Dossier 1 :  Le fonctionnement des tribunaux

  La hiérarchie

+ le Sénéchal lieutenant général ( qui se fait parfois appeler " Président de la Sénéchaussée, sénéchal, lieutenant général ", ce dernier titre faisant l'objet d'interprétations diverses ), juge ordinaire au civil et au pénal, sous la tutelle du Présidial et du Parlement. La sénéchaussée est vaste , regroupant 192, parfois 193 paroisses, et possédant de lointaines enclaves jusqu'à Richelieu et Moncontour ; voir plan de la sénéchausée ;

+ le lieutenant général de police, responsable de l'ordre public, des sépultures, des foires et marchés, de l'urbanisme et du fonctionnement des corps de métiers. La charge est créée en 1699 et attribuée à la famille Barré en 1711 ;
 ( Delphine GODIN, La police des personnes et des biens à Saumur, XVII-XVIII èmes siècles, mém. de maîtrise, Angers, 2000 ) ;

+ le lieutenant général criminel, qui instruit les affaires délictueuses ;

+ le lieutenant général particulier, suppléant du sénéchal ;

+ l'avocat du Roi défend les intérêts de la Couronne ;

+ le procureur du Roi diligente les poursuites ;

+ quelques conseillers à la Sénéchaussée assistent aux délibérés ; ils appartiennent souvent à plusieurs juridictions ;

+ au-dessous, des greffiers, des commissaires et des sergents ou huissiers.

  La prévôté

 Le ressort de la prévôté se réduit à Saumur et aux paroisses voisines. Le juge-prévôt intervient dans les affaires mineures. Il disparaît partiellement en 1734 et définitivement en 1749, ses fonctions étant reprises par le lieutenant général criminel.
  

2) La survivance des justices seigneuriales

 Dossier 2 : La justice seigneuriale de Saint-Florent

  Même si des seigneurs continuent à se proclamer hauts justiciers, la plupart des juridictions de fief ont cessé de fonctionner.
 L'Hôtel de Ville exerce une petite juridiction particulière. Les justices du marquisat de Brézé et de l'abbaye de Fontevraud continuent à siéger. Nous avons étudié celle de l'abbaye de Saint-Florent, dont le ressort s'étend en partie sur la ville de Saumur.
    

 3) Les tribunaux fiscaux

 

 

Dossier 3 :  La répression du faux-saunage

 - L'Election, outre ses services de perception des impôts ( receveur des Tailles, receveur des Vingtièmes et de la Capitation ) est complétée par le Tribunal des Aides, qui juge les différends et les fraudes sur les tailles et sur les aides. Ce tribunal ne fait guère parler de lui.

- Le Grenier à Sel, outre sa fonction de distribution du sel du devoir, juge les nombreux délits liés à la gabelle. Cette juridiction est sans cesse renforcée ; Saumur devient ainsi l'un des principaux centres nationaux de répression du faux-saunage ( dossier 3 ).
  

4) Monsieur de Saumur

  Dossier 4 :  Les bourreaux de Saumur

 La Commission de Saumur a donné beaucoup de travail à l'exécuteur de haute justice de la Sénéchaussée. La fonction de bourreau est occupée par plusieurs dynasties familiales. Le dossier 4 regroupe les données que nous avons pu réunir.
   

5) La recherche permanente de l'autonomie municipale

Dossier 5 : La municipalité, de la tutelle du sénéchal à la tutelle du subdélégué

  Au lendemain de la Fronde, Saumur est récompensée de sa fidélité ; elle peut récupérer son hôtel de ville et réorganiser ses structures municipales, mais le corps de ville ne parvient pas à s'imposer, surtout en raison de ses graves difficultés financières. Il échappe difficilement à la tutelle du sénéchal pour tomber sous la tutelle du subdélégué.
   

6) La prolifération des impôts et des redevances

  Dossier 6 :  Les impôts dûs au roi

Dossier 7 :  L'instauration du tarif

Dossier 8 : Les redevances municipales, seigneuriales et ecclésiastiques

Dossier 9 : L'affaire des rangées

 Converti en valeurs modernes selon le poids de l'or, le montant de chaque impôt ne paraîtrait pas bien lourd, mais la prolifération anarchique des redevances, l'arbitraire de leur assiette engendrent un vif sentiment d'injustice.

 Dans les dossiers joints, nous donnons la liste et la définition des impôts royaux, puis nous présentons une réforme fondamentale de ces impôts, qui sont remplacés par le tarif ( dossier 7 ).

 

 Des taxes municipales, des redevances seigneuriales et ecclésiastiques continuent à être perçues. La dîme donne naissance à de vives contestations et l'affaire des rangées engendre une cascade de procès.
  

7) Les défauts communs à ces impositions

a) leur poids ?

 A la fin de l'Ancien Régime, la ponction fiscale du pouvoir central est très grossièrement estimée à 15 % du revenu national, et donc bien loin des 46,3 % ( en 2013 ) de nos prélèvements obligatoires. Dans ce cadre, l'Anjou, pays d'élection, est plus rudement traité que les provinces périphériques, les pays d'états, rattachés plus récemment à la couronne. Tenir aussi compte du fait que les villes sont plus ménagées que les campagnes.

b) l'arbitraire des levées

 Les taillables s'attendent aux impôts annuels réguliers, mais, en outre, certaines années, des taxes exceptionnelles frappent les contribuables sans aucun souci du dosage. Par exemple, en 1661-1662, les Saumurois doivent payer un Don de Joyeux Avènement et un pontonnage, un péage destiné à la reconstruction du pont sur le bras principal. Par surprise, la ville lève ainsi des contributions exceptionnelles, par exemple, pour reconstruire la façade occidentale de l'église Saint-Pierre ou, en 1761, 22 162 livres pour payer le nouveau presbytère.

c) l'imprécision de l'assiette

 Les tailles sont établies d'après les indices apparents de richesse. Les égails qui nous sont parvenus manifestent une apparente logique : habituellement trois livres sur les familles modestes, une trentaine sur les plus riches. Des plaintes fréquentes s'élèvent contre les pouvoirs discrétionnaires des asséeurs ( habitants "élus" pour un an et chargés d'établir et de collecter la taille ). Il est fait allusion à des règlements de comptes entre familles. Nous avons également remarqué des taxations d'office délirantes et arbitraires frappant les " nouveaux convertis opiniâtres " vers 1697, sur décision de l'intendant de Tours. Voir la conversion par l'impôt.
 La gabelle témoigne aussi d'une certaine élasticité ; les rôles du sel tiennent compte du nombre de personnes composant le foyer, mais aussi de ses capacités contributives. Ainsi, dans le quartier des Ponts en 1685 ( A.D.M.L., 7 B 10 ), les familles indigentes sont dispensées, les familles modestes achètent un boisseau et les familles aisées au moins deux, ce qui peut dépasser leurs besoins. On devine les âpres négociations qui ont précédé et les trafics qui suivent.
 C'est finalement à la fin du siècle que le tarif et les vingtièmes dans leur partie immobilière obéissent à des règles arithmétiques. Cette logique mathématique va à l'encontre de l'ancien système, plus communautaire, qui demandait à chaque foyer de contribuer selon ses moyens à réunir la somme exigée des habitants du quartier. Que valait en outre cette répartition globale ? Pierre Gaillard a démontré avec conviction que les paroisses pauvres de son élection sont écrasées par rapport aux plus riches.

d) les catégories touchées

 Que la noblesse et le clergé soient épargnés est un principe fondamental de l'Ancien Régime ; à Saumur, ils représentent peu de monde ( environ 3 % de la population à la fin du XVIIIe siècle ). Cependant, beaucoup d'officiers de justice et de finances, incontestablement roturiers, parviennent à échapper aux impôts ordinaires. Après la vérification de 1760, il reste encore 58 foyers exemptés, en général aisés.
 En outre, comme on ne parvient pas à tondre un oeuf, un nombre élevé d'indigents échappe à la taille et à la gabelle. Plusieurs calculs complexes permettent de fixer leur pourcentage aux alentours de 20-21 %.
 Dans la pratique, les catégories moyennes et modestes du Tiers Etat, environ les 3/4 de la population, paient tout l'impôt. Cette charge n'est pas exactement répartie en fonction des capacités contributives de chaque famille. Les choses s'aggravent à partir de 1758 et de l'instauration du tarif ; désormais, les plus riches paient proportionnellement moins et même les indigents participent à la charge fiscale par leurs achats alimentaires. Ce qui explique l'explosion de janvier 1790, lors des émeutes des barrières.

e) l'absence de retombées

 La présence de notre Etat moderne est évidente et quotidienne : aides sociales, santé publique, enseignement, justice, défense, ponts et chaussées, etc. C'est une différence essentielle avec l'Etat central d'Ancien Régime, Etat lointain et exigeant, jamais Etat-Providence. En effet, qu'attendent les Saumurois du pouvoir royal ?

+ la sécurité. Le sentiment d'insécurité est vif dans les campagnes du Saumurois, qui redoutent en permanence le passage de bandes d'errants et les vols de récoltes ( des gardes saisonniers sont engagés ). Les effectifs de la maréchaussée sont incroyablement bas ; les ruraux s'en plaignent, mais à l'inverse, au milieu du XVIIe siècle, ils protestaient contre les patrouilles des gardes à cheval du gouvernement, décrits comme particulièrement brutaux. Dans Saumur, la présence de deux gardes de la ville et de deux commissaires, les rondes de la milice bourgeoise rassurent davantage ; les institutions se dotent de gardiens musclés, à leurs frais ; le sanctuaire des Ardilliers et l'église Saint-Pierre engagent des chasse-gueux, qu'on appellerait aujourd'hui des vigiles.

+ la justice. La justice royale est payante, lente, paperassière et exercée par des notables locaux héréditaires, qui n'inspirent qu'à demi confiance. Il faut l'esprit de chicane pour recourir à leurs services. Le privilège d'évocation directe devant le Grand Conseil, invoqué par les abbayes de Fontevraud et de Saint-Florent sent le favoritisme.

+ l'assistance et l'enseignement. L'Eglise est souvent déficiente dans ces tâches. C'est la ville, et non le roi, qui supplée ses insuffisances, en assurant le fonctionnement de l'Hôtel-Dieu, en subventionnant le collège, en organisant des distributions de pain, en imposant des aumônes obligatoires dans les périodes de grandes crises.

+ les ponts et chaussées. La construction de deux grands ponts, l'amélioration de la levée, la mise en chantier d'un réseau de grands chemins royaux constituent à coup sûr la principale intervention locale du trésor royal. Comme ces grands travaux s'accompagnent de corvées, les gens du temps ne lui en semblent guère reconnaissants.