Le récit des
moines de Saint-Florent |
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Le récit d'un chroniqueur au service
des comtes d'Anjou |
Foulques
est parvenu à Brain , lorsqu'un messager venu à
sa rencontre lui annonce que les Francs se sont beaucoup renforcés
et sont bien plus nombreux. Foulques se rappelle alors que Saumur
est vide et isolé, il ordonne de faire demi-tour, passe
à gué la Loire et la Vienne et, avec sa forte armée,
il investit par surprise le château, qu'il prend de force
et qu'il ruine de fond en comble par le feu... |
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Pareillement,
Foulques rassemble le plus possible d'hommes dans la Vallée,
mais, ne pouvant et n'osant se battre, il suit un sage conseil :
il franchit la Loire et, vite, après avoir chevauché
toute la nuit, dès la pointe du jour, il entre dans Saumur
resté sans défenseurs, et il s'empare sur l'heure
de la place forte jusqu'au donjon. |
L'abbé Frédéric et les moines, conscients
de la violence de l'armée, mais craignant encore davantage
les flammes de l'incendie, prennent avec eux le corps de leur
saint patron et les reliques des saints, et s'exilent, comme
Loth fuyant Sodome... |
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Dans cette totale confusion,
les hommes de la garnison et les moines, blêmes et désespérés,
courent en tous sens en poussant des cris, et, comme dans les
temps anciens, ils placent devant les ennemis, à la porte
orientale, le corps du bienheureux Doucelin, aux pouvoirs réputés... |
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Pour les occupants de la citadelle,
il ne restait plus d'espoir de salut, plus de lieu de refuge,
il ne restait que la honte de la reddition. |
Les derniers défenseurs,
en petit nombre, tiennent vaillamment la porte occidentale. Leurs
adversaires, faisant irruption par la porte orientale, enlèvent
et dérobent le corps du saint, puis l'emportent chez eux
avec toutes sortes de dépouilles... |
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Ils connaissaient le caractère
farouche et belliqueux des Angevins, leur ténacité
dans l'exécution de leurs projets ; ils les savaient incapables
de pitié. |
Il était presque l'heure
de nones, en ce jour de malheur, le comte Foulques poussait devant
lui ses adversaires peu nombreux, mais vaillants, qui, captifs,
avaient les mains liées derrière le dos et qui
maudissaient sans cesse les méfaits de Foulques et de
son armée. Parmi eux, un vassal puissant et courageux
nommé Gastho, qui, naguère, était allé
jusqu'à Jérusalem avec l'abbé Giraud, fut
frappé par Foulques d'un coup si violent qu'il en perdit
un oeil... |
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C'est pourquoi, ils donnent satisfaction
au comte en se rendant. « Ordonne, disent-ils, que
nous puissions nous retirer sans dommage, et nous te livrerons
ce donjon ; protège nous contre ces égorgeurs,
et, si nous survivons, nous deviendrons tes serviteurs ».
Le comte, les exauçant, les libère avec les honneurs
et les traite avec de grandes largesses, dans le but, dit-on,
de se concilier ceux qu'il avait libérés et d'en
pousser d'autres à la reddition. |
Entre
temps, soixante hommes, dit-on, sortis en haillons du combat,
portèrent le feu à la place forte, le comte s'écriant
sans cesse : « Saint Florent, laisse-moi te brûler
; je te bâtirai une plus belle demeure à Angers
». |
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Le
donjon pris et ses vassaux renvoyés, il ordonne aux hommes
de sa cour d'assurer la garde de la place... |
Historia monasterii
Sancti Florentii Glonnensis seu Salmurensis ( éd.
Mabille et Marchegay, p. 276-277 ). |
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Chronica
de Gestis consulum andegavorum
( éd. Halphen et Poupardin, p. 53 ).
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