1) Premières recherches
Livre Noir, fol. 82, v° et 83 ( l'écriture
est de deux mains différentes ).
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Le premier travail historique entrepris par les chroniqueurs
de Saint-Florent est le compte-rendu de la translation des ossements
de leur saint patron dans un vase en bronze. Rédigé
« d'après le récit de témoins
véridiques et fidèles » selon les dires de
l'Historia ( p. 244 ), ce procès-verbal
peut être contemporain de cet événement capital
pour les moines ( vers 975 ).
Ce document est intercalé au milieu d'une liste
des abbés, accompagnée de quelques éléments
de biographie et poursuivie jusqu'en 1055.
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2) L'Historia eversionis
Edition par dom Edmond MARTÈNE et dom Ursin DURAND,
sous le titre : « Historia eversionis monasterii
S. Florentii veteris a Britonibus et Normannis »,
dans leur "Thesaurus novus anecdotorum ",
t. III, 1717, col. 843-850.
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Après ces travaux encore bien
rudimentaires, un scribe rédige dans les années
1061-1070 l'Historia eversionis, " l'Histoire de
la destruction du monastère de Saint-Florent le Vieil ",
un bref récit, avare en détails pittoresques, mais
pas en légendes. Surtout centré sur le passé
du Mont-Glonne et du territoire environnant, assez mal informé
sur Saumur, ce document a pu être rédigé
au nouveau monastère de Saint-Florent le Vieil. Il n'affiche
pas les certitudes naïves de ses contemporains et il avoue
au passage les lacunes de son information.
L'original, qui est perdu, se trouvait aux feuillets
137-146 d'un légendier de l'abbaye, ainsi que l'a démontré
Lucien Auvray, « Essai de restitution d'un légendier
perdu de Saint-Florent de Saumur », Bulletin
philologique et historique, 1922-1923, p. 103-142.
Egalement, un court fragment copié au XVIe siècle
subsiste aux A.D.M.L. ( H 3725 ), il se dit tiré d'un
« livre relié de cuyr blanc... contenant sept vingtz
six feuilletz », ce qui fait 292 pages et qui correspond
à la description du légendier par dom Huynes
( B.N.F., ms. fr. 19 862, p. 480 ), qui l'appelle
aussi "p.a." et s'y réfère une quarantaine
de fois.
Ce légendier était déjà disparu
en 1752, lorsque dom Taillandier consulte à Saint-Florent
« quatre cartulaires de la plus grande beauté »,
mais ne signale rien d'autre ( A.H., t. 4, p. 300-301 ).
La datation se justifie comme suit : la chronique
s'ouvre sur la dédicace - en 1061 - du monastère
reconstruit du Mont-Glonne et, après de longs retours
en arrière, elle s'achève brutalement sur la mort
de l'abbé Sigon - en 1070 - qui semble être un ajout
de dernière heure.
Cette Historia eversionis commet de grosses erreurs
sur l'histoire de l'Anjou, par exemple ( col. 845C ),
elle fait d'Ingelger le fils de Foulques le Roux ( il en
est le père ) et elle affirme qu'il fut tué
par les Normands.
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3) L'Historia fundationis
B.N.F., Collection Touraine, Maine, Anjou, t. 13 (1), fol.
291-294. Publication par Paul MARCHEGAY et Emile MABILLE, Chroniques
des Eglises d'Anjou, 1869, p. 207-216, sous le titre "Fragmentum
veteris historiae Sancti Florentii" qui est du cru des
éditeurs. B.M.S. A 318.
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Vers la fin du XIe siècle, les
moines de Saint-Florent de Saumur entreprennent une chronique
plus ample et plus riche en détails ; il n'en subsiste
que quatre feuillets, de deux écritures différentes
et sur deux périodes distinctes. Ils sont titrés
d'une autre main : « Historia fundationis
Sancti Florentii ».
Pages inachevées, ratures, corrections, mots
manquants, ces feuillets sont manifestement un brouillon, mais
un brouillon précieux, car il donne de la crédibilité
à l'Historia, qui est postérieure et qui
le recopie parfois mot-à-mot.
La datation est établie d'après la seule écriture
de ces fragments.
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4) L'Historia
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La chronique, dont le titre complet
est "Historia Sancti Florentii Salmurensis"
et que j'appellerai simplement l'Historia résulte
d'une élaboration complexe qui appelle d'amples explications.
- Copie de la chronique dans le Livre
Rouge, fol. 45 à 63. Ci-dessous, l'incipit, le début
du texte.
- Publication par MARCHEGAY et MABILLE, Chroniques des
Eglises d'Anjou, 1869, p. 217 à 328, sous le titre
"Historia Sancti Florentii Salmurensis". Notes
insuffisantes, mais transcription impeccable ; la chronique
sera citée d'après cette édition et avec
sa pagination.
- Une copie du XVIe siècle corrigée de la main
de dom Huynes, dont l'écriture est très caractérisée
( B.N.F., n.a. lat. 2422 ), est intitulée "Prologus
de eversione glomnensi monasterii".
- Autre édition par dom MARTÈNE et dom DURAND,
dans leur Thesaurus sous le titre "Historia
monasterii Sancti Florentii Glonnensis seu Salmurensis".
Un premier rédacteur, travaillant au XIIe siècle,
avant 1159, a retracé les origines de l'abbaye et raconté
son histoire jusqu'en 1070.
Ce premier narrateur, à la page 244, évoque
la translation des os de saint Florent « dans le vase
de bronze où ils sont encore enfermés aujourd'hui ».
Or, en 1159, au cours d'une grande cérémonie, ces
ossements sont transférés dans une nouvelle châsse,
et le compilateur, qui s'avère très pointilleux
sur le fait des reliques, n'aurait pas manquer de corriger ses
sources antérieures, s'il avait rédigé après
1159.
A la fois naïf et roué, porté sur
les détails savoureux, ce narrateur est surtout un compilateur,
dont les sources sont facilement identifiables : les deux fragments
cités ci-dessus, le Livre Noir et les chartes subsistantes,
la "Vie de Saint Florent"
rédigée peu après l'an mil, les chroniques
des grandes abbayes du centre de la France ( Fleury, Tournus ),
quelques récits angevins, dans lesquels il glane des faits
peu glorieux pour Foulques Nerra et ses successeurs.
Exemples de sources pillées par ce premier rédacteur :
le début de l'Historia racontant les invasions
normandes s'inspire du récit, rédigé au
IXe siècle, par le moine de Fleury, Adrevald, " Miracula
S. Benedicti... in Gallia " publié dans
les Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti ( d'Achery
et Mabillon ), t. II, 1669, col. 369-394 ; ainsi, les
deux textes qualifient les Normands de « gens aquilonalis ».
Autres exemples : le texte du Livre Noir relatant la première
translation des reliques est repris à la page 244, avec
quelques légères retouches ; le second fragment
de l'Historia fundationis est recopié aux pages
277-281 ; à l'inverse, le premier fragment est largement
réécrit. Quant à l'Historia eversionis,
elle est dispersée par petits morceaux sur les pages 239,
284-286, 296-302.
Bon latiniste, au latin savant et élégant,
ce compilateur inconnu corrige quelques solécismes de
ses prédécesseurs et ses apports personnels sont
surtout des anecdotes pittoresques, des prodiges supplémentaires,
des maximes pieuses ou des citations bibliques.
Tous comptes faits, cette partie de l'Historia,
franchement décousue et plutôt informe, constitue
une source précieuse, car elle nous transmet, à
peu près intacts, des matériaux antérieurs,
de peu postérieurs aux faits. Pour faire simple :
légendaire jusqu'à 956, confuse pour la période
de 956 à l'an mil, elle devient ensuite une précieuse
base de travail, lorsque d'autres documents font défaut.
Les parties suivantes de la chronique se réduisent
à de courtes notices consacrées à chaque
abbé, peu après son décès, par des
rédacteurs successifs. Parmi eux, Michel de Saumur, abbé
de 1203 à 1220, signale son apport. L'Historia,
qui devient alors un document précis et inconstestable,
mais sans saveur, est ainsi menée jusqu'à 1282.
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5) Les Annales
Louis HALPHEN, Recueil d'Annales angevines et vendômoises,
1903, p. 111-126 ( annotations et tables très précises ).
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Dans ces récits, les dates sont rares, les scribes
de Saint-Florent étant manifestement brouillés
avec les rigueurs de la chronologie. Cette lacune est en partie
comblée par des annales portées en marge d'un comput,
un calendrier perpétuel inséré dans le Livre
Rouge.
Jusqu'à l'année 1179, beaucoup de faits cités
et datés proviennent d'annales extérieures à
l'abbaye. De 1180 à 1236, fin de cette chronologie, la
rédaction est originale, mais les erreurs d'une année
sont fréquentes.
L'ensemble de cette documentation abondante est mis
en oeuvre pour la première fois par dom Jean Huynes, qui,
entre 1640 et 1647, rédige une monumentale compilation,
restée manuscrite et intitulée Histoire générale
de l'Abbaye-Sainct-Florent près Saumur. Voir remarques
dans la bibliographie générale.
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