Le réseau routier
Sur l'épine dorsale de la percée rectiligne, les pouvoirs publics greffent de nouvelles voies perpendiculaires, qui rejoignent les centres voisins.
1) La nouvelle route de Varrains
La consolidation de la " levée de Nantilly " est l'objet de grands travaux en 1832. Néanmoins, la route est recouverte et endommagée par la crue de 1843. Par la suite, elle est rehaussée et prolongée en direction de Varrains ( actuelle rue Robert-Amy ). Loin d'être rectiligne, cette voie a dû opérer de brusques virages, à cause de l'intrusion de la voie ferrée. Après la traversée de Varrains, ce chemin vicinal de grande communication rejoint La Motte-Bourbon [ Ne pas confondre cette route étroite avec le CD 93 réalisé après la dernière guerre ].
2) L'avenue de Saint-Florent
Vers 1800, les voyageurs désirant se rendre à Saint-Hilaire-Saint-Florent ont le choix entre deux itinéraires, peu pratiques l'un et l'autre. Le trajet par le pont Fouchard emprunte un chemin étroit et tortueux débouchant sur la Petite Maison de l'Abbé. L'autre chaussée traverse le Chardonnet, puis, passe par le Chemin Charnier, aujourd'hui l'avenue du Breil, rectiligne, mais parfois recouvert par les eaux d'inondation ; à l'entrée du terrain du Breil, la route tourne à gauche à angle droit, menant à un bac qui débouche en aval des moulins de Saint-Florent, en face de la ruelle de la Rue-Haute. Ce trajet est aisément identifiable sur la partie supérieure de cet extrait d'un plan de 1814 :
Ces parcours étant décidément malcommodes, l'évidence topographique plaidait en faveur d'une route directe prolongeant la rue Beaurepaire en direction de l'ancienne abbaye. La nouvelle " levée de Saint-Florent ", nécessitant d'importants terrassements pour être mise hors crue, est entreprise au début du Premier Empire, sous la direction de Charles-Marie Normand. Le maire de Saumur envoie au sous-préfet un premier plan en fructidor an XIII ( août-septembre 1805 ). Les matériaux provenant de la destruction de l'église abbatiale y sont entassés. En 1811, sur le cadastre de Saint-Hilaire-Saint-Florent, la nouvelle levée est décrite comme presque achevée, à part un tronçon central ( voir le Thouet dans Saumur ). Le plan ci-dessus la présente comme finie en 1814.
Il reste le problème
du franchissement du Thouet, qui n'a jamais été
résolu d'une manière satisfaisante.
- Un bac très léger est d'abord installé :
on le voit emprunté par les militaires sur cette lithographie
d'Aubry remontant à 1832 ; il peut transporter quatre
chevaux. Aucune maison ne borde encore l'actuelle avenue Georges-Pompidou.
- Une commission départementale nommée par le préfet le 22 avril 1836 décide de remplacer le bac par un pont ( A.M.S., 1 O 165 ). Les ingénieurs Théodore Bordillon et Joseph Chaley dressent les plans d'un " pont de fil ", c'est-à-dire d'un pont métallique suspendu. Ils travaillent à la même époque à la construction de l'ambitieux pont des Rosiers ( 1838-1842 ). Charles Joly-Leterme, alors agent voyer des Ponts et Chaussées de l'arrondissement, est chargé de la direction des travaux, qui sont achevés en 1840. On dispose de peu de renseignements sur cette réalisation novatrice. En voici une très rare photo prise par Le Roch en 1868 :
Comme le pont des Rosiers,
le pont de fil a posé des problèmes techniques,
il est décrit comme étroit et fragile, plutôt
comme une passerelle. Il est frappé d'un péage de
5 centimes par personne, qui doit être perçu jusqu'en
1881 ( P. A. Millet de La Turtaudière, Indicateur
de M. et L., t. 2, p. 296 ).
Le chemin de Saint-Florent est élargi sur le territoire
de Saumur en 1839 ( A.M.S., 1 O 198 ).
- En 1882, les Ponts et Chaussées remplacent le pont de fil par un nouvel ouvrage d'art reposant sur une pile supplémentaire et présentant un tablier en treillis métallique ( François Bedouet, Monographie manuscrite de Saint-Hilaire-Saint-Florent,1888 ).
Le tablier de ce pont paraît fort étroit. On repère à gauche la maison du médecin et à droite, l'usine électrique.
- Ce pont est remplacé à partir de 1935 par une nouvelle construction à piles et tablier en béton armé. Détruit par les Allemands en déroute le 26 août 1944, le tablier est rétabli, mais s'avère toujours d'une largeur insuffisante.
3) La route de Chinon
Le long chantier
du quai de Limoges est achevé en 1828 pour son gros
oeuvre. Le plan routier de 1802 lui donnait pour but d'atteindre
Limoges, par Dampierre, Montsoreau et après un brusque
coude, Fontevraud, Loudun, Poitiers, Lussac-les-Châteaux,
Bellac. D'importants travaux, en 1818-1819, réalisent le
tronçon de Saumur à Montsoreau.
L'année suivante, le conseiller général
d'Indre-et-Loire, Yves-Suzanne Aubert du Petit-Thouars publie
un Mémoire sur la route de Chinon à Saumur,
Saumur, Degouy, 1820 ( B.N.F., 4° Lk 1/55 ),
dans lequel il plaide pour le prolongement de la route le long
de la Vienne. Le Conseil municipal de Montsoreau se rallie en
1828 au nouveau tracé passant au pied du château.
L'ensemble de cette nouvelle route a demandé de longues
années.
4) Un réseau remodelé au nord de la Loire
Dans les faubourgs septentrionaux
de l'agglomération, la levée longeant la rive droite
du bras de la Croix Verte, jadis très fréquentée,
bien entretenue, mais étroite, constituait le seul grand
axe dans le sens Est-Ouest. La topographie du quartier est totalement
bouleversée par le prolongement de la voie empruntant le
pont Napoléon, l'actuelle route de Rouen, puis, une quinzaine
d'années plus tard, par l'implantation de la voie ferrée
et de la gare.
Un nouvel axe routier supplante l'ancien. Sur le côté
nord de la voie ferrée, une route spacieuse est ouverte
pour desservir la gare de marchandises, c'est l'actuelle avenue
David d'Angers. Elle est aussitôt prolongée jusqu'à
Saint-Lambert-des-Levées ; dès 1849, elle est
baptisée " nouvelle route d'Angers ". A
l'inverse, la " nouvelle route de Tours "
longe le côté méridional de la voie ferrée.
Beaucoup plus étroite qu'aujourd'hui, elle est rejointe
au Chapeau par l'ancienne levée, avant d'atteindre Villebernier.
Le plan de Louis Raimbault publié en 1857 atteste qu'à
cette époque les travaux sont terminés. L'ensemble
de cette nouvelle voie traversant Saumur en baïonnette est
rebaptisé " route nationale n° 152 de
Briare à Angers ".
Beaucoup plus loin, à l'extrémité de la grande percée, deux importantes routes partent du carrefour de la Ronde, l'une vers Vivy, l'autre vers Allonnes. Elles sont aménagées dans les années 1830-1870.
5) Le revêtement des chaussées
Dans les parties urbanisées,
un pavage très soigné est partout en place. Entreprise
multiséculaire commencée au Moyen Age, ce revêtement
exige encore de grands travaux. Pendant tout le XIXe siècle,
les hies battent le pavé saumurois. De 1823 à 1827,
l'ingénieur Normand et l'entrepreneur Pinparé s'activent
au pavage de l'actuelle rue Franklin-Roosevelt, en prélevant
une contribution sur les riverains ( A.M.S., 1 O 222 ).
Sur les chaussées, les pavés sont de petites dimensions,
traditionnellement taillés par des artisans dans les dalles
de grès gris clair qui recouvrent le plateau saumurois,
en particulier sur les landes de Marson. Sur les trottoirs, les
pavés sont plus grands, plus rouges, et proviennent souvent
d'ateliers situés à Saint-Rémy-la-Varenne.
Au terme de travaux permanents, le revêtement de la route
nationale n° 138 de Bordeaux à Rouen est entièrement
repris de 1896 à 1901, depuis le pont Fouchard jusqu'au
débarcadère de la gare d'Orléans. Les Ponts
et Chaussées préparent aussi le pavage de la route
de Rouen ( A.M.S., 1 O 225 ). Sur certains
tronçons, ils retaillent les anciens pavés ; ils
emploient aussi du pavé neuf de Saumur, mais plus souvent
du pavé neuf d'Epernon, un important site de pierre à
meule situé dans l'Eure-et-Loir.
Dans tous les cas, ces types de revêtement, très
coûteux, s'avèrent d'une grande robustesse ;
en contrepartie, ils sont sonores et usent rapidement les roues
des véhicules et les fers des chevaux. Voici, en 1900,
le pavage du débouché des rues du Portail-Louis
et d'Orléans.
Sur la place de la République, la disposition est moins régulière, car le pavage doit coexister avec les rails du tramway. Le précieux crottin n'a pas encore été collecté par les jardiniers.
Un autre procédé
a été expérimenté par M. de Coulaines,
ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées, sur
la route de levée allant vers Tours. Dans son sens premier,
le macadam est un mélange de graviers concassés
et de sable, aggloméré par la pression d'un rouleau
compresseur. Il offre une surface de roulement plane et silencieuse,
mais très fragile et nécessitant un entretien continuel.
Le macadam commence à apparaître dans les budgets
de la municipalité Louvet ; pour l'année 1864,
les dépenses pour le pavage et le « mac-adam »
coûtent 3 600 francs. Au début du XXe siècle,
ce type de revêtement recouvre les entrées de la
ville et les rues des communes périphériques.
En 1848-1850, l'avenue de Saint-Florent a fait l'objet d'importants
travaux exécutés par l'entreprise Bichon, d'Allonnes.
La partie longeant les grilles de l'Ecole de cavalerie est pavée,
la chaussée est seulement empierrée au moyen de
graviers provenant de débris de carrières. Sur la
carte postale ci-dessous,la route macadamisée est striée
par les roues des véhicules, qui circulent sur les parties
les plus confortables.
Le centre de Bagneux est pourvu d'un pareil revêtement, le pavé s'arrêtant sur le pont Fouchard ( au fond ). Le contraste est frappant, et pas assez souligné, entre les chemins rocailleux et boueux des zones rurales et le pavé urbain, solide et géométrique, témoignant d'une parfaite maîtrise du sol.
Hors des agglomérations, les routes secondaires sont grossièrement empierrées. Le goudron mélangé au gravier, c'est-à-dire le macadam dans sa formulation actuelle, n'apparaît dans la région qu'après la Guerre 14-18 et le plus souvent après celle de 39-45.
5) La fréquentation des routes
Toujours fréquentées pour la desserte locale, les routes perdent de leur importance dans les liaisons lointaines. Voici les résultats d'un comptage effectué en 1888 sur les routes nationales ( publié par Georges Reverdy, Atlas historique des routes françaises, 1986 ). Dans la région, la voie la plus fréquentée est la route Saumur - Longué - Baugé ; vient ensuite Saumur - Loudun - Poitiers. A l'inverse, la levée d'Angers à Tours, jadis la voie la plus animée, est tombée très bas. L'explication évidente est la concurrence victorieuse de la voie ferrée.
La circulation s'effectue dans des conditions anarchiques. Les pouvoirs publics réglementent sans cesse, mais manifestement en vain. Le 18 septembre 1851, le sous-préfet demande au maire de Saumur de rappeler les règles aux conducteurs de voitures publiques. Il est défendu de conduire « au galop sur les routes et autrement qu'au petit trot dans les villes ou communes rurales et au pas dans les rues étroites ». Ils doivent « céder la moitié du pavé aux voitures des voyageurs et ... prendre la partie de la chaussée qui se trouve à leur droite ». L'examen des cartes postales des années 1900 prouvent que ces règles élémentaires ne sont guère respectées.