Ce dossier ne revient pas sur Bodin, père et fils, sur les Bonnemère, Eugène et Lionel, ou sur les historiens, traités ailleurs.
1) Charles Marchand
Charles Marchand ( 1808-1884 ) est un maître passementier autodidacte, qui, en 1845, fait imprimer à Angers ses Chansons, qu'il interprète volontiers dans sa boutique située au 42 de la rue Saint-Jean, sous l'enseigne " A l'épaulette de général ". Il représente bien le Saumur populaire du milieu du siècle ; il est en même temps anticlérical, franc-maçon, vaguement républicain, admirateur de Napoléon 1er et finalement rallié à Napoléon III. Bon vivant, il compose des refrains bachiques. Ce lointain disciple de Béranger, compose des couplets plutôt bien tournés, souvent cités dans les anthologies des écrivains du peuple.
A signaler aussi Gustave Giraudeau, reçu à Saumur comme compagnon boulanger du Devoir à l'Assomption 1892. Il compose un poème d'adieu à Saumur, à la fois simple et sympathique, à voir sur le site de Laurent Bourcier.
2) Jules Quesnay de Beaurepaire
Jean-Marie Quesnay, descendant
de l'économiste, avocat devenu juge d'instruction à
Saumur, obtient en 1859 l'autorisation d'ajouter à son
nom le titre « de Beaurepaire ». Son épouse
appartient à l'influente famille Ducamp, propriétaire
à Saumur et au Coudray-Macouard. Leurs enfants se considéreront
comme Saumurois.
Le peintre et dessinateur Alfred Quesnay de Beaurepaire,
spécialisé dans les scènes militaires, ne
relève pas de cette étude.
Jules Quesnay de Beaurepaire, né à Saumur
le 2 juillet 1834, après avoir combattu comme volontaire
dans la Guerre de 1870, mène une brillante carrière
dans la magistrature et atteint le poste de président de
la Chambre civile de la Cour de Cassation. Il intervient dans
les grandes affaires du temps, dans le procès du général
Boulanger, dans le scandale de Panama, et il publie des livres
sur ces sujets. Il atteint une certaine renommée, ce qui
lui vaut de figurer dans la collection Félix Potin, une
série de vignettes photographiques sur les célébrités
du temps ( à droite ).
Après avoir passé pour un républicain,
il attaque violemment le régime et se montre surtout antisémite
; il démissionne de sa charge, afin d'avoir les mains libres
pour accabler Dreyfus. Il produit un nouveau témoin, qui
s'avère être un escroc ( voir récit
détaillé de l'affaire Dreyfus à Saumur et
le banquet offert à Quesnay de Beaurepaire ).
Il multiplie les révélations extravagantes, il se
déclare partisan d'un régime dictatorial, antisémite
et antimaçonnique. Même les antidreyfusards les plus
ardents le lâchent et parlent de maladie mentale. Il termine
son existence dans la misère et abandonné de tous.
Derrière cet exalté
se cache un écrivain abondant et paisible, qui signe ses
oeuvres sous le pseudonyme de Jules de Glouvet. Il publie ainsi
chez Paul Godet, en 1866, " Histoires du Vieux Temps.
Extraits du manuscrit de l'écuyer Loys de Cussière,
gentilhomme angevin, revus et publiés par son petit-neveu,
le chevalier de Glouvet ", 622 pages ( B.M.S.,
A 358 ). Prétendant avoir retrouvé les mémoires
d'un ancêtre, il raconte les aventures d'un chevalier dans
l'Anjou troublé du XVe siècle. Glouvet connaît
bien la période, il a lu les chroniqueurs du temps, en
particulier Philippe de Commines. Il s'efforce de reprendre le
langage de l'époque, tout en adoucissant ses difficultés,
afin de se faire comprendre du lecteur. Souvent mièvre,
il ne retrouve pas la vigueur de ses modèles. A une époque
où les romans historiques sont rares, ce pastiche présente
de l'originalité et un certain charme troubadour, mais
il se traîne en longueur [ je n'ai pu aller jusqu'au
bout ].
Jules de Glouvet récidive en 1895, en publiant chez
A. Colin, " France, 1418-1429 ", roman
patriotique qui se passe à Paris avant Jeanne d'Arc et
qui contient de vives attaques contre les Anglais.
Nettement plus intéressants sont ses romans régionalistes
décrivant la vie des humbles. Le Marinier, Calmann-Lévy,
1881, se déroule dans le Saumurois, autour de Saint-Clément-des-Levées,
de l'île de Souzay et d'une certaine « île
aux Canes » inhabitée. Il décrit la vie
des mariniers à l'époque de la décadence
de la flotte de Loire, leurs accidents fréquents, leurs
activités quotidiennes, leurs conflits avec les maraîchers,
dont ils chapardent les légumes, leurs pèlerinages
à Notre-Dame des Ardilliers, à l'époque disparus.
Quesnay de Beaurepaire a recueilli les souvenirs d'un certain
« père Camus », habitant Chênehutte
( il peut s'agir d'un pseudonyme ) ; il s'est documenté
sur la navigation et reprend le langage coloré des mariniers.
Longtemps statique, le récit s'accélère brusquement
et finit dans le mélodrame.
Parmi les romans de la même veine, Jules de Glouvet
donne, en 1889, " Marie Fougère ",
description d'une vie rurale misérable. Sous un autre
de ses pseudonymes, Lucie Herpin, il place en tête du roman
une longue préface dans laquelle il théorise ses
méthodes. Il s'en prend à Zola, qu'il juge d'un
naturalisme grossier - attaque imprudente, qui invite à
dresser une comparaison entre les deux auteurs, comparaison qui
s'avère écrasante aux dépens de Glouvet.
Malgré ses limites, Quesnay de Beaurepaire fut pressenti
pour entrer à l'Académie française.
3) Jean de La Brète
Voir étude à son nom de rue.
4) En marge
D'autres auteurs ont des
relations marginales avec Saumur. Alphonse Toussenel appartient
plutôt à Montreuil-Bellay. René Boylesve,
auteur de La Leçon d'amour dans un parc, séjournait
dans sa maison de Montsoreau.
L'influent économiste libéral Paul Leroy-Beaulieu
est né à Saumur en 1843, alors que son père,
un protégé de Guizot, y était sous-préfet
; il n'a pas conservé de rapports avec la région.
L'écrivain Victor Margueritte a été
stagiaire à l'Ecole de cavalerie.
La moisson littéraire n'est pas bien riche. Beaucoup
d'autres personnages connus sont nés à Saumur ou
y ont vécu quelque temps, mais la ville n'a pas su les
garder.