Pierre-Yves Toullelan, Histoire de l'Institution Saint-Louis. Une éducation catholique à Saumur depuis 1872, 2006.
Joseph Martin, « Historique », Chronique. Association amicale des Anciens Elèves de l'institution Saint-Louis - Saumur, spécial centenaire, 1972.
Chanoine Richer, « Centenaire de l'Institution St-Louis », S.L.S.A.S., 1973, p. 5-16 ( résumé du précédent ).
1) Aux origines de l'institution Saint-Louis
Monseigneur Angebault,
évêque d'Angers de 1842 à 1869, s'intéressait
aux questions scolaires, pas tellement à l'enseignement
élémentaire, car il déplorait la disparition
« de l'heureuse ignorance qui préservait nos
campagnes et leur conservait la paix des esprits avec le calme
des coeurs » ; la formation de cadres catholiques
dans des établissements secondaires inféodés
à l'Eglise le souciait avant tout. En 1855, les collèges
libres diocésains regroupent 1 445 élèves
contre 430 aux établissements publics ( d'après
Serge Chassagne, dans François Lebrun, Histoire des
diocèses de France. Angers, Beauchesne, 1981, p. 208-209 ).
Monseigneur Angebault a pris en charge les collèges communaux
de Cholet, Baugé et Doué ; il a également
proposé à la ville de Saumur d'intégrer dans
son réseau son coûteux collège municipal ;
on ne sait dans quelles conditions l'affaire a échoué.
La question rebondit à la rentrée de 1864,
quand, à la surprise générale, un certain
abbé Roques est nommé principal de l'établissement
de Saumur. Nous racontons ailleurs la séance
du Conseil municipal du 25 novembre 1864, au cours de laquelle
le maire Louvet, mal à l'aise, est mis en échec
par 14 voix contre 10. L'ecclésiastique contesté
est remplacé à la rentrée suivante et, désormais,
les débats sur la laïcité passent au premier
plan dans la vie politique locale. Les républicains sont
encore loin d'être majoritaires, ils sont renforcés
par des orléanistes et par des libéraux ; tous
veulent réduire l'influence institutionnelle du clergé,
qu'ils ressentent comme hégémonique.
En présence de cette forte opposition, Monseigneur
Angebault tente de fonder un collège libre diocésain,
semblable à celui qu'il vient d'agrandir à Combrée.
Conduit par le curé de Saint-Pierre, le pacifique Jean-Baptiste
Fourmy, le clergé local se montre réservé
face à ce projet et s'attire les foudres de l'évêque :
« On n'est pas brave à Saumur ».
Cependant, un premier projet a été envisagé
à cette époque.
Il est repris en 1871 dans un contexte plus tendu. Désormais
majoritaires au sein du Conseil municipal, les républicains
ne font pas mystère de leurs intentions anticléricales,
sans toutefois beaucoup agir, en raison des blocages du préfet
et du gouvernement ( voir récit détaillé
dans L'anticléricalisme :
les républicains sur la défensive ( 1869-1879 ) ).
Au collège communal, l'abbé Louis Picherit, aumônier
depuis 1859, animateur d'un patronage, entretient des relations
tendues avec les principaux et les enseignants. Les relations
s'améliorent avec le principal Benoit, catholique déclaré,
mais la municipalité républicaine parvient à
les éliminer tous les deux. Installé dans le pensionnat
des Dames de la Retraite, l'abbé Picherit prépare
alors la création d'un collège catholique. Il n'est
guère encouragé par le clergé paroissial,
toujours prudent ; en outre, la ville est ruinée au
sortir de la Guerre de 70 et les banques en faillite. Son appui
majeur est le nouvel évêque d'Angers, Monseigneur
Freppel, encore plus combatif que lui, prêt à se
lancer dans la reconquête religieuse du Saumurois et du
Baugeois à partir de ses élites sociales.
La décision d'ouvrir une nouvelle institution à
Saumur est arrêtée en mai 1871. Charles-Emile
Freppel en fait une affaire personnelle ; plus tard, il viendra
presque chaque année remettre les prix ; l'abeille
de ses armoiries, qui tapisse les murs de l'Université
catholique, se retrouve sur les boutons des uniformes du collège
( à droite ).
La Semaine religieuse du 10 mai 1872 annonce que
l'évêque accorde le camail de chanoine à l'abbé
Picherit, qu'il est venu visiter les travaux et en même
temps voir le dolmen de Bagneux. Un prospectus publié en
août de la même année flatte l'orgueil des
Saumurois :
« Par cette fondation, Mgr Freppel se propose
de procurer à l'un des plus beaux arrondissements de son
diocèse les avantages dont sont déjà si largement
pourvus tous les autres.
Doté d'un établissement de premier ordre,
Saumur n'aura plus rien à envier, sous ce rapport, aux
cités voisines, qui tendent trop à l'absorber aujourd'hui...
D'un autre côté, participant aux avantages
offerts à leur capitale naturelle, les habitants de nos
contrées ne seront plus condamnés, quand ils voudront
assurer à leur fils le bienfait d'une éducation
chrétienne, en même temps que d'une instruction supérieure,
à faire violence à leurs affections les plus chères,
en envoyant au loin des enfants dont il leur coûte tant
de se séparer » ( A.D.M.L., 436 T 1 ).
Pour l'instant, le nouveau collège n'a pas de nom.
La dédicace à saint Louis n'apparaît qu'à
l'époque de la rentrée. Il ne s'agit pas de saint
Louis de Gonzague, patron de la jeunesse, mais de saint Louis,
roi de France, qui a sa statue sur la façade. Selon la
plus grande vraisemblance, ce choix revient à monseigneur
Freppel, saint Louis étant considéré comme
un modèle d'éducation chrétienne, mais aussi
comme le symbole de ralliement des royalistes, qui, majoritaires
à l'Assemblée nationale, préparent une restauration.
La rentrée a lieu le jeudi 15 octobre 1872 avec une
soixantaine d'élèves répartis sur cinq classes
inférieures : septième, sixième et cinquième,
première et deuxième année de l'enseignement
spécial sans latin. A vrai dire, les bâtiments sont
à peine achevés.
2) Les bâtiments
Le choix d'un emplacement
constitue la première décision importante. Depuis
l'achèvement du nouvel hôpital,
la Maison de l'Oratoire aux Ardilliers est à peu près
vide et elle a été rachetée pour 50 000
F par la congrégation des soeurs de Jeanne-Delanoue. Au
prix d'importantes restaurations, elle offrirait un beau cadre
monumental pour le futur collège, mais très loin
du centre-ville, ainsi que l'observe la supérieure du Pensionnat
de la Retraite. L'abbé Picherit préfère jeter
son dévolu sur un terrain situé à l'extrémité
de la zone bâtie sur la levée d'enceinte, devenue
rue d'Alsace, dans un quartier promis à un rapide essor,
depuis l'achèvement en 1866 de la levée de défense,
qui le met à l'abri des hautes eaux du Thouet, hormis des
infiltrations fréquentes. Le terrain du 3 ha 34 ca est
acquis le 7 septembre 1871 par l'évêché d'Angers
pour un montant de 55 000 F, dont 25 000 sont payés
comptant. Les vendeurs sont Mr et Mme Victor Delavau, apparentés
au député légitimiste de M. et L. Les travaux
confiés à l'entreprise Duveau commencent sans délai.
Le choix de l'architecte est significatif. Les promoteurs
n'ont pas fait appel à l'architecte diocésain, mais
à Ernest Piette, créateur d'élégantes
résidences locales ( café et hôtel de
la Paix, château de Moc-Baril, maison du fondé de
pouvoir de Bouvet-Ladubay, hôtel Ackerman ). Il ne
donne pas au collège l'allure rébarbative d'une
caserne ; pour le pavillon central, il s'inspire du château
de Maisons ( aujourd'hui à Maisons-Laffitte dans les
Yvelines ). Ce château du milieu du XVIIe siècle,
oeuvre de François Mansart, annonce le classicisme, tout
en conservant des décors renaissants, notamment les couronnes
que l'architecte dissémine sur ses réalisations.
Piette se réfère nettement à la façade
sur cour ( la façade côté jardins surmonte
un grand escalier ), tout en adoptant des étagements
différents.
Les fondations, posées
sur des terrains marécageux, exigent de gros travaux. Un
sous-sol couvert de voûtes relève la cour d'honneur
au niveau de la rue d'Alsace. Rondement mené, le chantier
se termine par un grand banquet rassemblant tous les exécutants.
Quand l'évêque d'Angers vient bénir
son établissement le 27 novembre 1872, les ailes situées
à l'arrière sont cependant loin d'être achevées.
Elles le seront au cours de campagnes ultérieures, dont
on voit ici une étape :
Une première chapelle
aménagée dans une salle est remplacée par
une construction indépendante, greffée sur l'aile
occidentale et curieusement orientée vers l'ouest. L'architecte
saumurois Emile Roffay ( restauration de l'église
Saint-Nicolas, chapelle de la Gueule-du-Loup ) avait
été pressenti ; c'est finalement Jean Hardion,
architecte des Monuments historiques résidant à
Tours, mais très présent à Saumur, qui réalise
la nouvelle construction en 1902.
Pour les extérieurs, il s'inspire assez librement
des monuments religieux de Versailles ; la façade
orientale reprend les proportions de la cathédrale Saint-Louis,
oeuvre de Mansart de Sargonne ( à droite ). Hardion
y ajoute les couronnes chères à Piette.
L'abside à contreforts s'inspire lointainement de la chapelle du château.
Pour l'intérieur, l'Anjou reste fidèle à son cher style Plantagenêt, ici parfaitement reconstitué.
Le collège est relié au réseau électrique en 1890. Cet en-tête de lettre représente l'ensemble des bâtiments vers 1914, le préau et le théâtre sont apparus.
Ces bâtiments
en pierre dure, complétés par des prairies et nécessitant
d'importants aménagements intérieurs, ont sûrement
coûté une fortune. Jean-Luc Marais ( Landais,
p. 304 ) a trouvé un montant de 336 000
F dans une note de l'évêché d'Angers, ce qui
représente une somme considérable, bien supérieure,
par exemple, au prix du nouveau théâtre de Saumur ;
en 1892, les services des Domaines avaient évalué
les bâtiments existants à 250 000 F.
Des donations locales ont contribué à réunir
ce montant ; on cite les soeurs Bonneau, modistes rue Saint-Nicolas,
qui auraient institué un legs de 55 000 F. Il est
cependant sûr que l'essentiel des sommes provient de Monseigneur
Freppel, soit par des fonds propres, soit par des emprunts, et
que le collège est sa propriété personnelle,
relevant de la mense épiscopale, ce qui constitue une sérieuse
imprudence juridique, comme nous le verrons plus loin.
3) Un solide encadrement
L'actif chanoine Picherit
avait ouvert le collège et recruté lui-même
les premiers enseignants, un peu au hasard ( il avait ainsi
engagé un personnage interdit d'enseignement, à
la suite d'une condamnation à un an et un jour de prison
pour outrages publics à la pudeur - A.D.M.L., 436 T 1 ).
Manifestant sans doute trop d'initiative et d'indépendance
aux yeux de l'autoritaire évêque d'Angers, dès
le mois de février 1873, il est nommé chanoine prébendé
à la cathédrale et remplacé par l'abbé
Etienne Béchet, qui reçoit le titre de supérieur.
Par la suite, la direction du collège est marquée
par une exceptionnelle stabilité. Etienne Béchet
est cependant invité à démissionner en 1894 ;
1ère explication : il manque gravement d'autorité
selon les souvenirs du chanoine Brac ( A.H., 1953,
p. 222 ) ; 2ème explication : le nouvel
évêque, Monseigneur Mathieu, libéral, remplace
systématiquement les protégés de Freppel.
De 1894 à 1933, Célestin Verdier, licencié
ès lettres, ancien professeur de philosophie, manifeste
au contraire une habile fermeté ; grand bâtisseur,
il développe le rayonnement de l'institution, nous en reparlerons.
De 1933 à 1945, l'abbé René Robert.
Autour du chanoine Verdier,
au premier rang au centre et le seul âgé, des prêtres
dans la force de l'âge, au visage grave et strict ;
le corps professoral de l'année 1920-1921 dégage
une impression de force tranquille et a tout pour inspirer confiance
aux mères de famille. Il est particulièrement étoffé,
l'évêque d'Angers donne en permanence à l'institution
un encadrement abondant. En 1899, 20 ecclésiastiques et
3 laïques s'occupaient de 198 élèves, soit
un ratio de 1 pour 8,6. Sur cette photo des professeurs, il n'y
a pas les surveillants, mais elle comprend aussi un aumônier,
un économe et un préfet des études ;
il reste 17 enseignants pour tenir 9 classes et 171 élèves
( les trois classes élémentaires sont confiées
à des religieuses ) ; avec cette proportion de
1 pour 10 en 1920, l'encadrement est excellent. Les classes de
5 ème et de 4 ème, bien que limitées,
sont dédoublées, à cause d'une filière
sans latin. Tous ces enseignants, logés sur place, pas
débordés par les copies, sont constamment à
disposition et forment l'ossature de l'établissement.
En outre, sous la direction d'un préfet de discipline,
une forte armée de surveillants, à peu près
tous ecclésiastiques, est chargée d'assurer l'ordre.
En général, jeunes et inexpérimentés,
ils ont la tâche, à la fois difficile, méprisée
et fondamentale de faire appliquer des règles inapplicables,
car trop contraignantes. L'académicien René Doumic
écrivait à l'époque : « avec
des professeurs médiocres et d'excellents surveillants,
on peut avoir de bons élèves. Ce qui fait la force
de l'enseignement chrétien, c'est la surveillance ».
Pour l'illustration, la vie d'un jeune surveillant de Saint-Louis,
un ancien cultivateur breton, est évoquée par René
Bazin, dans un roman à peine codé, " Magnificat ",
paru en 1931.
N'oublions pas aussi les soeurs de Sainte-Anne : trois
tiennent les classes élémentaires, trois dirigent
des secteurs de l'intendance.
Tout cet abondant personnel est rétribué par
des sommes minimes. Cela permet à l'institution de prendre
une pension de 600 F par an ( 2 400 ) en
1899 ( A.D.M.L., 436 T 1 ), alors que le collège
communal en demande 620. De nombreuses dépenses supplémentaires
viennent toutefois s'ajouter, notamment des leçons supplémentaires
à des prix exorbitants ( voir le bordereau reproduit
par Toullelan, p. 50 ).
4) Des élèves étroitement surveillés
Ces élèves d'une petite classe vers 1900, à peu près tous tondus, ont un air craintif et dégagent l'impression d'enfants élevés à la spartiate. En effet, les semaines des collégiens sont chargées, y compris pour les demi-pensionnaires et les externes surveillés, qui doivent assister à la plupart des exercices.
Voici un résumé de l'emploi du temps en 1909-1910, tel qu'il est imprimé en tête d'un carnet de notes :
Ce qui donne la ventilation
hebdomadaire suivante : 21 heures de cours, ce qui est relativement
peu, 2 heures de composition, deux messes, des vêpres le
dimanche et deux longues promenades jeudis et dimanches. En dehors
de quelque 10 h 30 de récréation, les élèves
passent le plus clair de leur temps dans les études, environ
27 heures par semaine, et en silence ( les pensionnaires
bénéficient de 9 h 20 d'études supplémentaires ).
D'après les souvenirs d'un élève de
la première décennie, « le maître
d'études était terrible. De temps en temps, quand
il quittait des yeux son bréviaire, l'élève
qui était pris en flagrant délit de bavardage était
mis à la porte. Il sortait. L'étude avait quatre
portes, deux donnant sur la cour, deux sur le couloir de la cuisine.
Un élève était dehors à chaque porte.
Quand il en avait assez, il entrouvrait cette porte et faisait
claquer son pouce sur la paume de la main en disant : « M'sieur !
M'sieur ! ». Le maître d'études se
laissait parfois attendrir, et le pécheur repentant était
rappelé de son exil » ( Jean-Claude Sueur,
« La jeunesse saumuroise de René Brillatz »,
S.L.S.A.S., n° 141, 1992, p. 97 ).
En raison de l'épuisement
des troupes, les études du soir sont un peu plus relâchées.
Au total, un énorme effort personnel est exigé,
sous forme de leçons et de devoirs ; les élèves
travaillent beaucoup, les professeurs assez peu - le contraire
de la pratique actuelle.
Les parents prennent connaissance des résultats chaque samedi : les notes de classe et de tenue sont étalonnées sur un maximum de 6, les notes de composition sur 20.
A droite, les notes hebdomadaires du jeune Jean Velch, en classe de 4 ème B, en 1909-1910.
En complément, est établi un bilan trimestriel. Les élèves sont ainsi jaugés en permanence ; leurs parents, informés, doivent signer les carnets.
Le tableau d'honneur, récompensant autant la conduite que les résultats, est décerné chaque mois et est modulé par des mentions. Les heureux promus reçoivent un billet d'honneur, comme celui du jeune Etienne Charbonneau, signé le 31 décembre 1878 par le chanoine Etienne Béchet :
Tant d'efforts, tant de contraintes, tant de hochets, pour apprendre quoi ? Peu de sciences, le niveau dans ces matières est traditionnellement faible et l'institution ne produit, bon an, mal an, qu'un ou deux bacheliers scientifiques ; un peu de langues vivantes, sans les parler ; de la nomenclature mémorielle en histoire et géographie ; la littérature française du XVIIe siècle ; une somme considérable de connaissances en latin, y compris la versification ; des bases en grec, sans pouvoir fréquenter les grands auteurs ; la grammaire française pour les sections modernes et le catéchisme du diocèse d'Angers.
Le cours de cette existence monotone est coupé par les fêtes religieuses, qui sont marquées par des horaires spéciaux. A la Saint Louis, une grande procession mène les collégiens jusqu'aux Ardilliers. Après l'interdiction des processions en 1879, les cérémonies se déroulent dans l'enclos du collège, telle cette première communion, le 7 juin 1917, en présence d'un public essentiellement féminin :
5) La vitalité d'un monde clos
La forte coupure par rapport au monde extérieur engendre une grande vitalité interne, car les élèves ont du temps et ils cherchent à fuir les études et les promenades. Parmi les activités les plus citées :
- les sports, football, rugby, escrime, gymnastique. Le concours de gymnastique du 26 juillet 1908 se déroule dans les prairies de l'institution. Voir dossier illustré sur les sociétés sportives.
- le scoutisme, une troupe apparaît à la veille de la guerre ( voir photo en 1914 ).
- la musique, une harmonie, plus ou moins étoffée, existe en permanence. La voici en 1920-1921 :
- le théâtre ; pour ses représentations fréquentes, le collège édifie en 1901 une curieuse salle octogonale reposant sur une armature métallique ( destruction en 1991 )
- des académies. René Brillatz ( p. 104-106 ) évoque l'existence d'une académie d'élèves et d'un journal plus ou moins clandestins, s'intitulant bravement dans le sillage d'Horace : « Utile dulci - joindre l'utile à l'agréable ». Les nouveaux membres devaient prononcer un discours de réception.
- Dans les années 1920, l'abbé Mérit, professeur de philosophie, anime un cercle d'études sur les questions sociales.
6) Une structure pyramidale
Les classes élémentaires, tenues par des religieuses, sont relativement nombreuses. Ici, les 29 élèves de la septième autour du chanoine Verdier en 1920-1921 :
L'existence de deux cinquièmes et quatrièmes, l'une avec et l'autre sans latin, maintiennent des effectifs encore assez étoffés à ce niveau. A partir de la troisième et en permanence, les classes sont remarquablement clairsemées. Toujours en 1920-1921, la terminale de Philosophie et de Mathématiques réunit huit élèves autour de cinq professeurs.
C'est exactement la structure que nous avons observée au collège communal. A la veille de la guerre 14-18, Saint-Louis réunit des effectifs habituellement un peu plus nombreux, d'une trentaine en plus, car il maintient des nombres décents dans ses grandes classes de latinistes, alors que le collège communal n'y compte que quelques jeunes gens issus des familles protestantes. Ce collège compense en partie grâce au succès de son école industrielle, qui lui donne un recrutement sur une aire géographique plus large et un peu moins bourgeoise. Saint-Louis rassemble surtout les fils de la bonne société locale et des notables ruraux du Saumurois.
7) Le collège de la bourgeoisie locale
Il est devenu leur propriété
à la suite d'un enchaînement de rebondissements juridiques
et financiers. Monseigneur Freppel, méprisant les lois
de la République, laisse une succession incohérente,
qui ne sera réglée qu'au bout d'un an. Ses héritiers
familiaux ayant des droits sur le collège, bien personnel
de l'évêque, Saint-Louis est mis en vente afin de
leur constituer une rente sur l'Etat. Le Conseil municipal de
Saumur avait décidé de l'acquérir, afin d'y
installer une école d'enfants de troupe ou un bataillon
d'infanterie ( voir récit détaillé dans
L'anticléricalisme politique
). Finalement, sans doute à la suite d'un arrangement secret
avec le maire Louis Vinsonneau ( qui a des intérêts
dans le collège ), Saint-Louis est racheté
le 7 octobre 1892 pour la somme plutôt basse de 180 050
F. Il devient donc la propriété d'une société
d'actionnaires, qui rassemble les plus riches notables catholiques
de la région : en tête, Etienne
Bouvet-Ladubay, plusieurs membres de la famille Mayaud, le
marquis de Dreux-Brézé, le banquier Lambert ;
ils s'y retrouvent avec les opposants à la municipalité,
Gaston de La Guillonnière, le notaire Anatole Le Baron,
le négociant en tissus Charles Poisson, le docteur Victor
Besnard. Devenue la propriété de 550 actionnaires,
l'institution n'est pas soumise aux inventaires de 1906.
En cette même année 1892, naît l'association
amicale des Anciens Elèves, qui devient fort dynamique,
qui forme un cercle de convivialité autour du collège
et qui maintient des liens et des relations. L'institution ainsi
encadrée devient le lieu normal d'éducation pour
la bonne société locale, sans que les motivations
religieuses apparaissent toujours bien évidentes, ainsi
pour les familles Brillatz, Seigneur, Gratien, Bauchard, Voisine
et bien d'autres. La petite bourgeoisie des commerçants
et maîtres artisans imite la grande, mais elle opte souvent
pour les cinquièmes et quatrièmes sans latin, avec
français renforcé et des éléments
de législation.
Le chanoine Verdier, supérieur
pendant 39 ans, volontiers mondain, est très connu dans
la ville. En 1919, pour fêter ses 25 années à
la tête de l'établissement, il se voit offrir cette
magnifique chape, dont les broderies figurent saint Louis et des
objets du culte saumurois, ici, Notre-Dame de Nantilly.
Le chanoine s'intéresse en effet beaucoup au passé
religieux et au folklore de la région. Ses nombreux articles
sont brefs, élégamment rédigés, jamais
approfondis ; il commente superficiellement un unique document,
sans opérer de recherches complémentaires. Il plaide,
contre toutes les évidences, en faveur de l'authenticité
de l'actuelle statue de Notre-Dame des Ardilliers ( S.L.S.A.S.,
n° 3, mars 1911, p. 34-41 ). Dans un numéro
spécial consacré à Jean-François Bodin
( n° 57, octobre 1930 ), il se montre d'une injuste
sévérité à l'égard du premier
historien de Saumur. Une communication qu'il destinait au Congrès
des Sociétés savantes de 1913 est refusée.
Les historiens authentiques sont à rechercher ailleurs
dans l'institution, dans les articles de l'abbé Mérit,
quoique non historien et professeur de philosophie, ou dans les
premiers travaux de l'abbé Eugène Jarry, qui finira
codirecteur de la monumentale " Histoire de l'Eglise "
de Fliche et Martin... Avant tout littéraire, orateur élégant,
Célestin Verdier préside avec efficacité
la Société des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois
de 1927 à 1933.
Autre personnalité marquante dans la ville, l'abbé
Jules Bouvet, professeur, économe, puis aumônier
à Saint-Louis de 1873 à 1896, devient archiprêtre
de Saint-Pierre de 1906 à 1930. Autrement dit, des personnalités
liées à Saint-Louis tiennent une place considérable
dans la société saumuroise pendant les trois premières
décennies du XXe siècle.
8) Saint-Louis et l'Ecole de cavalerie
Longtemps dépourvu
d'horloge, le collège règle ses mouvements sur les
sonneries de l'Ecole de cavalerie toute proche. Cette dernière
comporte une division d'élèves sous-officiers, qui
est recrutée sur un concours spécial ( ne pas
confondre avec la division des sous-officiers élèves,
qui se préparent à devenir officiers ). Peu
après sa création, le collège ouvre une section
particulière, qui prépare cet examen dans de bonnes
conditions, puisque ses élèves vont monter à
cheval dans des manèges du Chardonnet et que des militaires
viennent leur donner des cours de topographie. Ce concours ne
se situe pas à un niveau bien élevé, mais
il est souvent préparé par des jeunes gens qui ont
échoué à l'entrée de Saint-Cyr, à
une époque où les candidats aux écoles militaires
sont très nombreux. En tout cas, l'institution connaît
beaucoup de succès à cet examen, jusqu'à
la fermeture de cette division en 1881.
Par la suite, elle oriente souvent ses élèves
vers des carrières militaires, sans les préparer
spécialement. Les rapports des renseignements généraux
signalent aussi que la plupart des officiers de Saumur placent
leurs enfants à Saint-Louis. Des liens étroits sont
ainsi tissés.
Pour les fêtes de son cinquantenaire en 1922, l'institution atteint l'effectif de 273 élèves. Les photos par David et Vallois pour l'année 1930-1931 confirment les constats précédents. Le corps professoral composé de vingt ecclésiastiques autour du chanoine Verdier est impressionnant.
Il a la charge de 118 élèves allant de la 6 ème à la terminale, soit l'excellent ratio de 1 pour 6. Les classes du second cycle sont toujours peu chargées, telle cette seconde entourant l'abbé Larue:
La cinquième est la plus fournie avec 25 élèves, mais elle est partagée entre 5 ème A, avec latin, et 5 ème B, sans.
Les classes primaires, tenues par des religieuses, sont plus fournies ; de la 11 ème à la 7 ème, elles regroupent 133 enfants, ce qui aboutit à un total stationnaire de 251 élèves pour l'ensemble de l'institution.