1) Les élections municipales du 30 novembre 1919
Le retour de la paix entraîne
une vague de scrutins électoraux en 1919. Le premier tour
des élections municipales se déroule le 30 novembre :
comme précédemment, 27 conseillers à élire,
répartis sur trois sections
selon le découpage de 1903.
Les socialistes préparent alors le Congrès
de Tours et sont affaiblis par leurs guerres internes ; ils
présentent quelques candidats de principe, qui ne font
pas campagne et qui obtiennent peu de voix ( la ville n'a
même pas conservé les procès-verbaux ).
Les conseillers sortants ont décidé de maintenir
l'Union sacrée et de constituer des listes communes autour
du docteur André Astié, 2ème adjoint, récemment
démobilisé. Ces listes " d'Union républicaine
et conservatrice " sont élues dès le premier
tour. Le premier de chaque liste obtient, dans la 1ère
section 702 voix au conservateur contre 117 au socialiste, dans
la 2ème section 480 contre 143, dans la 3ème section
318 contre 126 ( Ouest-Eclair
du 2 décembre
1919 ).
Les
candidats d'Union se sont présentés sans étiquette
particulière. C'est le sous-préfet qui les répartit
en trois tendances, comme on le voit sur le "fromage"
ci-dessus. Les conservateurs, majoritaires, sont d'anciens royalistes,
qui ne rêvent plus guère de restaurer le trône,
depuis que la république s'est montrée capable de
défendre la patrie bien mieux qu'un régime autoritaire ;
ardents catholiques, ils rêvent surtout de restaurer l'autel
et d'annuler dans la pratique locale les lois laïques du
début du siècle. L'Union Républicaine Démocratique
n'est pas un véritable parti, mais un regroupement de la
droite marquée avec des modérés, formant
l'armature du Bloc national devenu majoritaire dans la Chambre
bleu horizon et proche du président Poincaré ;
localement, ces conseillers soutiennent le député
Georges de Grandmaison, qui porte cette étiquette ;
ils diffèrent des conservateurs en ce qu'ils sont moins
cléricaux et franchement républicains. Les radicaux
représentent l'aile centriste du vieux parti radical-socialiste,
plutôt tendance Clemenceau. Ils sont les grands perdants
de l'Union sacrée ; parmi eux, le docteur Peton, vieilli
et désabusé, se passionne malgré tout encore
pour les affaires municipales. De même que la Chambre bleu
horizon, ce conseil municipal est l'assemblée la plus à
droite de la Troisième République.
A l'inverse, alors que le personnel politique est fortement
renouvelé à l'échelle nationale, le Conseil
de Saumur apparaît comme un club de sortants ; malgré
les décès, 17 anciens retrouvent leur fauteuil et
sont d'un âge élevé.
2) La municipalité
La nouvelle municipalité
est élue le 10 décembre : maire, le docteur
André Astié, 23 voix au premier tour sur 25 présents ;
1er adjoint, Joseph Vidal-Poisson, 24 voix ; 2 ème
adjoint, Henri Moreau, 24 voix, radical, union sacrée oblige.
La seule surprise réside dans le choix du maire.
Vidal-Poisson, négociant, 6 rue de la Petite-Bilange, présent
au Conseil municipal depuis 1904, premier adjoint de Louis Mayaud,
maire par intérim, avait assuré une bonne part des
besognes administratives et avait obtenu le plus grand nombre
des suffrages d'électeurs. Il n'est pas porté à
la charge de premier magistrat. Peut-être est-il jugé
trop âgé ? Ou trop réactionnaire ?
Le docteur Astié apparaît comme inexpérimenté :
il n'entre au Conseil qu'en juillet 1914 et, aussitôt après,
il est mobilisé comme aide-major de 1ère classe.
Le 6 août 1915, le Conseil municipal lui adresse des félicitations,
parce qu'il vient d'être décoré de la croix
de guerre. Ce brevet d'ancien combattant a dû peser lourd
en sa faveur. Dans la pratique, le docteur Astié ne dispose
pas d'une grande autorité. Il subit un lourd échec
aux cantonales du 14 décembre 1919 ; il se porte candidat
face au sortant, Gaston de La Guillonnière ; dans
la partie N.O. de la ville, ce dernier obtient 227 voix, alors
que le nouveau maire n'en reçoit que 25 ( A.M.S.,
1 K 153 ). Dans les faits, Vidal-Poisson continue
à remplir le plus gros de la paperasse administrative,
Astié apparaît comme un administrateur consciencieux,
mais sans grand rayonnement.
3) Des décisions unanimes
Le Conseil municipal est souvent réuni pour des séances exceptionnelles, car le maire, fort scrupuleux, tient à l'associer aux décisions concernant la pénurie de charbon, la compagnie du gaz et la compagnie des tramways, deux sociétés qui posent des problèmes permanents. Dans l'ensemble, les décisions sont prises à l'unanimité.
La municipalité consacre beaucoup de temps à organiser les cérémonies du souvenir et à réaliser le monument aux morts. A cette occasion, elle réaménage le square de l'Hôtel de Ville et elle enclôt les arcades du théâtre.
Le Conseil municipal du 4 août 1922 met fin à une querelle remontant à 1905 au sujet du nom des rues ( 34 dénominations avaient été changées, surtout par anticléricalisme, mais beaucoup n'étaient pas entrées dans l'usage courant ). Une sous-commission, conseillée par l'infatigable Camille Charier, avait travaillé à mettre au net la nomenclature urbaine et le Conseil adopte ses conclusions. La rue Zola redevient officiellement rue Saint-Nicolas, la rue Renan rue Saint-Jean, la rue Balzac rue du Portail-Louis. Sur certains points, la délibération est imprécise, elle ne parle pas de la rue Voltaire ( qui redevient en pratique la rue de la Petite-Bilange ), ni de la rue Diderot, baptisée en fait rue de la Gueule-du-Loup. Camille Charier, qui, dans un article, voulait promouvoir les grands hommes de la région, fait décerner des voies au Général Bontemps, à Célestin Port, à Couscher et - malencontreusement et de son vivant - au très contestable Louis Renault. Autre aménagement curieux : le président Wilson est puni pour avoir déçu les Français, son quai devient le quai des Etats-Unis. Depuis cette date, la toponymie de la ville ancienne a peu varié.
Toujours dans cet esprit d'union, les 12 grands électeurs et les 3 suppléants choisis pour les élections sénatoriales de 1922 sont répartis à la proportionnelle des tendances.
4) La crèche Chauvet
Florent Chauvet, conducteur
des Ponts et Chaussées, qui avait travaillé avec
Antoine Calderon et qui avait sauvé des vies au cours de
l'inondation de 1843, se trouvant sans héritier direct,
fait une importante donation au Bureau de Bienfaisance de Saumur.
Dans son testament mystique du 11 février 1882, il lui
lègue la somme de 58 000 F, afin de fonder « une
crèche avec jardin, établie sur le modèle
de la ville de Paris, pour y recevoir les enfants âgés
de moins de 3 ans » ( Véronique Flandrin,
« La crèche de Florent Chauvet »,
Ville de Saumur. Journal, janvier-février 2008 ).
La référence à l'établissement fondé
en 1844 par Firmin Marbeau à l'intention des blanchisseuses
de Chaillot est caractéristique du philanthropisme ambiant.
Il ne se passe rien pendant 40 ans. Il faut attendre le
décès d'autres héritiers qui avaient des
droits d'usufruit. Surtout, la municipalité n'est pas enthousiasmée
par la donation. Elle décide seulement que la crèche
sera implantée dans l'ancien tribunal, devenu le bureau
de bienfaisance, à l'angle des rues des Payens et du Prêche.
Les élus savent bien que la somme léguée
sera largement suffisante pour l'appropriation des locaux, mais
que par la suite, la crèche, n'attirant que des ouvrières
sans ressources, coûtera cher à la ville en frais
de fonctionnement et de personnel. Certains conseillers conservateurs
proclament que toutes les mères doivent s'occuper à
plein temps de leur nourrisson.
Avec un certain courage, en décembre 1922, le docteur
Astié commence les travaux d'aménagement du rez-de-chaussée
du bureau de bienfaisance. Deux salles sont équipées,
l'une de 14 berceaux pour les enfants non sevrés et une
de 11 lits pour les plus grands. La crèche est éclairée
à l'électricité et la cuisine pourvue de
lavabos alimentés en eau chaude et froide. Les étages
supérieurs sont modifiés pour le logement du personnel.
La crèche entre en service le 1er mai 1924 ;
elle est payante, sauf pour les plus indigents. La municipalité
Amy accorde ensuite la gratuité pour tous. Ce nouveau type
d'établissement, qui entre progressivement dans le paysage
social, est un peu long à se remplir.
5) Quelques réalisations d'urbanisme
Le 26 novembre 1920, le
Conseil décide de contracter un emprunt de 800 000
F ; ce n'est pas pour lancer de grands travaux, mais pour
rembourser des bons municipaux émis en 1917. Accablée
par ses dettes de guerre, mal remboursée par l'Etat, la
ville n'a pas les moyens de se lancer dans des entreprises grandioses.
Elle prépare le débouché de la rue Colbert sur la rue de
Lorraine en menant d'interminables tractations avec la famille
Massiet.
Elle achète une vieille maison située entre
la cour de la mairie et la rue Bonnemère ( aujourd'hui
remplacée par un bâtiment neuf ).
Elle lance timidement des travaux qui vont s'étirer
sur tout l'Entre-deux-guerres et parfois au-delà :
préparation de la restauration de la Maison
de la Reine de Sicile ; aménagement de l'aile
orientale du château pour recevoir la collection Lair ;
comblement progressif de la Boire-Quentin ;
pose de pompes électriques le long des levées d'enceinte,
afin de rejeter les eaux usées ou infiltrées durant
les périodes de crue. Encore une fois, ces chantiers ne
sont qu'ébauchés.
Dans le domaine scolaire, la municipalité aménage un dortoir supplémentaire dans le Collège de Garçons, car l'Ecole industrielle marche bien ( elle reçoit 174 élèves, dont 134 pensionnaires ). Dans l'école des Récollets, le cours supérieur est remplacé en 1923 par un cours complémentaire à deux classes.
Toutes ces réalisations sont d'ampleur modeste ; elles témoignent néanmoins de la clairvoyance de la municipalité Astié.