1) Le soutien aux écoles publiques
Les municipalités
Combier et Peton avaient beaucoup oeuvré en faveur de l'enseignement
public. Robert Amy héritait donc d'un remarquable réseau
d'écoles de quartier, d'un collège
de Garçons reconstruit et d'un magnifique collège
de Jeunes Filles. Tous ces établissements, pratiquement
neufs, étaient loin d'être pleins. La municipalité
ne devra engager de grosses dépenses que dans le secteur
des écoles maternelles. Elle pose le principe de réserver
les fonds publics au seul enseignement public et elle n'en démord
pas.
Le Conseil municipal du 29 septembre 1925 crée des
postes de femmes de service dans les écoles maternelles
; ces dernières sont présentes quelques heures par
jour ; en particulier, elles assurent une garderie jusqu'à
17 h 30 dans les quartiers ouvriers. Toujours au service des écoles
primaires, le 14 décembre suivant , le Conseil institue
des études surveillées, qui seront gratuites pour
les enfants de la commune et qui coûteront 5 F par mois
pour les enfants étrangers à la ville. L'horaire
est établi comme suit : récréation de
16 h à 16 h 30, étude surveillée de 16 h
30 à 17 h 30. Les maîtres, fort mal payés,
sont fort heureux de recevoir une rétribution supplémentaire
de 600 F par an. Le maire prévoit que cette création
va revenir à 14 000 F, soit la création de
23 études. On ne peut qu'applaudir à cette mesure
si conforme à l'élitisme républicain, en
notant tout de même que, selon les critères du temps,
le plafond pour ouvrir une étude supplémentaire
est fixé à 50 élèves.
En 1935, quelques autres mesures sont prises dans le domaine
sanitaire et social : ouverture d'une inspection dentaire,
passée deux fois par an par les enfants des écoles ;
création d'un poste « d'infirmière sociale
municipale », c'est-à-dire d'une assistante
sociale intervenant dans divers domaines.
2) L'école maternelle de la rue du Bellay
La petite école maternelle du 113 rue Jean-Jaurès était en très mauvais état. Le Conseil municipal du 4 décembre 1935 décide de la transférer dans la solide station de pompage récemment désaffectée. Jean Hénin adapte les locaux et aménage le petit jardin du côté de la place Allain-Targé.
3) L'école maternelle des Violettes
Dès que les premiers
occupants s'installent dans les HBM des Violettes, le nombre élevé
de leurs enfants, qui sont très éloignés
de toute école, devient une préoccupation pour les
édiles. Déjà, le 22 novembre 1932, quand
il vend l'ancien hôtel des Postes au Crédit de l'Ouest,
le Conseil municipal précise que le produit de la transaction
sera affecté à la construction d'écoles dans
le quartier des Violettes. Une maternelle s'impose en priorité
et l'emplacement est tout trouvé : les Verreries mécaniques
disposent encore d'un terrain de plus de 5 000 m2 à
proximité du lotissement. Les pourparlers s'engagent en
février 1933 ; en juin, comme la société
est dure en affaires, la ville la menace d'expropriation. On apprend
au Conseil municipal du 4 décembre 1935 que l'achat vient
d'être conclu pour 60 000 F.
« L'école maternelle et enfantine »
est classée au premier rang des grands travaux décidés
par la ville en octobre 1935. On voit grand : un arrêté
ministériel du 16 juin 1936 crée une école
maternelle à quatre classes, au lieu des trois envisagées ;
un emprunt de deux millions est voté par le Conseil du
23 juin. La première pierre est posée dès
le dimanche 15 novembre 1936 par Alice Jouenne, auteur de plusieurs
ouvrages de pédagogie et directrice du cabinet de Suzanne
Lacore, sous-secrétaire d'Etat à la Protection de
l'Enfance.
L'architecte de la ville, Jean Hénin, a manifestement
eu les coudées franches pour donner un style personnel
à cette réalisation. Sur une terrasse artificielle,
il élève un bâtiment d'une harmonieuse monumentalité
par la vigueur de l'avant-corps central et par les lignes horizontales
des larges corniches. Le voici en cours d'achèvement ( A.M.S.,
collection Perrusson ) :
Depuis, la végétation, plantée dès l'ouverture, a bien grandi. Le bâtiment repose sur une ossature de béton dissimulée par des murs de briques, à la mode à cette époque, même à Saumur. Ces murs sont composés de deux cloisons séparées par un vide de 30 cm, la cloison extérieure étant en briques de Beauvais d'une couleur soutenue. Le cliché suivant met en valeur les puissantes corniches, habituelles dans les réalisations de l'entreprise Bellati, et les terrasses qui recouvrent tout l'ensemble ( baptisées " solarium " et chères aux hygiénistes du temps, qui veulent y exposer les bambins, elles n'ont servi à rien.
L'intérieur est
adapté aux besoins d'une école maternelle, des salles
de repos, des salles de jeux, un cabinet médical, des vestiaires,
des salles d'hygiène, un circuit d'eau chaude, des rampes
en pente douce à la place des escaliers, des mosaïques
aux couleurs gaies, une lumière abondante apportée
par de larges baies. Quatre appartements occupent le premier étage,
deux pour les couples, deux pour les célibataires.
Le chantier subit quelques retards, l'entreprise Bellati
demande une réévaluation de son marché, car
les mesures sociales du Front Populaire ont alourdi sa masse salariale.
La librairie Fernand Nathan fournit le mobilier scolaire pour
3 605 F. Enfin, les travaux sont reçus le 29 octobre
1937 et l'école ouvre pour une rentrée légèrement
retardée.
L'inauguration officielle n'a lieu que le dimanche 5 juin
1938, sous la présidence du préfet de Maine-et-Loire,
Myrtil Stirn, au son d'une Marseillaise jouée par
la musique scolaire dirigée par Paul Boisserie. Le fonctionnement
régulier de l'école est entravé dès
septembre 1939 par l'installation de bureaux repliés du
ministère des Finances.
( A.M.S., 4 M 33 ; articles de René
Clozier, La Construction moderne, 21 mai 1939, p. 334-338
et de Véronique Flandrin, Journal, ville de Saumur,
septembre-octobre 2006 ).
Les patronages catholiques
organisaient des colonies de vacances, habituellement dans l'orphelinat
du curé Mondain, à la Breille-les-Pins. Les milieux
laïcs souhaitaient en faire autant, en pratiquant des tarifs
très bas et la gratuité pour les indigents.
Le legs du père Cristal
en 1928 leur ouvre des perspectives. L'hospice a hérité
de la grande maison des Quatre-Cheneaux à Champigny, qui
pourrait accueillir 40 à 50 enfants ; il l'abandonne
à la ville pour 50 ans, moyennant une subvention unique
de 60 000 F pour construire une maison destinée au
vigneron du clos. Le Conseil municipal organise ses colonies le
21 novembre 1929 : une somme de 60 000 F suffira pour approprier
les lieux ; les séjours dureront quatre semaines,
en août pour les garçons, en septembre pour les filles.
Les colonies de vacances de la ville débutent en
1932 avec des effectifs importants, mais aussi quelques « fortes
têtes », difficiles à contrôler.
Edmond Apparu, instituteur et premier adjoint, en suit de près
le fonctionnement et il apporte de nombreux renseignements sur
la saison de 1933 ( A.M.S., 1 D 42 ). La fréquentation
a un peu baissé : 44 garçons et 19 filles seulement.
L'emploi du temps fonctionne comme suit :
Lever - 7 h
9 h à 12 h - éducation physique, chant, jeux
13 h à 15 h - sieste
15 h à 19 h - jeux ou promenade - goûter à 16 h
19 h - dîner
Après dîner - concert de phono
21 h - coucher
Les menus sont établis pour la semaine :
Potages variés, midi et soir
Viande le midi, sauf poisson le vendredi
Goûter, une tartine, alternativement de rillettes et de confitures
Souper, légumes ou macaronis avec salade, des fruits en dessert
A l'exception d'une fillette
qui a dû être renvoyée dans sa famille pour
mauvaise conduite, les effets moraux sont présentés
comme remarquables : « Nos jeunes pupilles ont
acquis à la colonie des habitudes de propreté, d'hygiène,
d'ordre et de politesse. » Ceux qui les ont approchés
« ont vu naître et croître en eux les nobles
sentiments de solidarité, de loyauté, de bonté,
de sociabilité ». La colonie est « peut-être
le meilleur moyen pour enrayer la tuberculose infantile ».
En 1934 ( 52 filles en août et 56 garçons
en septembre ), la cuisine était meilleure et les enfants
ont tous pris du poids, de 1 kg à 3 kg 50.
On a accueilli 61 garçons et 60 filles en 1935, mais,
faute de place, il a fallu refuser 19 garçons et 6 filles.
Aussi le Conseil décide-t-il d'acheter la maison voisine
de l'ancien Prieuré. L'année suivante, les garçons
logent aux Quatre-Cheneaux et les filles au Prieuré ; les
séjours ont pu être rallongés à sept
semaines. Pendant l'été 1938, 88 garçons
et 55 filles sont accueillis.
La municipalité est très fière de cette réalisation sociale, qu'elle fait volontiers visiter. Elle insiste sur le faible éloignement des petits colons, qui restent en contact avec leur famille. Des services de cars sont organisés pour assister à la fête qui marque la fin des séjours. Le maire accueille avec un peu d'appréhension les réfugiés espagnols dans les locaux de sa chère colonie, il exige qu'ils abandonnent les lieux en été pour laisser la place aux petits Saumurois.
Mouvement emblématique
du Front Populaire, l'auberge de la Jeunesse naît à
Saumur un peu avant la mise en place du gouvernement Blum. Des
jeunes gens sont d'abord hébergés l'été
dans des dépendances des écoles des Ponts, sans
aucune structure organisée.
Le 17 mars 1936, le Conseil municipal fixe « l'auberge
de la Jeunesse » dans le stade municipal et lui attribue
une partie de la maison du gardien. Le nouveau local est ouvert
le 1er juin suivant. « L'auberge saumuroise »,
affiliée au Centre Laïque des Auberges de Jeunesse
fondé en 1933, est une association municipale, dont le
Comité d'administration est mis en place par le Conseil
( A.M.S., 2 R 4 ). Le dimanche 19 juillet 1937,
elle reçoit la visite de Madeleine Lagrange, l'épouse
du sous-secrétaire d'Etat aux Sports et Loisirs, qui se
déclare charmée par le cadre.
L'auberge est cependant bien à l'étroit. Elle
obtient du Conseil municipal du 19 mars 1938 la construction d'un
bâtiment léger en briques creuses ( 20,40 sur
6,40 m ), comprenant un dortoir et une cuisine. Son coût
de 151 200 F est atténué par une subvention
du ministère de l'Education nationale. Cet agrandissement
donne à l'auberge une capacité de 20 lits pour les
jeunes gens et de 15 lits pour les jeunes filles. En annexe, un
vaste terrain de camping lui est adjoint ( topographie sur le plan des années 1918-1939 ).
Ainsi équipée, l'auberge saumuroise connaît
une hausse spectaculaire de sa fréquentation : 93
usagers en 1936, 485 en 1937, 1 226 représentant 1 357
nuits en 1938. Pour cette dernière année, le père
aubergiste a dressé une statistique des professions représentées
; trois viennent en tête : ouvriers 185, étudiants
184, instituteurs 158. Les étrangers sont présents
au nombre de 144, dont 65 anglais, 18 américains, 15 belges,
10 allemands et 10 algériens [???]. Les visites culturelles
sont encouragées : 345 passagers sont allés
visiter le château en bénéficiant d'un tarif
réduit.
L'association connaît aussi une crise de croissance
en raison de l'entrisme du P.C.F. Mme Grünbaum-Ballin, secrétaire
générale du CLAJ doit intervenir et le maire interdit
toute propagande politique dans les locaux.
Les oeuvres en faveur de la jeunesse, chères à la municipalité Amy, s'étaient donc multipliées à partir de 1932 et fonctionnaient parfaitement à la veille de la guerre.