En 1206, quand Philippe Auguste entre dans la ville
d'Angers, les notables et le peuple viennent l'acclamer, selon les
dires des Annales de Saint-Aubin. Rien de tel n'est signalé
pour Saumur, où les choses sont plus complexes.
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1) Un fort attachement aux Plantagenêts |
L'intérêt porté à la région par les rois anglo-angevins
et les faveurs accordées ont fait naître une réelle adhésion et, en
même temps, de l'hostilité à l'égard du " rois des Francs ",
considéré comme un agresseur. En 1079, quand le roi capétien Philippe
1er attaque le petit seigneur Hugues du Puiset, Maurice Roinard, seigneur de Boumois
et personnage influent à Saumur, vole au secours de l'assiégé, et
finalement, le roi repart bredouille ( Ch. MÉTAIS, Cartulaire
de la Trinité de Vendôme, charte n° 290 ).
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2) Le ralliement des puissants |
Les seigneurs locaux ont très tôt abandonné Jean sans
Terre et se sont en majorité ralliés à Philippe Auguste, à la suite de
Guillaume des Roches. Ils ont fait le bon choix : la victoire
française n'a pas entraîné la curée qui avait caractérisé la conquête
du Saumurois en 1026.
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3) La justice royaleLes premiers titulaires connus sont cités dans les tables chronologiques. |
En lançant de grandes enquêtes sur les abus éventuels
de leurs agents, Louis VIII et surtout Louis IX obtiennent d'abondantes
réponses ; à Saumur, les plaintes sont nombreuses contre le bailli
Geoffroy Payen et contre Philippe Coraut, le châtelain de Tours ( Recueil
des Historiens des Gaules, t. XXIV ). Mais, en même
temps, ils affirment leur fonction de souverains justiciers,
protecteurs de leurs sujets.
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4) Un roi chevalier |
Nous reprenons une banalité, mais elle est sûrement
exacte : l'image d'un roi justicier et modèle du chevalier
chrétien a beaucoup joué dans le ralliement des provinces nouvellement
conquises.
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5) Le calendrier et la monnaie des CapétiensVoir en méthode : la mesure du temps |
A partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, les
Saumurois pratiquent les usages du " pré carré " capétien. Désormais,
l'année commence toujours à Pâques. La livre angevine disparaît des
comptes domaniaux en 1221 ; la livre parisis se maintient un peu plus
longtemps pour évaluer des sommes élevées, mais c'est la livre tournois
qui est devenue la valeur d'usage courant. L'écu, la bonne pièce
royale, devient la référence monétaire.
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6) La langue d'oïl |
A partir de 1268 apparaissent les premiers documents rédigés à Saumur " en langue vulgaire ". Ce sont des contrats assez simples ; ils suffisent à démontrer que les Saumurois ne parlent pas l'anglo-normand, la langue des Plantagenêts, ils parlent une langue d'oïl peu sophistiquée, très proche des tournures du francien, mais les déclinaisons de ce dialecte sont simplifiées : le cas sujet et le cas régime ne sont pas différenciés. Par sa grammaire, cette langue est très proche du français moderne ; cependant, son vocabulaire et son orthographe la rendent d'accès difficile. Voici par exemple un extrait d'un jugement du 16 octobre 1268, constatant un prêt de 46 sous, transformé en rente foncière perpétuelle assise sur une vigne de Chacé. Les preneurs « se tindrent de tot en tot bien por payez, en
bons deniers nombrez et livrez, e sunt tenuz deffendre e garantir
ladite vigne quite e delivre de tote obligacion contraire e de tot
impediment, de toz e contre toz e totes, ... e a ce obligent toz
lor autres biens mobles e non mobles presenz e avenir, e ont renuncié
quant a tot privilège de croiz prise e à prendre, e a tot dreit escrit
e non escrit, e a tote coutume de terre a ce contraire... »
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Encore une fois, reconstituer des mentalités à partir
de maigres éléments est une entreprise risquée - que beaucoup
d'historiens affrontent allégrement. Certains pensent que la
" nation-France " naît dès la Chanson de
Roland ; pour d'autres, elle n'existe que depuis la Révolution
et le XIXe siècle. En estimant que les Saumurois deviennent
" français " au cours du XIIIe siècle, je me situe à moyen
terme.
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