Les autorités d'occupation
n'autorisent que les partis qui leur apportent un soutien inconditionnel,
qui adhèrent à leur idéologie et qui emploient
des méthodes violentes. Les mouvements ne diffèrent
entre eux que par des divergences ténues, seules les rivalités
entre leurs chefs expliquent leur multiplication. Il faut bien
raconter par le menu la vie agitée et pleine de rebondissements
de ces groupuscules, même si on a le sentiment de patauger
dans les bas-fonds de l'histoire. Les sources essentielles sont
les rapports de police au sous-préfet ( A.D.M.L.,
97 W 23 et 98 W 8 ), une synthèse
des renseignements généraux ( A.D.M.L., 140 W 56 ),
les fiches des commissions d'épuration ( A.D.M.L.,
181 J 60-61-62 et 67 ), la presse locale et quelques
correspondances en A.M.S., 5 H 22.
Afin de ne pas présenter une histoire par trop désincarnée,
dans laquelle les acteurs ne sont pas décrits et seulement
désignés par une lettre initiale, nous avons pris
le parti de citer quelques noms, seulement ceux des chefs, qui
s'étalaient quotidiennement dans les journaux, qui apparaissaient
souvent dans les rapports administratifs et qui ont été
condamnés à la Libération. Nous laissons
dans l'ombre l'identité des simples comparses.
1) Le Rassemblement National Populaire
Constitué en janvier
1941 autour de Marcel Déat, un ancien néo-socialiste,
pacifiste en 1939, séduit par le modèle fasciste
et longtemps assez proche de Laval, le R.N.P. apparaît en
Anjou et à Saumur en mai 1941, suivi par son satellite
le Front Social du Travail. Son premier secrétaire local
est Pierre Nidelisse, né à Vincennes en 1894, installé
peu avant la guerre comme épicier 15 rue Molière ;
son magasin a peu de clientèle française, mais se
spécialise dans un commerce très lucratif avec les
Allemands, c'est-à-dire dans ce qu'on appelle " le
marché brun ". « Nul, borné
et vaniteux », selon les dires d'une fiche de police,
Nidelisse aurait été socialiste avant la guerre,
mais on le lui connaît aucune déclaration idéologique,
aucun communiqué de presse programmatique, seulement un
dévouement zélé envers les occupants. Bien
épaulé par sa famille, en particulier par deux grandes
filles très exaltées, il parvient à constituer
un parti regroupant 26 membres à Saumur en août 1941.
Sur l'ordre de la Kreiskommandantur,il obtient l'attribution
d'un bien juif saisi, le rez-de-chaussée de la banque Asch,
2 rue Dupetit-Thouars ( voir le plan
de Saumur allemand ). Ce vaste local va devenir le siège
des divers partis collaborationnistes, qui se succèdent
à Saumur. Comme la famille Bloch continue à habiter
au premier étage, nos antisémites protestent contre
cette promiscuité inadmissible et obtiennent que la sous-préfecture
déplace la famille dans la rue Bizard.
Le R.N.P. distribue des tracts, mais ne publie pas de communiqués
de presse. Dans son rapport pour la seconde quinzaine d'octobre
1941, le commissaire de police lui accorde 114 adhérents
pour tout l'arrondissement, nombre très sûr, qui
doit correspondre à l'apogée du mouvement collaborationniste
dans la région.
A l'échelle nationale, l'unité du parti, imposée
par les Allemands, est menacée par la haine qui oppose
Marcel Déat à Eugène Deloncle, venu des ligues
d'extrême droite et dirigeant d'un mouvement associé,
le Mouvement social révolutionnaire. Le Rassemblement explose
en octobre 41. A Saumur, en novembre, le R.N.P. disparaît
et ses membres passent au M.S.R., qui publie son premier communiqué
dans le Petit Courrier du 4 décembre ( il y
met en garde contre un lieutenant qui collecte des fonds au porte
à porte en faveur de la L.V.F. ). Nidelisse est pour
l'instant supplanté.
2) L'arrogance du Mouvement Social Révolutionnaire
Parti authentiquement
fasciste, dirigé par des anciens de la Cagoule comme Eugène
Deloncle, membre fondateur de la L.V.F., le M.S.R. constitue le
parti collaborationniste le plus actif de Saumur.
Son chef, nommé par Paris, est Daniel-Emile Pélisson,
né en 1904 à Tours, arrivé à Saumur
au début de la guerre et résidant 7 rue Etienne-Bougouin.
Il déclare la profession de chef monteur, mais sa fiche
de police en doute. Il aurait appartenu à la S.F.I.O. et
avait été réformé en 1940. Toute la
famille parle allemand et se met au service des occupants. Nous
avons déjà rencontré Marie-Cécile
Schmidt, née à Thionville, belle-fille de Pélisson,
interprète au Frontstalag 181, puis à la
Feldkommandantur de Tours, devenue dirigeante de l'Office
du Travail en Allemagne de la rue d'Orléans. Cette dernière
s'absente souvent pendant quelques jours, les Saumurois affirment
qu'elle accomplit alors des missions pour la Gestapo. Pélisson
et son épouse sont d'abord interprètes au camp de
prisonniers. Ils ont une fille aînée, Lucette, qui,
bien que mineure, s'est portée volontaire pour aller travailler
en Allemagne et qui y est employée dans une fabrique de
téléphones. Les deux enfants plus jeunes distribuent
des tracts. Avec la fermeture du Frontstalag
181, Pélisson est libre et il se consacre à
plein temps au M.S.R. ; il est appointé, mais n'est
pas armé. Il s'habille habituellement avec des vêtements
de couleur kaki, afin de se donner une allure militaire, malgré
sa forte corpulence. Il se flatte aussi d'avoir un grade dans
l'armée allemande.
Comme il envahit la presse de ses communiqués et
qu'il entend régenter la ville avec ses hommes de main,
il est détesté par le commissaire de police, qui
le surveille de près, et par le sous-préfet, qui
le présente comme « un mégalomane qui
rêve de devenir un grand chef et qui se compare volontiers
à Laval ». Appuyé par le préfet,
Robert Milliat empêche le M.S.R. d'organiser une tombola
en faveur des familles de prisonniers, sous le prétexte
que le Secours national a le monopole des appels à la générosité
publique. Le maire, pourtant opportuniste, rechigne à lui
accorder les salles du théâtre « pour
éviter des surveillances difficiles et des incidents possibles ».
Il cède sous la pression des Allemands, qui n'exigent aucune
formalité pour accorder leur autorisation. Mais le parti
fait ce qu'il veut dans ses propres locaux ; à l'occasion
de Noël 1941, il organise une fête en faveur des femmes
et des enfants de prisonniers ( 40 personnes y assistent,
enfants compris ).
Pélisson étale volontiers son programme, qui
ne présente rien d'original et qui prend souvent un ton
polémique. Il attaque le franc-maçon
Déré ; le 10 février 1942, il organise
une conférence sur la collusion judéo-maçonnique ;
21 auditeurs y assistent, y compris le commissaire de police et
deux agents de police ( Marnot, p. 109 ). Le parti distribue
des tracts antisémites ; en juin, Pélisson
dénonce l'ex-rabbin Lévy-Srauss pour le port de
ses décorations au-dessous de l'étoile jaune ( nous
avons raconté cet
épisode plus haut ). Une autre conférence
apporte la « Vérité sur la Russie ».
En mars 1942, le M.S.R. participe à la campagne antibritannique
lancée à la suite des premiers bombardements de
la R.A.F. Dans un communiqué de presse, il se déclare
en faveur d'une « Révolution totalitaire, c'est-à-dire
nationale, sociale, européenne » ; en somme,
ce parti est la section française d'un grand parti nazi
européen.
Longtemps seule organisation collaborationniste de Saumur,
le M.S.R. entend y faire régner sa loi ; il met en
place « des cadres dont chaque élément
a la direction et la responsabilité d'un quartier de la
ville, appelé secteur ». Très fiers de
jouer aux petits chefs, ces cadres font état de leur fonction ;
ainsi les Saumurois connaissent les responsables de Nantilly,
de Saint-Nicolas, de Saint-Pierre, de la rue de Bordeaux, du quartier
des Ponts et de Saint-Hilaire-Saint-Florent ( Archives du
Comité de Libération et de la Fédération
des Anciens de la Résistance ). Un service d'information
centralise ces renseignements et classe les Saumurois parmi les
catégories suivantes : communistes, francs-maçons,
gaullistes et attentistes [ il n'y a pas de vichystes ni
de collabos ! ]. Le commissaire de police, qui dispose
de deux informateurs au sein du parti, écrit que ces fiches
sont souvent erronées et diffamatoires. Elles sont cependant
communiquées aux services de police allemands, en compagnie
desquels Pélisson aime s'exhiber, ce que le sous-préfet
résume ainsi : « il passe à Saumur
pour un agent de délation, on l'y redoute et on l'y méprise »
( A.D.M.L., 97 W 26, 24 février 1942 ).
Subventionné par les occupants, le M.S.R. dispose
de gros moyens. Il paie des uniformes à ses jeunes adhérents.
En cette période de pénurie, il utilise du papier
à lettres luxueux, portant un en-tête en couleurs,
représentant deux flèches et une hache.
Son énorme cachet
est également voyant. Les graphologues apprécieront
la signature de Pélisson pleine de lassos et de crochets.
Le local du 2 rue Dupetit-Thouars regorge de matériel de
propagande, qui est distribué à profusion, ce qui
provoque des actes d'hostilité : le 14 juillet 1942,
vers 23 h 25, une grenade est jetée dans la salle, sans
provoquer de gros dégâts.
Inquiétant personnage, Pélisson est un agitateur
efficace ; il galvanise ses troupes, qui se réunissent
deux soirs par semaine. Il parvient à donner du poids au
M.S.R. au cours de la première moitié de 1942. Cependant,
l'organisation présente de sérieuses faiblesses
permanentes, qui tendent à s'aggraver. Ses effectifs ne
progressent pas ; ils se maintiennent aux environs des 26
adhérents du R.N.P. pour Saumur et sa banlieue. On remarque
aussi un certain rythme de rotation ; il faut déduire
deux sous-marins introduits par la police et ajouter sans doute
un membre qui veut rester secret, le chef d'escadrons Agnus, qui
n'assiste à aucune réunion.
Sur
la liste de 29 adhérents, que j'ai pu établir, apparaissent
10 femmes et jeunes filles, ce qui constitue un pourcentage élevé,
alors que les femmes, qui n'étaient pas électrices,
étaient très rares dans les partis d'avant-guerre.
Un indice d'émancipation sans doute, à condition
de ne pas oublier aussi que les hommes, surtout les jeunes hommes,
sont rares dans la ville à cette époque. A droite,
voici le mouvement photographié sur les marches du 2 rue
Dupetit-Thouars ; il compte alors 26 membres, dont 9 femmes.
Pélisson, qui porte des lunettes, doit être au troisième
rang vers la gauche. René Marnot sous-titre la photo :
« Une pépinières de traîtres ».
Le 30 avril 1943, le commissaire de police donne 21 noms, qui
ne sont alors pas tous membres actifs du M.S.R.
Certaines personnes, soucieuses de respectabilité,
ne reprennent pas leur carte en raison de la fâcheuse réputation
du parti. Les dirigeants mènent sans se cacher une vie
sexuelle débridée. Le sous-chef est un alcoolique
notoire. Le chef du groupe des jeunes est écroué
pour vol de bicyclette. Un autre membre, le fils de la concierge
de l'hôpital, est chassé du Soldatenheim pour
indélicatesse.
Dès le mois de mai 42, le commissaire note que le
M.S.R. est toujours actif, mais qu'il est déstabilisé
par le retrait d'Eugène Deloncle. Localement aussi, de
vifs conflits opposent les dirigeants, chacun faisant de la surenchère.
Le parti se décompose. A la fin de juin, le Petit Courrier
annonce une importante réunion, qui est finalement repoussée.
Pélisson préfère quitter Saumur. Le 3 juillet,
il annonce au maire qu'il prend la tête de la Ve région
du M.S.R., qu'il entre au comité exécutif à
Paris et qu'il s'installe à Angers pour être près
du siège de la préfecture de région. Il n'en
est rien. En réalité, au mois d'août, il est
arrêté par la Gestapo pour des raisons obscures.
Il quitte le M.S.R. et on va le voir tenter un retour au premier
plan à la tête de la Ligue française.
Son successeur à la tête de la subdivision
du M.S.R. est Eugène Souchet, qui est né en 1900
dans le Cher et qui tient le magasin " Maine-Radio ",
25 rue de la Tonnelle. Son épouse déclare la profession
d'hôtelière. Trois fois condamné pour vol
et recel, Souchet est décrit par le commissaire de police
comme un « ambitieux violent et sans envergure, très
capable de grouper un petit noyau et d'adhérer au P.P.F. ».
Il apparaît avant tout comme un maniaque de la délation.
Dans une lettre anonyme adressée au sous-préfet,
il accuse un boucher de la rue Paul-Bert de s'adonner au marché
noir ; le sous-préfet reconnaît sans peine son français
approximatif et répond par une circulaire, dans laquelle
il porte Souchet dans la liste des destinataires, ce qui est une
façon de le compromettre. Ce dernier récidive en
dénonçant ses deux voisins de la rue de la Tonnelle,
avec lesquels il est en conflit. Surtout, il tient des listes
de suspects, qui ont été retrouvées à
son domicile et qu'il communique à la Gestapo.
[ Après la Libération, il continue à
dénoncer, mais cette fois ses anciens amis, et à
expliquer au juge ce que chacun a fait ; c'est surtout d'après
ses dires qu'ont été établies les incriminations.
Finalement, il est accusé d'avoir fait arrêter 25
personnes et il est le plus lourdement condamné des collabos
de Saumur ( mis à part les contumaces ) : travaux
forcés à perpétuité, indignité
nationale, confiscation des biens. Son épouse , constamment
associée à son action, est jugée avec lui
en novembre 1945 ; sa peine est un peu inférieure :
10 ans de réclusion, 10 ans d'interdiction de séjour,
10 ans d'indignité nationale. ]
Revenons en l'année 1942. Souchet mène le
M.S.R. avec violence et incohérence. Personne ne le prend
au sérieux quand il dénonce le manque de nourriture
et de tabac des pauvres vieux de l'hôpital. A la fin de
l'année, il n'a plus avec lui que 4 à 5 personnes,
qui partagent ses méthodes et suivent son slogan : « Un
M.S.R. doit être toujours au combat ». Ce qui
l'intéresse désormais, c'est de diriger une milice
englobant les membres les plus exaltés de tous les groupuscules
récemment apparus. Il pose des jalons dans ce sens à
partir du 30 avril 1943. Le commissaire affirme alors que « Souchet
est méprisé par la quasi totalité des Saumurois ».
La dernière action locale connue du M.S.R. est la distribution
en janvier-février 1944 de ce tract , qui est une réduction
de l'affiche rouge annonçant l'exécution du groupe
Manouchian.
4) L'implantation temporaire de la Ligue Française
Fondée en 1940,
au lendemain de Mers-el-Kébir, la " Ligue française
d'épuration, d'entraide et de collaboration européenne "
de Pierre Costantini est également un groupe très
violent. Pélisson, transfuge du M.S.R., tente de l'implanter
à partir de septembre 1942 avec le titre d'inspecteur de
la 3ème région. Il débauche une bonne partie
des troupes de Souchet et récupère le siège
de la rue Dupetit-Thouars. Le 21 octobre, il organise au Palace
la projection de deux films, " la Libre Amérique "
et " le Péril juif " ( 40 auditeurs
selon la police ). Il inonde la presse de ses communiqués.
Le 9 décembre, il tient une réunion de propagande,
2 rue Dupetit-Thouars ( 10 présents ). Pour tout
le département, les renseignements généraux
accordent une trentaine d'adhérents à la Ligue française.
Malgré cet insuccès, ce mouvement organise un arbre
de Noël dans son local.
Dans le Petit Courrier du 4 février 1943,
Pélisson annonce que le groupe se transforme en « section
française de l'union européenne des forces nationales
socialistes ». Toujours en février, la Ligue
présente dans son local une exposition sur les francs-maçons
de Saumur ; le commissariat note que la liste est en partie
erronée ( Robert Amy n'y figure pas ) et que
l'affluence est à peu près nulle. Au mois de mars,
la Ligue procède à deux distributions de tracts,
mais son échec se confirme : elle abandonne le n°
2 de la rue Dupetit-Thouars, qui devient la salle des ventes,
et elle se transporte, pour un temps, rue Traversière.
[ A cette époque, Pélisson abandonne l'action
politique à Saumur et se fait oublier. Il se retire dans
la propriété qu'il a acquise près de Tours.
Au cours de l'instruction de son procès, il n'est pas accablé
par le juge d'instruction, qui ne retient contre lui que trois
dénonciations. Il est condamné à 10 ans de
travaux forcés, à 20 ans d'indignité nationale
et d'interdiction de séjour, ainsi qu'à la confiscation
de ses biens. ]
Reconstitué en novembre 1938, le Francisme de Marcel Bucard est un parti ouvertement fasciste et notoirement stipendié par l'Italie ( Pascal Ory, Les collaborateurs, 1940-1945, Editions du Seuil, 1976, p. 26 ). Il opère une première distribution de tracts à Saumur en juin 1941, puis ne se manifeste plus. Une section réapparaît en janvier 1943, alors que le M.S.R. et la Ligue se décomposent. Elle est dirigée par un tout jeune homme, Octave Roux, né en 1925, ouvrier imprimeur chez Roland, habitant chez ses parents, 28 rue Brault, ancien membre du M.S.R., qualifié de « minus habens » par Marnot ( p. 191 ). Les rares jeunes gens qu'il parvient à convaincre partent aussitôt travailler en Allemagne. Il a un peu plus de chance avec sa section féminine, qui compte 5 membres, dont sa soeur et une jeune fille qui travaille à la cantine allemande de Saint-Hilaire-Saint-Florent. Il dirige également les Jeunesses francistes, dont il est l'unique adhérent. Au printemps 1943, il inonde la presse de communiqués sur les camps de vacances organisés par son parti. En avril, il se dit prêt à participer à la constitution d'une milice. Il disparaît ensuite des archives.
6) L'essai d'implantation du Parti Populaire Français
Fondé en juin 1936
par Jacques Doriot, le P.P.F. est un étrange agrégat
regroupant d'anciens communistes, des syndicalistes, d'anciens
cagoulards et camelots du roi, des intellectuels en quête
d'un ordre nouveau, et curieusement financé par l'Italie
fasciste et par trois banques israélites. En même
temps, homme du maréchal et homme des Allemands, Doriot
anime le parti collaborationniste le plus remuant du pays. On
est surpris de voir cette organisation si longtemps absente de
Saumur et dans l'ensemble du Maine-et-Loire, où elle a
compté au maximum une centaine d'adhérents.
Pierre Nidelisse, naguère animateur du parti rival,
le R.N.P., cherche à revenir au premier plan ; en
compagnie de la secrétaire du Bureau d'engagement dans
la L.V.F., il commence petitement en créant en septembre
1942 une section des Jeunesses Populaires Françaises, qui
attire trois jeunes hommes, surpris en novembre après le
couvre-feu à coller des papillons en faveur du P.P.F. Ils
collent aussi des affiches invitant les Français à
déclarer la guerre aux Anglo-Saxons et à reconquérir
l'Afrique du Nord. Nidelisse parvient à recruter un comparse,
un dissident du M.S.R., un ancien garde du corps de Charles Maurras.
Selon les renseignements généraux, en janvier 1943,
le P.P.F. compte à Saumur cinq adhérents en tout
et pour tout. En février, des émissaires du parti
viennent animer une campagne de recrutement ; ils rendent
visite au sénateur Boret, qui s'abstient de toute action
politique, et au commandant Agnus, qui les reçoit longuement.
En septembre, Nidelisse tente une nouvelle relance en organisant
au Palace la projection de deux films sur la collaboration des
patrons et des ouvriers ; les spectateurs, au nombre de 80,
sont accueillis à l'entrée par deux jeunes filles
portant l'uniforme du parti. Mais les adhésions n'affluent
pas. On n'entend plus parler du P.P.F. en qualité de parti,
seulement des méfaits de ses hommes de main.
[ Pierre Nidelisse, en fuite, est condamné en janvier 1947
à la peine de mort par contumace par la cour de justice
d'Orléans. ]
7) Un regroupement, le Front Révolutionnaire National
Ce grouillement anarchique
de partis partageant la même idéologie ( un
vocabulaire s'apparentant à l'extrême gauche pour
une action se situant à l'extrême droite ) amène
une tentative de regroupement lancée par Déat, avec
l'appui de Laval. A partir de septembre 1942, adhèrent
au Front révolutionnaire national le M.S.R., le R.N.P.,
le Front social du Travail, le Groupe Collaboration, le Francisme,
le Cercle paysan et le Comité d'action antibolchévique.
A Saumur, la réunion, pas la fusion, s'opère en
mars 1943, sous la houlette d'Eugène Souchet, qui a supplanté
ses deux principaux rivaux.
Cependant, ce Front n'a plus rien d'un parti, même
non démocratique, occupé avant tout à faire
de la propagande, à coller des affiches, à distribuer
des tracts. Pour Souchet, l'heure est à l'action musclée,
il recrute désormais pour constituer la Milice révolutionnaire
nationale dépendant de Joseph Darnand. Le 22 avril 43,
le sous-préfet écrit au préfet que Souchet
lui a dit avoir recruté une quarantaine de partisans. Mais
c'est un hâbleur ; selon le commissaire de police, il n'en
a que 3 ou 4. En outre, le P.P.F. se tient à l'écart
de l'union. Désormais, il y aura plusieurs groupes d'hommes
de main. Cependant, ceci relève d'un autre dossier.
Les faits étant assez éloquents, tout jugement est inutile. Consacrer autant de lignes à ces partis, c'est déjà leur faire trop d'honneur.