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La libération ne signifie pas la fin de la guerre,
qui se prolonge en Occident pendant huit mois. Notre point terminal
correspond à la capitulation de l'Allemagne nazie et,
au même moment, aux élections municipales.
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1) Un bilan catastrophique
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Déjà citées au cours des chapitres
précédents, les pertes humaines sont récapitulées
dans un dossier de synthèse. Nous aboutissons à
un total de 250 morts, surtout des civils.
Inutile de reprendre ici l'énumération des
pertes matérielles. Les destructions des bombardements
de juin 40 sont décrites dans Saumur
sous les obus ; celles de juin 44 sont étudiées
dans le bilan des deux bombardements.
La partie centrale de l'île d'Offard, les quartiers de
la Gare et de la Croix Verte sont totalement ravagés ;
quelques îlots sont touchés au sud de la Loire.
A la suite des bombardements de juin 44, 799 familles regroupant
2 222 personnes ont été déclarées
sinistrées. Pour l'ensemble de la guerre, le total atteint
3 500 personnes, selon le rapport d'Auguste Courtoison devant
le Conseil municipal du 28 septembre 1944. Les autorités
s'efforcent de les reloger avec beaucoup de peine, car la ville
est à la limite de ses capacités. Les logements
occupés par les Allemands sont libres, mais cinq immeubles
sont réservés pour les Américains, dont
on attend l'arrivée. La ville n'a pu récupérer
les 16 baraquements implantés à Fontevraud. Elle
en construit des neufs dans le quartier de la Gare, tout en constatant
qu'ils ne seront pas achevés pour l'hiver.
Le bilan alimentaire n'est pas plus brillant. Tous les
ponts sont coupés et la ville est isolée. Pendant
quelques jours, la situation est dramatique : les habitants
des quartiers nord reçoivent des vivres de Saint-Lambert-des-Levées ;
le sud dépend des villages de la Cote. Sous le titre " Ville
fermée ", le Courrier de l'Ouest du 7
septembre écrit : « seuls des moyens de
fortune permettent actuellement de ne pas laisser affamée
une cité décidée à vivre et à
rayonner à nouveau.
Les Pouvoirs Publics ont paré sans délai
à la déficience des ponts par des bateaux transbordeurs
ou des bacs, et déjà sont en préparation
des passerelles de franchissement, soit en Loire, soit sur le
Thouet ». Malgré ces affirmations optimistes,
les services publics se remettent en place assez lentement. Les
habitants de la Croix Verte et de Bagneux sont longtemps privés
de service d'eau ; ils tirent leur boisson de puits qui
sont pollués. Le 5 avril 1945 seulement, le gaz est rétabli
dans le centre-ville à l'heure des trois repas.
Les autorités doivent faire face à une autre
urgence : à leur départ, les Allemands ont
posé des mines, qui sont nombreuses autour des ponts ou
dans les carrefours et qui font de nombreuses victimes. Des artificiers
volontaires venus de La Flèche procèdent à
l'enlèvement de 536 engins explosifs dans la région
de Saumur, dont 210 à la Croix Verte ( rapport du
sous-préfet du 24 octobre 1944, A.D.M.L., 97 W 44 ).
Encore en janvier suivant, trois démineurs sont tués
sur le coup à Méron et plusieurs autres blessés.
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2) Des privations renforcées
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Comme aux heures les plus noires de l'Occupation,
les colonnes des journaux sont remplis d'annonces officielles
sur les tickets de rationnement, sur les denrées en cours
de distribution, sur les réquisitions. En raison de la
coupure de la ville, un bureau annexe du ravitaillement est ouvert
à la Croix Verte. Pas de charbon ; du bois a été
coupé dans les communes voisines ; la Mairie demande
des chauffeurs volontaires pour aller le chercher. Le chauffage
fait gravement défaut pendant le rude hiver 44-45. Les
prélèvements allemands sont finis, mais les récoltes
de 1944 ont été médiocres, si bien que les
denrées restent rares. Le Secours national, devenu le
Secours social, a beaucoup de misères à assister.
Le marché noir reprend de plus belle : en mai
1945, un notable de la ville est condamné à une
amende pour recel d'essence volée aux Américains.
L'été 1947 sera particulièrement difficile,
avec des rations au plus bas. Les tickets vont rester en vigueur
jusqu'en 1949.
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3) Les bases politiques : continuité et
ruptures
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La guerre n'est pas finie. Le couvre-feu n'est
levé que le 14 décembre et les bals restent interdits
( contrairement aux allégations de nombreux films,
il n'y a pas de bal de la Libération ). Les structures
étatiques reprennent vite leur cours normal, les maquis
trop turbulents sont rappelés à l'ordre. Les administrateurs
restent à peu près tous en place.
Deux nouveautés sont surtout à signaler :
le Comité de Libération de l'arrondissement de
Saumur joue un rôle d'assemblée consultative et
de moteur de l'épuration ; il compte dans le paysage
politique pendant quatre mois ; l'ancien conseil municipal mis
en place par Vichy est déchu et remplacé par la
municipalité de Robert Amy et par le conseil élu
en 1935, renforcé par six nouveaux membres.
La presse locale change en apparence. Le Petit Courrier
cesse de paraître avec le numéro du samedi 5 août
1944 ; le Courrier de l'Ouest publie sa première
édition locale le lundi 4 septembre. La Nouvelle République
du Centre-Ouest succède à la Dépêche
du Centre à partir du 2 septembre. Les titres se renouvellent,
le ton devient résistancialiste ; cependant, les
rédactions locales sont inchangées. Paraissant
d'abord sur deux pages de petit format, cette presse manque de
place et est entravée par la pénurie du papier ;
elle apporte d'utiles informations locales, quoique assez rares
et peu fouillées.
La presse et l'opinion publique exprimée réclament
une vigoureuse chasse aux collabos. Pour les satisfaire, le comité
de Libération et le sous-préfet ordonnent beaucoup
de poursuites, ils placent un bon nombre de Saumurois dans des
centres de détention administrative ou en assignation
à résidence à leur domicile. Ainsi, 117
personnes au moins, de l'agglomération ont été
l'objet de poursuites. Les tribunaux se montrent nettement plus
circonspects. La cour de justice du département condamne
les six principaux collaborationnistes à de lourdes peines
; la chambre civique inflige des années d'indignité
nationale et d'interdiction de séjour à huit autres
au moins. Quelques autres jugements, prononcés ailleurs
ou plus tard, nous sont inconnus. Au final, j'aboutis à
un total probable de 18 condamnations, ce qui justifie mon qualificatif
" d'épuration mesurée ", d'autant
plus que l'administration n'est guère purgée et
que l'épuration économique est minimale ( dossier
3 ).
A partir de mars 1945, la découverte
du charnier du Breil, le retour discret des prisonniers et
des travailleurs forcés, le retour poignant des déportés
survivants relancent l'exaltation patriotique et la dénonciation
des crimes nazis. L'hostilité envers les collabos ne retombe
pas ; les Saumurois, qui se proclament à peu près
tous anciens résistants, et surtout les associations locales,
trouvent les tribunaux bien indulgents et restent très
exaltés.
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4) Les essais de relance économique
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Parler de reprise économique serait trop
optimiste, car les années 1945-1947 sont marquées
par une terrible pénurie. Cependant, les Saumurois se
mettent au travail avec enthousiasme dans le cadre nouveau d'une
économie dirigée et planifiée ; ils
parviennent à aménager des transports provisoires,
tous en place en avril 1945. En même temps, ils définissent
les principes de la reconstruction à partir du plan d'André
Leconte.
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5) Vers la reprise de la fonction militaire
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Dans les années 1930, l'Ecole de cavalerie
atteint l'apogée de
ses effectifs et environ 23 % de la population de la ville,
dont elle constitue la principale ressource à cette époque.
Cette population militaire reste voyante avec les troupes allemandes,
particulièrement oppressantes à partir de l'hiver
43-44. Brusquement, au lendemain de la Libération, la
présence de l'armée s'effondre, réduite
à une garnison peu fournie, commandée par le colonel
François Guibourd de Luzinais, auquel succède le
colonel René Préclaire. A ces soldats français,
il convient d'ajouter des prisonniers allemands.
Les Saumurois se préoccupent du retour d'une
véritable école de cavalerie et du Cadre noir,
pour l'instant installé dans la ville de Fontainebleau
sous le titre d'Ecole nationale d'Equitation ( déjà ! ).
En septembre 1941, le maréchal Pétain avait promis
que l'Ecole reviendrait à Saumur, dès que les circonstances
le permettraient. Le Gouvernement provisoire n'est pas engagé
par les promesses du précédent régime. Robert
Amy harcèle le ministre de la Guerre, qui le reçoit
le 10 novembre 1944 et lui confirme le retour de l'Ecole, tout
en précisant que ce retour commencerait par des chevaux
mécaniques ( A.M.S., 2 H 21 ). S'adressant
au Conseil municipal, le maire ne peut avancer de date précise.
A partir de janvier suivant, le Centre d'Instruction de l'Arme
Blindée s'installe dans les bâtiments ; il est en
mesure de présenter un puissant défilé pour
les fêtes de la victoire. Finalement, des éléments
dispersés du 4 ème Hussards sont regroupés
à Saumur le 1 er octobre 1945, comme précurseurs
de l'Ecole.
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6) Le réveil de la vie politique
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L'enthousiasme de la Libération et l'espoir
de faire naître une société nouvelle donent
une impulsion nouvelle à la politique, d'abord sous une
forme peu conflictuelle. Les anciens partis reprennent leurs
activités, d'abord le PCF, qui organise une réunion
publique le 1 er décembre 1944, puis le Parti radical
et radical-socialiste, ensuite le Parti socialiste SFIO. Très
actif à partir de décembre, le MRP apparaît
dans le paysage politique, succédant au petit Parti Démocrate
Populaire.
La vie associative repart avec ardeur ; parmi les
créations, l'Union des Femmes Françaises, peu politisée
à Saumur, se soucie avant tout des problèmes du
ravitaillement. Sitôt rentrés, les déportés,
les prisonniers, les travailleurs forcés se constituent
en associations, qui très vite s'avèrent conflictuelles.
Nous ne reprenons pas ici la
présentation de ces querelles.
Les élections municipales, organisées très
tôt, relancent les frictions entre les tendances politiques,
en dépit des appels à l'union de Robert Amy. L'entente
patriotique n'a pas tenu jusqu'à la fin de la guerre.
Nous racontons en détail cette campagne caractéristique
qui installe durablement la droite au pouvoir local ( dossier 5 ).
Nettement battu, Robert Amy quitte la mairie. L'un
de ses derniers actes est cette proclamation qui annonce la capitulation
allemande ( A.M.S., 5 H 12 ) :
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