Les graphiques suivants
font apparaître deux types d'évolution. D'un côté,
les partis fortement structurés, présents à
la plupart des élections, appuyés sur un électorat
fidèle et présentant une courbe relativement continue ;
le parti communiste en fournit un exemple ; on le retrouve à
chaque scrutin ( à l'exception de deux Présidentielles ).
A l'opposé, des courants font des apparitions fulgurantes,
mobilisent soudain les foules et dessinent des clochers exceptionnels,
souvent sans lendemain ; les gaullistes en sont le prototype.
Les électeurs du Maine-et-Loire apparaissent désorientés
au sortir de la guerre : « A partir de la libération,
en effet, toute une catégorie d'électeurs apparemment
déracinés s'est spontanément orientée,
lors de chaque consultation, vers des formations nouvelles :
M.R.P. tout d'abord, R.P.F. et poujadisme ensuite. Les habitants
du Maine-et-Loire ont ainsi perdu, à la faveur de la seconde
guerre mondiale, la constance qui les caractérisait jusque
là en matière politique » Benoît
Jeanneau, « Les Elections Législatives de Novembre
1958 en Maine-et-Loire », Revue française
de Science politique, n° 3, sept. 1960, p. 562-607.
[ Nous n'avons pas pu présenter les radicaux ou les républicains indépendants, en raison de leurs apparitions trop intermittentes. ]
Commune de Saumur, pourcentage des voix des grands partis de 1945 à 1969, puis de 1974 à 2012 pour l'agglomération
1) Le parti communiste français, les étapes d'un déclin
De
1920 à 1939, le parti communiste a connu à Saumur
une alternance de périodes fastes et de périodes
de décadence. Au sortir de la guerre, il est ressuscité,
fort de ses lourds sacrifices dans la résistance, de sa
participation aux gouvernements du Tripartisme et de la bonne
image de l'URSS jusqu'à la Guerre froide.
En mai 1946, sa section de Saumur est dirigée par
deux responsables, Plazols, professeur au collège de Garçons,
secrétaire politique, et Georget, secrétaire administratif.
D'après l'inspecteur des Renseignements généraux,
il compte 250 militants, parmi lesquels on remarque une cohorte
d'institutrices habilement endoctrinées à l'Ecole
normale. Il est certainement le parti le plus nombreux et le plus
dynamique de la ville. Il dispose d'un siège, d'abord 8
rue Saint-Nicolas, puis 56 rue du Portail-Louis.
Aux élections à la première Constituante
le 21 octobre 1945, la liste communiste obtient 15 % des
suffrages saumurois. Ce score apparemment élevé
doit être relativisé, car le PC est alors au-dessous
de la SFIO à Saumur et qu'à l'échelle nationale,
il est le premier parti de France avec 28,35 % des suffrages.
Dans la ville, il pousse une pointe à 19 % aux Législatives
de novembre 1946, mais c'est-là son record ; il se situe
habituellement vers 14-15 % des suffrages jusqu'en 1956.
Il ne parvient donc jamais à s'implanter en force à
Saumur, faute de courroies de transmission.
Il domine les syndicats d'enseignants. Il contrôle
le Conseil Communal des Combattants de la Paix et de la Liberté,
mis en place le 19 mai 1949, afin de combattre le plan Marshall
( A.D.M.L., 97 W 27 ). Il anime la lutte contre
la guerre du Vietnam par des réunions et des distributions
de tracts. En 1952, pour protester contre la guerre bactériologique,
il colle à Saumur l'affichette ci-contre, digne d'un film
d'horreur.
Cependant, il ne parvient
pas à s'assujettir complètement l'Union des Femmes
Françaises, dans laquelle des socialistes conservent des
postes dirigeants. Son principal échec est dans l'action
syndicale, sur laquelle nous ne reviendrons pas ailleurs, tant
elle est peu active à Saumur ( où les grèves
ne sont suivies jusqu'à 1968 que dans l'enseignement et
dans la SNCF ). Schématiquement, le monde de
la fonction publique relève de la CGT-FO, le monde des
vins mousseux de la CFTC, le monde des métaux ( chapelets
et médailles ) de la CGT avec 450 syndiqués.
Cette dernière a le monopole des locaux de la Bourse du
Travail, installée 15 Grande-Rue. Au début
de 1951, Clémot, secrétaire du syndicat CGT des
Métaux, excédé par les interférences
du PC, passe chez les autonomes suivi par toutes ses troupes.
Il est imité par le syndicat des ouvriers agricoles ( les
champignonnistes ). Réduite à un faible nombre
d'adhérents, la CGT déploie une faible activité.
Le nouveau syndicat autonome ne se porte guère mieux et
tombe à 250 adhérents ( dans la métallurgie
en 1953 ).
D'après les notes d'information des Renseignements
généraux ( A.D.M.L., 136 W 30 et
32 ), la section locale du parti, dirigée un temps par
Jack Blain ( qui réapparaîtra dans d'autres
formations ), n'est guère active dans les années
1952-1954. Elle ne parvient pas à relancer l'Union des
Femmes Françaises. Elle est plus heureuse avec le Mouvement
de la Paix ; le Conseil Communal de la Paix, animé
par la directrice de l'école maternelle de la rue Chanzy,
lutte contre la guerre d'Indochine et contre le réarmement
allemand ; ses pétitions rencontrent un bon écho
et sont signées par d'anciens déportés et
par d'autres personnalités de la ville. Cependant, ce conseil
local ne fonctionne plus en avril 1954. Le PCF local est mal armé
pour affronter les crises de 1956-1958. Il comprend deux cellules,
celle des cheminots, fortement encadrée, et la cellule
Maurice-Thorez assez diversifiée et peu dynamique ; sa
réunion mensuelle de décembre 1952 rassemble 10
militants ; le 28 janvier 1954, une réunion spéciale
pour les enseignants n'en regroupe que quatre. Les instances fédérales
blâment les dirigeants de Saumur et les pressent de faire
leur autocritique. Marcel Hamon, ancien professeur du collège,
ancien député redevenu enseignant, vient animer
le 21 mars 1953 une réunion des Anciens Combattants de
la Résistance française ; il attire 35 auditeurs,
mais la création d'une section locale s'avère impossible.
Un autre écho sur l'ambiance du temps est donné
par un ancien professeur d'allemand au collège, Jean-Pierre
Hammer, Destination Madagascar, Saumur, Paris, Tananarive.
Des coulisses du PC au grand soleil de l'Ile rouge, Karthala,
2005, p. 12-41, un livre de souvenirs assez caustique sur la ville,
le collège et le PCF. Selon lui, René Mahias, chef
de bureau à la SNCF, a caporalisé la section locale ;
il lui explique : « Non, ici le Parti n'existe pratiquement
plus. C'est moi le secrétaire de la section. Les cellules,
toutes des locales, ne marchent plus. Une fois par an, je place
des cartes d'adhérent avec deux ou trois timbres de cotisation
chez des communistes âgés et de plus en plus vétérans.
Quant aux jeunes, ça ne les intéresse pas... »
En 1956, le jeune professeur convainc la cellule Maurice-Thorez
de se prononcer contre la guerre d'Algérie, à une
époque où le parti ménage le gouvernement
de Guy Mollet. Taxé de déviationnisme, il prend
ses distances et se défoule plus tard dans ses mémoires...
Présent à la plupart des élections
grâce à des candidats dévoués, bénéficiant
de la fidélité d'électeurs inconditionnels,
le PC local ne subit pas d'effondrement soudain et survit à
plusieurs crises internes et à de nombreux cataclysmes
nationaux et mondiaux, grâce à la puissance de l'appareil
et à d'anciennes solidarités. L'union de la gauche
lui fait perdre des suffrages, mais lui rapporte un siège
de conseiller municipal. Le zèle de Roger Tarjon n'y change
rien. Les élections présidentielles sont catastrophiques
pour le PC ; il tombe au-dessous des trotskystes en 2002
et en 2007. Le Parti de Gauche lui apporte un sang neuf et Jean-Luc
Mélenchon remonte à 8,10 % en 2012. Mais aux
Législatives suivantes, il chute à 2,19 %.
2) Les mutations du parti socialiste
Le parti socialiste SFIO
est puissant au sortir de la guerre. Il domine le Comité
de Libération de l'arrondissement. Sa section locale, animée
par Marie-Ange Réhel, professeur au collège de Garçons,
est assez active et dispose d'une permanence, 27 Grande-Rue. Elle
compte en théorie un effectif de 139 adhérents ( Isabelle
Couturier, La S.F.I.O. dans le Maine-et-Loire, 1945-1969,
mémoire de maîtrise, Angers, 1998-1999 ). Aux
élections à la première et à la deuxième
Constituante, la S.F.I.O. obtient 19 et 18 % des suffrages
exprimés ( son meilleur résultat s'élevait
à 6,82 % avant la guerre ). A l'évidence,
elle récupère un bon nombre de suffrages radicaux.
Jean Marboutin est constamment réélu au Conseil
municipal, où il est écouté ; il anime une
association de sinistrés et préside à la
renaissance de la loge maçonnique. Cependant, la SFIO manque
de relais sociaux et syndicaux. Son véritable leader régional
est le docteur Lucien Boissin, solidement implanté à
Longué.
Pilier du Tripartisme, puis de la Troisième Force,
la SFIO est entraînée dans le déclin de la
IVe République et n'a plus guère d'activité
locale dans les années 1953-1954, où elle ne compte
plus que trois ou quatre adhérents. Elle tombe à
11 % des suffrages aux Législatives du 2 janvier 1956.
Elle n'a même pas de candidat sur Saumur-Sud aux élections
des députés en mars 1967. Aux Présidentielles
de juin 1969, les 5 % de Gaston Defferre sonnent le glas
de la vieille SFIO.
Cette déconfiture laisse le champ libre aux forces
qui travaillent à la construction d'un nouveau parti. La
Convention des Institutions Républicaines, mouvement né
dans le sillage de la candidature de François Mitterrand
en 1965, se structure lentement dans les années 1966-1968
; à Saumur, elle démarre avec quatre membres au
cours d'une réunion constitutive tenue le 19 décembre
1968. Après d'âpres discussions, le " Nouveau
Parti socialiste " se constitue à Angers le 4
mai 1969.
La section socialiste du Saumurois réunit 46 adhérents
en mars 1975, 88 en décembre 1976 ( 27 ouvriers, 56
employés et fonctionnaires, 5 indépendants ). Les
effectifs varient en raison d'un taux de renouvellement assez
rapide et de la constitution temporaire de sections à Montreuil
et à Doué ; les nombres réels sont de 66
cartes en juin 1977, 26 en juillet 1980, 57 en mars 1982.
La section se prononce constamment en faveur de l'Union
de la Gauche, donc pour une alliance avec le PCF. Mais de part
et d'autre, le coeur n'y est pas et les relations sont constamment
difficiles. En permanence, deux militants assez isolés
se prononcent contre cette orientation. Participant à tous
les grands mouvements de l'époque, les socialistes saumurois
adhèrent au Comité contre la guerre du Vietnam,
ils participent au Comité de soutien Fontevraud-Larzac
et se font matraquer par les CRS sur le square Verdun le 23 juin
1973. A dominante rocardienne, la section est réservée
devant les manoeuvres d'appareil de François Mitterrand :
le 12 janvier 1981, elle lui accorde 4 suffrages en faveur de
sa candidature aux Présidentielles, mais 8 votes blancs
et nuls manifestent de la réserve.
Le schéma ci-dessus
témoigne de la remontée électorale des socialistes.
Au premier tour des Législatives de mars 1973, ses candidats
remontent à 18 % dans l'agglomération. Avec
les 34 % de François Mitterrand au premier tour des
Présidentielles de 1988, le PS devient le premier parti
de la ville. Ses dirigeants locaux estiment que le renfort d'un
ténor national leur permettrait un succès qui semble
possible ; en 1994, ils contactent Martine Aubry, qu'on dit
en quête d'un parachutage ; cette dernière ne
répond pas, mais elle s'implante alors à la Mairie
de Lille.
Couvrant un éventail étendu, le PS saumurois
rassemble des suffrages d'anciens électeurs communistes
et centristes, il a de bonnes relations avec les radicaux de gauche,
auxquels il abandonne parfois le leadership. Cependant, il ne
remporte longtemps que des succès mineurs, car il est en
permanence rongé de l'intérieur par de désolantes
guerres de courants, qui camouflent souvent des ambitions individuelles.
Coups bas, manoeuvres d'appareil usent vite les nerfs des responsables.
Ces conflits deviennent particulièrement vifs à
l'occasion des Municipales de 1989, de 1995 et de 2014 ( voir
le dossier municipal ).
Malgré tout, cette diversité conflictuelle n'empêche
pas les succès.
3) Les radicaux, un parti éclaté
Les classements
officiels du ministère de l'Intérieur ne croient
pas à l'existence d'un centrisme ; ils placent toujours
les élus au centre gauche ou au centre droit. Ces deux
tendances représentent sans doute le véritable tempérament
politique des Saumurois, qui y reviennent toujours après
de rares périodes d'exaltation.
L'influent parti radical et radical socialiste de l'avant
guerre, bien prononcé à gauche au temps de Robert
Amy, s'écroule aux élections municipales d'avril-mai
1945 et ne s'en remet pas. Ses adhérents se dispersent ;
certains rejoignent les rangs du RPF et le parti disparaît
momentanément. Selon un rapport du sous-préfet ( A.D.M.L.,
97 W 27 ), une dizaine d'anciens adhérents
se réunissent au cours d'un déjeuner le 16 mars
1952, dans le but de reconstituer le comité radical. La
présidence d'honneur est attribuée à Théophile
Pelon, conseiller général, qui avait appartenu à
la fois au parti radical et au RPF. Le présidence effective
passe à Maître William Bertrand, ancien ministre
et bâtonnier de l'ordre des avocats de Saumur. Cependant,
les radicaux présentent rarement des candidats et n'appellent
pas leurs électeurs à voter pour la gauche, leur
laissant le libre choix.
Grâce au prestige de Pierre Mendès-France,
le parti radical obtient même 9 % des suffrages aux
Législatives du 2 janvier 1956. Puis il se disperse dans
des organisations diverses, difficiles à suivre et impossibles
à figurer sur les graphiques, le RGR ( Rassemblement
des Gauches Républicaines ), les Radicaux de Gauche,
le parti radical valoisien, membre de l'UDI ; le Mouvement
des Radicaux de Gauche, peu structuré, obtient des succès
locaux grâce à l'appui des socialistes.
4) Les modérés, le choix habituel des Saumurois
La tendance modérée,
se plaçant au centre droit, a connu son heure de gloire
à Saumur avec le MRP ( le Mouvement Républicain
Populaire ). Ce parti tout jeune, créé en novembre
1944, essaime rapidement, en particulier à Saumur, sous
la présidence d'Emmanuel Clairefond ; disposant d'une
permanence, sa section tient des réunions mensuelles annoncées
dans la presse et de fréquentes conférences publiques
animées par des ténors angevins. Son programme social
soutenant toutes les réformes structurelles de la Libération
lui vaut l'appui de la CFTC, le plus puissant syndicat de la ville.
Sans être un parti confessionnel, ses racines démocrates-chrétiennes
lui procurent le soutien ouvert du clergé, d'autant plus
que le MRP est favorable aux subventions pour les écoles
privées, le grand débat du temps. Ce parti manifeste
une conception fort élastique de la laïcité ;
ainsi, le Conseil municipal de Saumur accorde un secours d'études
de 15 000 F à un étudiant du Grand Séminaire
d'Angers ; attaquée par le préfet, cette délibération
est cassée par l'assemblée plénière
du Conseil d'Etat du 13 mars 1953, en tant que subvention indirecte
à un culte... Le MRP a l'avantage d'être un mouvement
neuf qui rajeunit l'image de la vie politique, alors que les partis
d'avant guerre ont pris un coup de vieux. Son programme pourrait
le situer au centre gauche, mais les pesanteurs de son électorat
et ses alliances le ramènent au centre droit dès
1945, du moins à Saumur. La ville devient l'un de ses fiefs
et il y dépasse constamment ses résultats nationaux.
Il se situe à 37 % des suffrages aux Législatives
d'octobre 45, à 36 % aux Législatives suivantes
( mais son électorat peut lui être infidèle :
au référendum de mai 46, il répond NON, alors
que le MRP recommandait le OUI ). Ce parti culmine à
45 % aux Législatives de novembre 46. Il tient la
mairie jusqu'en 1959 - avec un bref entracte. Deux de ses
membres exercent des mandats nationaux ( Emmanuel Clairefond
et Fernand Angibault ). Il entretient de bonnes relations
avec la gauche classique, qu'il côtoie au gouvernement.
Son principal rival local est le RPF, qui lui enlève des
adhérents et qui lui dispute la primauté. Sur le
général de Gaulle, le MRP a des positions nuancées
; sous son impulsion, le Conseil municipal lui dédie la
rue Nationale le 17 octobre 1946, mais il est aussi l'un des artisans
du départ du général en janvier 1946. Sur
son tract électoral d'octobre 47, il précise :
« Nous voulons de Gaulle en dehors et au-dessus des
partis » ( A.D.M.L., 97 W 118 ),
pensant manifestement que le général est définitivement
à la retraite.
En décembre 1953, André Carré, chef
de cave à Saint-Hilaire-Saint-Florent, prend la présidence
du groupe local, qui perd de son dynamisme, mais qui demeure le
premier parti de la ville avec 23 % aux Législatives
de janvier 1956.
Avec le retour du général de Gaulle, le MRP
s'effrite ; ses électeurs se déplacent en nombre
vers des candidats gaullistes, alors que ses dirigeants prennent
leurs distances avec le général. Au référendum
d'octobre 1962 sur l'élection du président de la
République au suffrage universel, l'ancien député
Charles Barangé se prononce pour le NON : « je
ne me résignerai jamais à admettre que la France
est composée d'un seul homme, intelligent, capable, voire
prestigieux, de quelques courtisans [...] et de quarante millions
de sujets, de l'opinion desquels on se passera royalement lorsqu'ils
auront élu un Président, guide et souverain. »
( Courrier de l'Ouest, 27 octobre 1962 ). Jean
Lecanuet se porte candidat contre de Gaulle aux Présidentielles
de décembre 1965 et il obtient 20 % des suffrages
à Saumur ; au duel du second tour, ses électeurs
se reportent autant sur Mitterrand que sur le général.
Les militants du MRP se fondent ensuite dans le Centre démocrate
en 1966, puis dans Progrès et Démocratie moderne.
Un courant modéré et allergique au gaullisme se
dessine fort bien ; il apparaît dans les 27 %
de suffrages qui se portent sur Alain Poher au premier tour des
Présidentielles de juin 1969. Il se retrouve sur Jean Bégault,
maire de Doué, qui était le suppléant d'Edgard
Pisani aux Législatives de 1968 et qui l'emporte sur le
gaulliste Robert Hauret en 1973, avec le renfort d'électeurs
de gauche. Par la suite, le courant se brouille quelque peu. On
le retrouve affaibli et peu structuré dans les suffrages
qui se portent sur le MODEM, sur François Bayrou ou sur
l'UDI, et qui souvent ferraille avec les gaullistes, ainsi qu'on
le verra plus bas.
5) Triomphes et effondrements des courants gaullistes
Les partisans inconditionnels
du général de Gaulle ou ceux qui se déclarent
ses héritiers connaissent des périodes de forte
influence et aussi des traversées du désert. Ils
sont nettement marqués à droite et leur croyance
en l'homme providentiel témoigne de la survie des vieilles
traditions bonapartistes locales ( il n'existe pas d'organisation
gaulliste de gauche à Saumur ).
Ils apparaissent dès que le général
a ses premiers heurts avec le tripartisme. Un rapport des Renseignements
généraux du 11 décembre 1945 signale l'existence
d'un groupement de corps francs gaullistes à Saumur, fort
de 15 membres. L'organisation est dirigée par Edouard Prudhommeau,
le capitaine des pompiers, et a l'appui d'un groupe d'anciens
déportés emmené par Alexandre Bourge. Le
corps franc dispose d'armes héritées de la Résistance,
mais pour l'heure, il se contente de couvrir la ville de grosses
inscriptions : « de Gaulle au pouvoir »
( A.D.M.L., 30 W 37 ). Le commissaire de police
suit de près ses activités et, le 26 janvier 1946,
il confirme que le groupe dispose d'armes individuelles et ajoute
que ses membres ne se sont pas fait remarquer par une résistance
active, mais qu'ils se sont surtout manifestés depuis la
Libération ( A.D.M.L., 97 W 27 ).
Les inconditionnels du général se lancent
aussi dans le champ politique. L'Union gaulliste, lancée
par René Capitant, reçoit 10 % des suffrages
saumurois aux Législatives d'octobre 1945 et le " Rassemblement
républicain gaulliste " 9 % aux élections
de la seconde Constituante en juin 1946. Cependant, l'hostilité
vigoureuse du général à l'égard de
la Constitution de la IVe République a sûrement pesé
sur les rares participants au référendum du 13 octobre
46 ; les Saumurois y répondent NON à 55 %,
allant ainsi contre le courant national qui répond OUI
à 53 % ; c'est la première divergence
de Saumur avec les décisions du pays. D'après les
Renseignements généraux, qui surveillent les gaullistes
autant que les communistes, ce premier parti s'effondre rapidement,
car le général ne le soutient pas.
Depuis l'appel de Bayeux et la fondation du RPF le 14 avril
1947, les gaullistes se mobilisent à nouveau et tiennent
de nombreuses réunions publiques, au cours desquelles ils
fustigent le régime des partis. Le groupe de Saumur du
RPF est déclaré le 18 août 1947 ( A.D.M.L.,
97 W 27 ) ; il s'installe 89 rue d'Orléans
et est animé par André Moreau, ancien résistant
et ancien directeur du camp de Montreuil. Il se donne pour chef
de file le contre-amiral André Commentry, qui s'est retiré
dans sa ville natale l'année précédente.
Il tient à l'écart Alexandre Bourge et les membres
de l'Union gaulliste. Cependant, il s'accroît très
vite, d'autant plus qu'aucune cotisation n'est exigée.
Pierre Raimbault, conseiller municipal, adhère à
titre personnel, mais ne parvient pas à entraîner
tout le groupe des " Résistants du Saumurois ".
Un autre renfort de poids est signalé : selon un rapport
confidentiel du commissaire de police ( A.D.M.L., 303 W
274 ), le général Durosoy, commandant l'EAABC,
a réuni le 8 avril ses officiers et sous-officiers ;
au cours d'une conférence qui a duré une heure environ,
il « a invité ses auditeurs à suivre
les directives du général de Gaulle, dont il a commenté
les récents discours et à se tenir à sa disposition
si besoin était ». Egalement, un ancien adjudant
recrute avec succès dans les milieux militaires.
De nombreux radicaux rejoignent les rangs gaullistes, d'autant
plus facilement que la double appartenance est admise. Aux élections
municipales d'octobre 1947, la curieuse liste de Commentry présente
en alternance un gaulliste et un radical ( voir
ces élections ).
Le RPF affirme sa prédominance aux Législatives
du 17 juin 1951, une élection aux modalités particulièrement
sophistiquées : un système d'apparentements au niveau
départemental favorise la Troisième Force ;
les électeurs peuvent ajouter des signes préférentiels
sur les listes de candidats. Emmanuel Clairefond confirme ainsi
sa popularité à Saumur en obtenant 159 signes préférentiels,
alors que l'amiral Commentry n'en reçoit que 41. Mais au
final, avec 31 % des suffrages, le RPF arrive au-dessus du
MRP ( 29 % ) et à l'échelle départementale,
l'amiral Commentry est élu député ( pas
Clairefond, qui deviendra conseiller de la République ).
Grandeur et décadence : le RPF se divise assez vite
et perd ses militants ; son congrès départemental
de mars 1953 ne réunit qu'une soixantaine de présents
( A.D.M.L., 136 W 31 ). De Gaulle le dissout en 1955.
Les rescapés, devenus les Républicains sociaux ( ARAS ),
font un tout petit score à Saumur aux Législatives
du 2 janvier 1956 ( 7 % ). Nul n'imagine alors que le
général va revenir au pouvoir à la faveur
des événements d'Algérie ( voir crise de 1958 ).
Dans le sillage du général, les gaullistes
renaissent aux Législatives de novembre 1958. Lucien Gautier
s'installe à la mairie en mars 1959 ( sans être
un homme d'appareil ).
Les Législatives de novembre 1962 amplifient ce succès.
Saumur accepte l'évolution semi-présidentielle de
la Ve République avec 68 % de OUI au référendum
du 28 octobre 1962 ( la moyenne nationale est de 62 %
). Au cours d'un long périple dans le Maine-et-Loire et
en Mayenne, le général passe par Saumur le 21 mai
1965 ; il y prononce quelques phrases banales ; à
droite, on le voit entrer dans l'Hôtel de Ville, en compagnie
de Lucien Gautier.
La ville reste un fief gaulliste, alors que l'autorité
du général s'effrite. Aux Présidentielles
de décembre 1965, de Gaulle obtient 49,57 % des suffrages
au premier tour et 64 % au second ( à l'échelle
nationale 44 % et 55 % ). Les élections législatives
de mars 67 et de juin 68 confirment ces résultats. Au référendum
du 27 avril 1969, quand la France répond NON à de
Gaulle à 53 %, Saumur reste dans le camp des OUI à
52 %. Elle confirme ce choix en choisissant Pompidou à
51 %, puis à 60 %, à l'élection
présidentielle suivante.
Le courant gaulliste subit ensuite un déclin. Il perd la mairie en 1971. Aux Législatives assez confuses de mars 1973, à Saumur-Sud, le député sortant Robert Hauret arrive en tête au premier tour, mais est battu au second par le réformateur Jean Bégault, qui se déclare alors opposant. Aux Présidentielles de mai 1974, Jacques Chaban-Delmas, héritier du général, obtient au premier tour le faible résultat de 13 %.
Après ce sérieux fléchissement, le gaullisme revient en force à Saumur avec Jacques Chirac et son lieutenant saumurois Jean-Paul Hugot ( voir développements dans le dossier municipal ). Désormais, la section locale du RPR est restructurée, elle annonce 250 adhérents sur Saumur et un budget annuel de 55 000 F ( Nouvelle République du 26 décembre 1984 ). Sa permanence passe de la rue des Payens à la Maison des Anges de la rue Fourier. Forte de militants dévoués et de colleurs d'affiches musclés, elle remporte des succès électoraux. Mais ses frictions avec les modérés méritent quelques développements.
6) Rivalités entre chiraquiens et modérés
Les membres des diverses
structures de l'UDF se plaignent d'être marginalisés.
« Malheureusement à Saumur, le RPR n'est pas
un parti, mais une tribu. Et quand on n'appartient pas à
la tribu, on est exclu » ( Christian Brûlard,
La Nouvelle République, 30 mai 1995 ).
Chaque scrutin est l'occasion de heurts et parfois de surprises.
Au premier tour des Législatives de mars 1993, au nord
et au sud, deux candidats RPR ( sans étiquette )
sont lancés contre les députés sortants,
membres de l'UDF. Aux Présidentielles d'avril-mai 1995,
les modérés de Saumur votent pour Edouard Balladur,
qui précède Jacques Chirac de plus d'un point dans
la ville ; à l'évidence, quelques uns d'entre
eux préfèrent Jospin au second tour.
Aux Législatives de mai-juin 1997, déclenchées
par la dissolution prononcée par Jacques Chirac, à
Saumur-Sud, Louis Robineau, UDF et démocrate-chrétien
soutenu par François Bayrou, se déclare l'héritier
de Jean Bégault ( dont il a été le suppléant
et dont la fille devient sa suppléante ) ; il
mène une campagne active sous l'inusable slogan :
« Parler vrai, agir juste ! » Le RPR présente
Jean-Pierre Pohu, maire de Doué, officiellement soutenu
par Jean-Paul Hugot. Au soir du premier tour, la préfecture
annonce que Louis Robineau vient en tête de la droite avec
63 voix d'avance. Il est vrai qu'à Saumur, le candidat
centriste a obtenu 207 voix de plus que celui du RPR. Mais peu
après, la préfecture corrige ses calculs en accordant
12 voix de plus à J.-P. Pohu. Néanmoins, Louis Robineau
maintient sa candidature, en expliquant qu'il ne voit aucun danger
du côté de la gauche. Celle-ci est représentée
par Jean-Michel Marchand,
investi par Anjou-Ecologie-Autogestion et par le parti socialiste.
Si son résultat dans la ville de Saumur est élevé
( 27,9 % des suffrages exprimés ; il arrive
en tête ), il n'est qu'à 20,35 % dans l'ensemble
de la circonscription. Louis Robineau espère probablement
recevoir des suffrages d'une gauche qui n'a plus de chances apparentes.
C'est le contraire qui se produit : le 1er juin, Jean-Michel Marchand
l'emporte avec 36,57 % des voix ( Pohu, 34,32 %, et
Louis Robineau, 29,11 % ). Pour la ville de Saumur,
les résultats sont plus spectaculaires : Marchand
43,6 %, Pohu 30,7 %; Robineau 25,7 %. Ce dernier
est clairement sanctionné pour son maintien ; les
élus centristes de la ville l'ont publiquement lâché.
A l'issue de cette curieuse triangulaire, une circonscription
modérée se donne un député de gauche.
Expliquer cette alchimie électorale de second tour n'est
pas simple ; la méfiance envers le président
Chirac s'est amplifiée ( c'est un fait national ).
Mais Jean-Michel Marchand reçoit 1 500 voix supplémentaires
à Saumur ; les suffrages des communistes, des écologistes,
d'abstentionnistes du premier tour ne suffisent pas encore pour
faire ce total... Si l'on examine de près les résultats
du bureau de l'école Jules-Ferry, il apparaît que
plus de la moitié des électeurs du Front national
ont voté pour la gauche au second tour ( afin de sanctionner
des notables établis ? ). Confirmation par les
votes du Vaudelnay, le principal fief lepéniste de la région
: le report des voix vers la gauche au second tour y est incontestable.
Du côté du RPR, le « maintien illégitime »
de L. Robineau est violemment critiqué. Le conflit rebondit
aux Législatives de juin 2002, qui suivent la réélection
triomphale de Jacques Chirac. A Saumur-Sud, Michel Piron, maire
de Thouarcé et président de l'association des maires
du département, d'orientation modérée, obtient
du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin l'investiture de la nouvelle
UMP ( alors Union pour la Majorité Présidentielle ).
Jean-Paul Hugot se porte candidat, sans avoir obtenu l'estampille
officielle ; dans la ville de Saumur, dont il n'est plus maire,
il devance nettement Piron au premier tour ( 30,8 %
des suffrages contre 20,38 ). Cependant, l'ensemble de la
circonscription, à dominante rurale, donne un net avantage
au maire de Thouarcé, en faveur duquel J.-P. Hugot doit
se désister. Il apparaît néanmoins que dans
la ville de Saumur, les électeurs de ce dernier sont loin
de tous se reporter sur Piron ; beaucoup s'abstiennent. Dans
ce duel frontal, Jean-Michel Marchand perd son siège de
député, bien qu'il soit majoritaire dans sa ville
au premier et au second tour.
Nouveau rebondissement aux cantonales de mars 2004. Jean-Paul
Hugot, candidat sur Saumur-Sud, réussit un premier tour
prometteur, mais est distancé au second par le candidat
de gauche, Jackie Goulet. Il suffit d'examiner les votes de Chacé
et de Distré pour voir que les électeurs modérés
n'ont pas voté pour Hugot. Sur ce nouvel échec,
bien que resté puissant dans le centre-ville, J.-P. Hugot
abandonne la vie politique et démissionne du Conseil municipal
de Saumur.
Où placer Nicolas Sarkozy et sa nouvelle UMP dans le cadre de ces conflits ? Par les hommes, les programmes et les méthodes, il appartient plutôt à la filière gaulliste. Les modérés se resserrent derrière François Bayrou, qui réussit à Saumur un bon score de 20,69 % aux Présidentielles de 2007, mais qui s'effondre à 10,79 % en 2012. Dans tous les cas, les Sarkozystes tiennent le haut du pavé. Nicolas Sarkozy vient à Saumur et à Distré, le 5 juin 2008, pour des visites centrées sur la réforme de l'éducation ; les porteurs d'une carte de l'UMP ont pu l'approcher ; les autres n'ont vu qu'un impressionnant déploiement policier, comme cette patrouille sur le Thouet.
7) L'affirmation épisodique des extrêmes
Les forces qui se
placent en dehors du fonctionnement régulier des institutions
établies font pendant longtemps des apparitions ponctuelles,
mais remarquées, et parviennent à s'enraciner depuis
une vingtaine d'années.
Elles se placent surtout à l'extrême droite
et pourraient invoquer une forte tradition d'avant-guerre ( voir
le vol d'armes à l'Ecole
de cavalerie et la puissance
du Parti social français ). Cependant, les traditions
bonapartistes locales sont surtout canalisées par les gaullistes.
Le poujadisme, solidement structuré autour de Montreuil-Bellay
fait une percée fracassante en réunissant 14 %
des voix aux Législatives du 2 janvier 1956. Bien que son
mouvement soit en pleine décomposition, Pierre Poujade,
lui-même, se porte candidat sur Saumur-Sud aux Législatives
de novembre 1958 ; il obtient dans la ville 9 % des
suffrages et se retire en invitant à reporter ses voix
au second tour sur l'UNR Robert Hauret ; Roselyne Bachelot, La
petite fille de la Ve. Souvenirs, Flammarion, 2015, p. 55-56,
explique que c'est une démarche de son père qui
avait convaincu Poujade. Malgré ces insuccès, ce
dernier se présente à nouveau en novembre 1962 et
tombe à 7 %.
Les partisans jusqu'au-boutistes de l'Algérie française
et les sympathisants de l'OAS prennent le relais ( voir l'étude sur mai 1958 et ses suites ).
Leur antenne locale est le Front national de l'Algérie
française, fondé par Jean-Marie Le Pen en 1960 et
dirigé à Saumur par 7 civils et 5 officiers d'active.
Aux Présidentielles de décembre 1965, Jean-Louis
Tixier-Vignancour, héritier direct de ces extrémistes,
obtient 6 % des suffrages à Saumur.
Son ancien chef de campagne et successeur, Jean-Marie Le
Pen, tombe au-dessous de 1 % aux Présidentielles de
mai 1974, mais opère une remontée retentissante
en atteignant 10 % aux Présidentielles de juin 1988
et encore un peu plus en 1995. Il s'inscrit désormais dans
le paysage politique local : 11,73 % en 2002, 8,07 en
2007. Alors que le mouvement semble s'essouffler, Marine Le Pen
le relance, sous une forme moins extrémiste et avec des
partisans mobilisés : 14,91 % aux Présidentielles
de 2012, puis 22 % aux Européennes de 2014. Le Front
national est à Saumur un peu au-dessous de ses résultats
nationaux et nettement au-dessous de son niveau dans les campagnes
du Sud-Saumurois. Il convient aussi de tenir compte de l'aspect
protestataire exceptionnel de ces suffrages. Un niveau plus réfléchi
est donné par les Municipales de 2014 : plus de 11 %
au premier tour et 8 % au second, ce dernier résultat pouvant
correspondre aux votes d'adhésion et à la puissance
réelle du Front à Saumur, ce qui lui vaut tout de
même une conseillère municipale. Ce mélange
d'europhobie, de défiance à l'égard de la
classe politique, de sentiment de déclassement et d'abandon
doit être pris très au sérieux par les responsables.
Il est particulièrement fort dans les quartiers populaires :
il atteint 15 % des suffrages dans les bureaux des Violettes
et de Jules-Ferry au premier tour des Municipales de 2014.
L'extrême gauche ne parvient pas à canaliser ces désespoirs, alors que c'est-là sa fonction tribunicienne. En août 1946, Marcel Baufrère, ancien déporté, était revenu dans sa ville natale pour y lancer un groupe de trotskistes lambertistes ( PCI ) ; il trouve peu d'écho et est violemment pris à partie par des membres du PCF ( A.D.M.L., 97 W 27 ). Les résultats électoraux commencent petitement pour l'extrême gauche : 1 % pour Alain Krivine en 1969, ensuite 2 % pour Arlette Laguillier en 1974 et en 1981, puis 2,3 en 1988. L'extrême gauche sort ensuite de la marginalité : Lutte Ouvrière monte à 5,41 en 1995, 5,81 en 2002, auxquels il convient d'ajouter les 3,83 % réunis par Olivier Besancenot. Les résultats sont plus modestes aux scrutins suivants, alors que se structure localement une organisation trotskiste. Cette dernière, outre une abondante production de communiqués, réussit un coup d'éclat aux Municipales de 2008 : elle parvient à monter une liste familiale dans Saumur-centre, à réunir plus de 8 % des suffrages et à faire chuter... la gauche. Tous comptes faits, l'ensemble de ces tendances extrêmes peut compter sur un noyau de quelque 250 inconditionnels.
8) L'apparition intermittente de l'écologie politique
Bien servie par les médias
et par des climatologues carriéristes, l'écologie
politique dispose de forts atouts. Cependant, représentée
par des organisations capricieuses et sans structure locale, elle
connaît des succès sans lendemain.
René Dumont obtient 1 % des suffrages aux Présidentielles
de 1974, Brice Lalonde atteint 3,55 % en 1981. Après
des fortunes diverses, les écologistes, sur divers candidats,
regroupent 13 % des suffrages au premier tour des Législatives
de mars 1993. C'est leur période faste : Jean-Michel
Marchand est élu député en 1997, mais il
quitte les Verts. En 2002, Noël Mamère est à
5,47 % et les résultats suivants tombent toujours
au-dessous de 2 %. Toutefois, EELV obtient 3,02 % dans
Saumur au premier tour des Législatives de 2017. Au total,
l'écologie politique ne pèse pas lourd, alors qu'elle
parvient souvent à dicter ses propositions. Le taux de
rejet qu'elle provoque est difficilement quantifiable, mais il
progresse depuis que ses sectateurs les plus intransigeants s'occupent
de saccager le Thouet. Il convient de relire les propos hétérodoxes
de la géographe Sylvie Brunel ( L'Histoire, n° 324,
octobre 2007, p. 15 ) : « Les particuliers
sont appelés à compenser les émissions de
carbone suscitées par leur niveau de vie, comme on achetait
jadis des indulgences. Prendre l'avion, partir en vacances, se
chauffer, se nourrir même deviennent des pratiques à
risque pour une planète sacralisée, dont l'hypothétique
sauvetage semble évincer les besoins non satisfaits d'une
partie de l'humanité. Après les dictatures du prolétariat
qui ont ensanglanté le XXe siècle, le XXIe risque-t-il
de devenir celui des dictatures vertes ? »
Au total, les tendances politiques se situant en dehors des grands courants traditionnels peinent à s'implanter durablement. Les règles constitutionnelles de la Ve République favorisent les grands partis et, même s'ils sont occasionnellement protestataires, les Saumurois ne s'attachent pas aux extrémistes.
9) Note complémentaire ajoutée en juin 2017
La tempête Macron
est venue bouleverser l'échiquier politique. Prolonger
jusqu'en 2017 nos schémas précédents mettrait
en évidence l'ampleur de la rupture, mais sans éclairer
la situation nouvelle. Mieux vaut un texte explicatif insistant
sur les évolutions de longue durée.
Dans les commentaires précédents nous avions
bien saisi une réelle désorientation de l'électorat
saumurois, un rejet progressif de la classe politique et un soupçon
de « dégagisme », en particulier
aux municipales. Logiquement, ces tendances paraissaient devoir
favoriser l'extrême droite et l'extrême gauche.
Les données du bouleversement se mettent en place dès les élections primaires, pourtant assez peu suivies. La droite saumuroise, au premier tour, plébiscite François Fillon ( 50,11 %, 22,16 % à Alain Juppé et 17,86 % à Nicolas Sarkozy ). Ainsi, elle fait de la surenchère à droite et opère un mauvais choix. Surenchère également dans la gauche, afin de se dédouaner du quinquennat de Hollande et dans une obscure volonté expiatrice. Au second tour, la gauche saumuroise choisit Hamon à 51,49 %, choix jusqu'au-boutiste et suicidaire qui ouvre un boulevard à Emmanuel Macron. La suite prouve que ce dernier n'aurait pas figuré au second tour de la présidentielle, si Manuel Vals avait été candidat. La droite comme la gauche ont commis l'erreur majeure de laisser le centre en déshérence.
Les succès d'Emmanuel
Macron constituent néanmoins une surprise, alors que l'ancien
ministre de l'économie était un tard venu, qu'il
disposait à Saumur de troupes novices et inorganisées,
que le MODEM avait disparu, qu'aucun ténor local ne s'était
prononcé en sa faveur et que la presse écrite et
la newsletter ne lui étaient guère favorables. Surprise
de taille sans aucun doute, mais faut-il parler de raz-de-marée,
comme on le fait souvent ? Au premier tour de la Présidentielle,
dans la ville de Saumur, Macron arrive en deuxième position
avec 25,31 % des suffrages exprimés, déjà
un point et demi au dessus de son résultat national. Mais
il est très loin de certains scores exceptionnels, des
59 % de l'UNR au premier tour des Législatives de
1962, des 49,57 % obtenus par de Gaulle au premier tour des
Présidentielles de décembre 1965. Pas exceptionnels,
ses résultats sont cependant assez homogènes, plutôt
moyens dans l'ancienne commune et nettement plus forts à
Bagneux et à Dampierre.
Les Saumurois se rallient à Macron par étapes,
sans doute plus par raison que par enthousiasme. Au second tour
de la Présidentielle, l'ancien ministre de l'économie
écrase Marine Le Pen avec 68,08 % des suffrages
exprimés ( niveau national à 65,78 % ),
en passant de 3 666 suffrages à 8 576 et en tête
dans tous les bureaux.
Un mois plus tard, au premier tour des Législatives,
les candidats de la République en Marche, totalement débutants,
obtiennent une moyenne de 37,45 % des suffrages exprimés,
sous le seul label du nouveau président, bien au-dessus
du résultat national ( 32,32 % ). Ils avaient
en face d'eux des candidats bien implantés, qui labouraient
la circonscription depuis des lustres, forte présence qui,
à l'évidence, leur a parfois rapporté, mais
qui en même temps a provoqué une forte poussée
de dégagisme. Légitimistes, les Saumurois, du moins
ceux qui votent, et surtout dans la partie sud, se rallient en
masse à l'homme fort, comme nous l'avons déjà
montré à propos du Bonapartisme et du Gaullisme.
Le second tour confirme en partie seulement cette poussée,
car il est perturbé par une forte campagne mettant en garde
contre une chambre monocolore et par une exceptionnelle poussée
des abstentions et des votes nuls, ce qui rend difficile l'analyse
du report des voix. Finalement, les candidats LREM obtiennent
58,04 % des suffrages exprimés et, avec Laetitia Saint-Paul,
ils remportent le siège de Saumur-Sud. Dans la zone nord,
la macronienne Anne Barrault arrive en tête avec 51 %
des suffrages exprimés, même si elle est battue sur
l'ensemble de la circonscription. Les Saumurois rectifient donc
légèrement leur trajectoire et ils placent les candidats
du président tout juste à leur niveau national.
Un autre bémol doit être glissé : ces
voix macroniennes représentent seulement 23,12 % des
inscrits. Les idées des absentéistes doivent être
très diverses...
La principale victime de ce bouleversement politique est le parti socialiste et la gauche modérée, dont d'importants dirigeants, de nombreux militants et la masse électorale sont dès le premier tour des présidentielles passés avec armes et bagages dans le camp de Macron, ne se reconnaissant pas dans les surenchères à gauche des apparatchiks du parti. De 26,68 % des suffrages en faveur de Hollande d'avril 2012, Hamon s'écroule à 5,86 %. Sur les 3 500 suffrages perdus, certains sont passés chez Mélenchon, mais le gros des troupes a rejoint Macron, dont il constitue les 3/4 de l'effectif local. Au premier tour des Législatives, les candidats socialiste et radical de gauche ne peuvent que constater l'ampleur de la désaffection, doublée par une condamnation rétrospective de l'action de Hollande. Ils limitent un peu le désastre dans la ville en obtenant 6,74 % des suffrages exprimés, mais avec moins de suffrages à cause de la forte abstention. Pour la gauche de gouvernement, il faut remonter très haut pour retrouver une semblable déroute, très exactement au premier tour des présidentielles du 1er juin 1969, où Gaston Defferre, dans la seule commune de Saumur, n'obtenait que 5 % des voix, ce qui sonnait le glas de la SFIO. Mais une alternative se dessinait à côté avec Michel Rocard, qui, dans le cadre du PSU obtenait 4 % des suffrages. Aujourd'hui, le même glas sonne pour la fédération de petits partis unifiés dans le cadre du Congrès d'Epinay en 1971, et d'ailleurs réunis dans un climat en permanence conflictuel. La gauche radicale et les sociaux-démocrates ne peuvent plus cohabiter et ont intérêt à se restructurer séparément.
Saumur, ville fillonniste, qui s'en souvient encore aujourd'hui ? Cependant, au premier tour de la Présidentielle de 2017, l'ancien premier ministre arrive en tête dans la ville avec 27,29 % des suffrages exprimés ( plus de 7 points au-dessus de son score national ). Il obtient même des résultats de sénateur dans les trois bureaux du centre-ville ( 33,64 % ) et dans les trois bureaux du très conservateur Saint-Hilaire-Saint-Florent ( 31,81 % ). Malgré ces succès, un effet Macron commence à peser sur la droite. Fillon est loin des 34 % de Sarkozy en 2012 et des 36 % du même en 2007. Le ver est dans le fruit ; les rivalités locales, l'effet dévastateur des primaires et l'absence au second tour des Présidentielles entraînent des résultats désastreux pour la droite au premier tour des Législatives, où les candidats investis obtiennent des résultats très faibles à Saumur. Toutefois, si l'on ajoute les voix dissidentes de Charles-Henri Jamin et de Frédéric Mortier , on retrouve assez exactement le pourcentage de Fillon ( 27,53 % ), mais dispersé sur quatre têtes et avec une chute considérable du nombre des suffrages en raison de la poussée de l'abstentionnisme. Au second tour, même si les électeurs saumurois corrigent légèrement leur tir, même si les reports de voix semblent s'opérer régulièrement, la droite perd la circonscription de Saumur-Sud, qui lui semblait prédestinée. Dans la partie nord de la ville, la macronienne Anne Barrault, avec 893 voix, arrive avant Jean-Charles Taugourdeau et ses 855 suffrages. Au total, ce second tour confirme l'échec de la droite classique : si l'on réunifie les résultats des deux zones, elle n'obtient que 41,95 % des suffrages exprimés. En ajoutant cependant qu'elle est moins lourdement ponctionnée que le PS.
Le Front national tire-t-il bénéfice de ces échecs ? Nous allons voir que ses progrès sont provisoires. Il était à 15 % au premier tour des Présidentielles de 2012. Cinq ans plus tard, il passe à 18,39 % ( sans retrouver ses 22 % des Européennes de mai 2014 ). Il consolide ses positions, disposant d'un fort lepénisme rural autour de ses fiefs du Vaudelenay, Saint-Just-sur-Dive et, au nord, de Brain-sur-Allonnes, la Breille-les-Pins, Vernoil. En ville, où la composante sociale est forte, il maintient de solides positions dans les deux bureaux de l'Ile des Enfants ( Jules Ferry ) et des Violettes ; il réussit une percée à Saint-Lambert et dans le quartier des Ponts. Marine Le Pen fait beaucoup mieux que son père, qui n'avait obtenu que 11,73 % au premier tour d'avril 2002 et qui n'avait guère progressé au second ( 13,60 % ). Le FN n'effraie plus ; au second tour de 2017, il reçoit le renfort de 1 462 suffrages et arrive à 31,94 %, tout de même deux points au-dessous de son score national.
La répartition par quartiers des voix de Marine Le Pen au second tour des Présidentielles de mai 2017 présente peu de surprises :
Quartiers |
Pourcentage des |
Hôtel de Ville, 3 bureaux | 29,85 |
Ecole de l'Arche-Dorée | 23,93 |
Hauts Quartiers | 30,83 |
Ecole des Violettes | 36,64 |
Ile des Enfants, Chemin-Vert | 43,85 |
Bagneux, 3 bureaux | 31,64 |
St-Hilaire-St Florent, 3 bureaux | 28,12 |
Pôle universitaire, les Ponts, 2 bureaux | 34,41 |
St-Lambert des Levées, 3 bureaux | 34,04 |
Dampierre | 23,30 |
Moyenne générale | 31,94 |
Cet instantané révèle une nette montée du F.N. dans le quartier des Ponts et à Saint-Lambert des Levées. La suite est moins reluisante : cet électorat qui semblait se rallier au Front est loin de confirmer ce choix au premier tour des Législatives. Les candidats frontistes, inconnus dans la région, plafonnent à 10,60 % des suffrages exprimés. Là encore apparaît clairement un effet Macron au lendemain de son élection, effet écrasant dans l'école des Violettes, incontestable dans l'Ile des Enfants et très net dans les fiefs ruraux du FN. Le nouveau président de la République ratisse large, y compris sur les terres de l'extrême droite : ces protestataires aux voix flottantes ont souvent voté pour ses représentants, ou bien, ils se sont abstenus.
Hormis les partisans de
Macron, les seuls qui pourraient, à la rigueur, se déclarer
satisfaits sont les partisans de la France insoumise ( par
ailleurs trop soumis à un leader aventuriste ). A
Saumur, Jean-Luc Mélenchon n'avait obtenu que 8,10 %
des suffrages exprimés au premier tour des Présidentielles
d'avril 2012 ( nettement au-dessous de son résultat
national ). En avril 2017, sans structure locale et en conflit
avec le PCF, il passe à 14,76 %, tout en demeurant
4 points au-dessous de son score national. Ses résultats
sont relativement homogènes dans les divers quartiers.
Dans la zone bourgeoise du Centre-ville, il fait 18,14 %
et il y devance Marine Le Pen. Ses scores sont moyens dans les
quartiers populaires et d'une faiblesse insigne à Dampierre.
Aux Législatives qui suivent, ses candidats sont
victimes, à la fois de l'effet Macron et de l'abstentionnisme,
mais ils parviennent à regrouper une moyenne de 8,82 %
des voix, devançant le PS et les Radicaux de Gauche, ce
qui était l'ambition première de Mélenchon.
Mais il n'a pas de quoi pavoiser. Cependant, si l'on ajoute des
suffrages du PCF et de divers candidats trotskistes, l'extrême
gauche dispose toujours d'un capital d'un millier de voix et d'une
forte réserve de manifestants.
Dans le film Théorème ( 1968 ), Pasolini montrait un beau jeune homme venant bouleverser une famille aux apparences tranquilles, fascinant tous ses membres et la laissant en pleine décomposition. Dans l'abondante littérature qui ne manquera pas de paraître sur les bouleversements de 2017, les composantes freudiennes seront sûrement développées. Pour s'en tenir aux analyses historiques, il est probable qu'une certaine pratique des professionnels de la politique soit à tout jamais proscrite. Proclamer la fin des oppositions droite-gauche, c'est s'exposer à les voir réapparaître sous une forme exacerbée. Tant d'espoirs hétérogènes portés sur un seul homme, les déceptions sont certaines.