Préalable obligé pour la compréhension d'une ville et d'une époque, notre étude de la démographie saumuroise sera surtout historique. Notre souci sera de dégager les lignes d'évolution sur deux tiers de siècle ( statistiques de 1946 à 2013 ), sans trop nous appesantir sur de menues variations conjoncturelles.
L'important appareil scientifique fourni par l'INSEE constitue notre source principale, sous la forme imprimée pour les premiers recensements et dans une colossale base Internet pour les plus récents. En complément, le site de l'EHESS, Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui. Commentaires sur les recensements dans la revue Norois par Jean-Baptiste Humeau, Christian Pihet et Jacques Jeanneau. Compléments dans l'Analyse des Besoins sociaux dressée par le Centre communal d'Action sociale ( édition balbutiante en 2010, améliorée en 2011 et surtout en 2013 ). Fiches commodes établies par la C.C.I. de Saumur, Tableau de bord de l'économie du Saumurois ( une édition de synthèse en 2006-2007 ).
1) Des statistiques implacables
Le graphique suivant nous a posé
bon nombre de problèmes méthodologiques. Quelques
variantes dans les définitions perturbent quelque peu les
résultats collectés, mais sans modifier les lignes
de force. Les données de 2006 et de 2011 sont des estimations,
puisque, pour les villes de plus de 20 000 habitants, l'INSEE
pratique une mise à jour permanente portant sur un cycle
de cinq ans. La population municipale est seule retenue, les quelque
1 500 résidents comptés à part ( élèves
internes, militaires de passage ) ne sont bien sûr
pas pris en compte ; les confusions entre population municipale
et population totale ont engendré des graphiques ahurissants.
Plus stupéfiantes encore sont les publications qui ne tiennent
pas compte de la fusion par association de 1973 et qui indiquent
une flambée miraculeuse de la population de Saumur entre
1968 et 1975, ainsi que le fait l'article de Wikipedia...
Afin de permettre des comparaisons sur des bases homogènes,
nous avons reconstitué ( en pointillés ) la
population de l'agglomération avant 1973 et nous continuons
ensuite à porter les données de chacune des communes
associées ; ces éléments proviennent
de sources assez disparates, de préférence des statistiques
des IRIS ( Ilots regroupés pour l'Information statistique ).
Un premier résultat des recensements à partir du
quart des fiches était traditionnellement publié
et repris par la presse locale et par les publications du Comité
d'Expansion économique du M. et L. ; nous avons préféré
recourir aux résultats définitifs, très légèrement
différents.
Nous avons aussi totalisé les populations des communes
limitrophes de la ville de Saumur et nous avons repris la
classification
de l'INSEE, même si elle est surprenante : malgré
son étroite frontière commune, Chacé y figure,
alors que Chênehutte est exclu ( par suite de sa fusion
avec Trèves-Cunault en 1973, cette commune se trouve déportée
vers Gennes et elle est constamment tenue à l'écart
des plans locaux d'aménagement ).
a) La faible empreinte démographique de la Seconde Guerre mondiale
Les résultats du
recensement de 1936 sont cités afin de faciliter les comparaisons.
Dix ans plus tard, la démographie est en progrès.
Malgré des pertes sévères, surtout civiles
par suite des bombardements, et un fléchissement temporaire
du nombre des résidents, la population ne se porte pas
si mal. Dans le chapitre sur les
mentalités,
la société et ses parias, nous avons déjà
remarqué la singulière reprise de fécondité
qui s'opère à partir de 1942, alors qu'on est au
coeur des années noires et que beaucoup d'hommes sont absents ;
le nombre des naissances domiciliées à Saumur atteint
383 en 1943, 450 en 1945 et 683 en 1946 ( soit le double
des valeurs de 1938 ). Les pertes dues aux morts de la guerre
et aux départs d'habitants sont aussitôt compensées.
b) Une progression vigoureuse de 1946 à 1968
Le baby-boom est bien
marqué dans la commune de Saumur, qui progresse de 3 916
habitants sur l'espace de 22 ans, soit un taux de croissance de
22,2 %, une progression qu'on n'avait encore jamais vue.
La flambée des naissances, avec un taux constamment supérieur
à 20 ‰, en constitue la principale explication ;
les générations nées entre 1949 et 1952 restent
jusqu'à ce jour les plus nombreuses de la ville. Il faut
ajouter qu'un exode rural vers Saumur se produit alors, provenant
surtout des communes du sud de l'arrondissement ; il est mal quantifié
et il s'arrête très tôt ( la ville présente
déjà un solde migratoire déficitaire pour
la période 1962-1968 ).
Les communes de la périphérie urbaine affichent
des résultats inégaux. Bagneux opère une
progression insolente de 54,5 % pour la période 1946-1968
( les logements y progressent de 18,1 % pour la
seule tranche 62-68 ). Les résultats sont plus modestes
pour Saint-Hilaire-Saint-Florent.
Au total, la progression est spectaculaire pour l'ensemble
de l'agglomération et elle encourage des projections d'un
optimisme imprudent. Le plan " Ville moyenne ",
à droite, adopté en novembre 1974, déjà
généreux pour les données de départ,
prévoit que l'agglomération saumuroise passera à
55 000 habitants en l'an 2000, au terme d'une flambée
vertigineuse.
Cette projection peu crédible négligeait deux
paramètres déjà bien observables : le
déficit migratoire et la chute de l'indice de fécondité
; la démographie saumuroise se situait déjà
au-dessous des paramètres nationaux. La suite est venue
casser ce bel optimisme.
c) Le plafonnement des années 1975-1999
Fusionnée, l'agglomération atteint son sommet avec une population municipale de 32 515 habitants en 1975. Ensuite, les résultats se tassent durant les 25 années suivantes ; ils tombent à 29 857 h. en 1999. Cette chute au-dessous de la barre des 30 000 fait quelque bruit ; les causes diverses en sont analysées dans les paragraphes suivants.
d) La décroissance urbaine de 1999 à 2011
Au XXIe siècle,
l'évolution devient franchement préoccupante. Saumur
est la ville la plus décroissante de l'ensemble Pays de
la Loire et Bretagne, selon une étude de " Population
et Avenir ". Elle perd 9,3 % de ses effectifs au
cours de la période 1999 -2011, alors que le Maine-et-Loire
et l'ensemble de la France métropolitaine progressent de
7 %. Les logements deviennent trop nombreux dans Saumur ;
en mars 2014, le taux de vacance s'y élève à
11 % du parc immobilier, alors qu'il est à 6,85 %
à Angers.
Pour mémoire, nous reproduisons ( à droite ) l'état matrimonial des habitants de 15 ans et plus, bien que ce graphique circulaire n'apporte rien de bien révélateur, à part sur le pourcentage élevé des veufs.
Le mariage en mairie ayant perdu l'essentiel de son sens démographique, nous n'avons pas reporté les taux de nuptialité sur le graphique suivant du mouvement naturel de la population au cours des 33 dernières années.
Le nombre des naissances domicilées à Saumur chute de moitié au cours de la période présentée, alors que le nombre des décès demeure relativement stable. Ces résultats sont très inférieurs à ceux de la France entière, où se maintient un faible excédent naturel. Trois étapes sont évidentes :
- Les années d'après guerre et encore les années 80 sont remarquables par le nombre élevé de leurs naissances et l'ampleur du solde naturel, encore assez fort de 1980 à 1990 ( + 1570 ). La presse locale se réjouissait alors de ces performances apparentes. En réalité, la population totale de l'agglomération commençait à décliner. Le mouvement naturel n'est donc qu'un facteur secondaire dans l'évolution démographique de la cité et ces brillants résultats provenaient avant tout de l'arrivée des générations fournies des années 1950 à l'âge maximal de fécondité.
- Les années 90 ramènent ces taux à des proportions moyennes et à un solde positif de +994.
- Le mouvement naturel se détraque
en 2002, où les deux courbes se croisent. La canicule de
2003 donne un clocher bien repérable, mais cette poussée
n'est nullement un accident passager : de 2004 à 2013,
le nombre des décès s'élève à
3 132 pour 3 049 naissances domiciliées. Le déficit
devient donc structurel. Pour l'année 2011, le taux de
natalité se situe à 11 ‰ ( 12,5 ‰
à l'échelle nationale ). Les jeunes couples
semblent aussi prolifiques que les autres, mais ils sont en trop
faible nombre.
Ces faits implacables ridiculisent les statisticiens des
publications municipales, qui, sur une pyramide, programment une
flambée des naissances dans les années 90, qui,
en 1995, écrivent que la démographie saumuroise
« affiche un dynamisme renouvelé »,
qui, le 7 juillet 1999, parlent d'une chute enrayée, qui,
en 2011, détectent de sérieux indices de reprise.
Ces énormités résultent d'une observation
limitée au seul champ du mouvement naturel, alors que le
déficit migratoire est d'une plus grande importance. Dans
les années 80, la ville de Saumur gagne encore chaque année
environ 200 habitants par excédent naturel, mais en même
temps, elle en perd 300 par déficit migratoire.
La population saumuroise
a toujours été mobile, et pas seulement dans sa
composante militaire. Mes études sur la démographie au XIXe siècle
prouvent que ce fait est ancien, mais qu'à cette époque
le solde migratoire était largement excédentaire
; ainsi, au recensement de 1891, seulement 34,70 % des habitants
étaient nés à Saumur.
Actuellement, la mobilité est toujours marquée
et les déménagements fréquents, ainsi que
l'attestent les relevés par foyer opérés
par l'INSEE en 2006 ( à droite ). Seulement 59,7 %
des personnes habitaient le même logement cinq ans auparavant.
Cependant, les mouvements sont de faible ampleur, souvent à
l'intérieur de la commune, rarement à l'échelle
internationale.
Tous les observateurs
locaux ont pu constater ce fait majeur : les jeunes gens quittent
en grand nombre Saumur vers 18 ans, afin de poursuivre leurs études
ou pour des raisons de travail. Et
ils reviennent rarement dans leur ville natale. Faute d'emplois,
peut-être aussi faute de conditions de vie attrayantes,
Saumur ne sait pas garder sa jeunesse. Les pyramides des âges
dressées à toutes les époques marquent un
anormal rétrécissement dans les classes de 20 à
40 ans, par exemple, à droite, sur les pyramides superposées
de 1999 ( en pointillés ) et de 2009. Le déficit
des jeunes adultes, lié aux départs, est particulièrement
marqué du côté masculin. A l'inverse, on remarque
les fortes générations du baby-boom et leur écho
30 ans plus tard.
Retenons seulement les
données statistiques les plus révélatrices.
Dans l'espace intercensitaire de 1968 à 1975, l'agglomération
subit un déficit migratoire de -1554 individus ; mais
comme le solde naturel est encore à + 2 645,
la population continue à croître et atteint alors
son apogée. Le renversement de la tendance se produit de
1975 à 1982 ; le déficit des migrants est alors
de -2 269, alors que le solde naturel est en baisse et chute
à + 1 871. La perte nette est donc de 398 habitants,
ce qui n'est pas encore considérable. A quoi bon continuer
une fastidieuse énumération de statistiques : le
mouvement s'accentue depuis les années 80 et le manque
de jeunes adultes entraîne en second lieu une chute des
naissances.
En sens inverse, le département de Maine-et-Loire
connaît des soldes naturels et migratoires positifs depuis
1975, ce qui démontre qu'il y a bien un problème
spécifiquement saumurois.
4) Une faible immigration étrangère
Saumur n'attire donc guère pour une installation définitive et elle accueille plus souvent des retraités que des jeunes gens. Les immigrés ( dans le sens précis de personnes nées étrangères à l'étranger ) y sont peu nombreux ; l'estimation de 2011 en compte 1 043, ce qui correspond à 3,8 % de la population municipale, alors que le pourcentage national est à 8,7 %. Parmi les adultes, les immigrés sont relativement plus actifs que les autochtones, mais aussi plus souvent chômeurs, rarement étudiants et encore plus rarement retraités.
Parmi ces immigrés, près de 40 % ont obtenu la nationalité française, si bien qu'il ne reste plus que 681 étrangers, soit 2,5 % de la population, valeur remarquablement basse. Jadis, le commissariat de police publiait la nationalité de ces étrangers ; ainsi, en 1990, les Portugais étaient en tête avec 519 personnes, au second rang, les Laotiens au nombre de 262, puis les Algériens avec 179 représentants. Depuis, le " politiquement correct " aidant, les pouvoirs publics ne communiquent plus sur le détail de ces statistiques. On sait seulement que les étrangers recensés sont moins nombreux, qu'ils sont plus prolifiques que les indigènes et nettement moins âgés, comme on peut le constater sur le tableau ci-dessous.
Nous arrivons maintenant
à une remarque moins négative : les habitants
qui quittent le vieux Saumur ne partent pas tous au loin :
ils s'installent souvent dans une commune associée ou dans
la couronne des communes limitrophes. Au sortir de la guerre,
en même temps que se produit un petit exode rural vers Saumur,
en même temps se dessinent progressivement des mouvements
de périurbanisation et de rurbanisation, en fonction de
la préférence des Français pour un pavillon
familial, pour un cadre de vie plus agreste et pour un moindre
coût du foncier.
Ce phénomène s'esquissait déjà
dans le dernier quart
du XIXe siècle, où déjà la bourgade
de Bagneux prenait l'envol d'une ville-champignon et où
les autres communes périphériques connaissaient
un essor marqué. La désertion progressive du centre
ancien au profit des aires périphériques se déroule
en plusieurs étapes, bien visibles sur les recensements
successifs, sur les enquêtes par quartiers, sur les statistiques
de logements vacants. Nous avons reporté les résultats
des recensements sur le grand graphique précédent,
que nous complétons par les relevés encore plus
éloquents des inscrits sur les listes électorales
( malgré quelques légères distorsions :
actuellement, le nombre des inscrits progresse un peu, alors que
la population baisse ; le vieillissement explique cette légère
augmentation ).
Les inscrits
sur les listes électorales par quartiers en pourcentage
1974 | 1981 | 1995 | 2007 | 2014 | |
TOTAL | 16 398 | 19 360 | 19 627 | 19 433 | 19 517 |
CENTRE VILLE + NANTILLY | 30,2 % | 25,4 % | 22,9 % | 21,8 % | 21,3% |
HAUTS QUARTIERS - CHEMIN VERT | 19,7 % | 23,2 % | 21,7 % | 20,6 % | 14,8 % |
ILE ET CROIX VERTE | 11,9 % | 10,9 % | 10 % | 9,1 % | 8,6 % |
BAGNEUX | 12,1 % | 14,1 % | 15,2 % | 16,6 % | 17,6 % |
DAMPIERRE | 1,5 % | 1,4 % | 1,5 % | 1,4 % | 1,6 % |
SAINT-HILAIRE-SAINT-FLORENT | 12,2 % | 12,5 % | 14,6 % | 16 % | 16,6 % |
SAINT-LAMBERT-DES-LEVÉES | 12,5 % | 12,6 % | 14,1 % | 14,4 % | 14,4 % |
- La première étape est un étalement des habitants du centre ancien vers les Hauts Quartiers et le Chemin Vert, qui augmentent de 600 habitants de 1975 à 1982 et qui atteignent leur apogée électoral en 1981. Au recensement de 1982, la population de l'ancien Saumur correspond encore à 64 % des effectifs de la nouvelle commune.
- La deuxième étape est caractérisée par la montée des communes périphériques, en partie par le déplacement d'habitants de l'ancienne commune de Saumur, en partie par des apports de l'extérieur. On retrouve le cas de Bagneux, qui, en 1946, était loin au-dessous de Saint-Hilaire-Saint-Florent et de Saint-Lambert-des-Levées ; cette commune associée, en raison de l'ouverture de lotissements, gagne plus de 800 habitants entre 1975 et 1982, année où elle dépasse nettement ses deux concurrentes, qui progressent cependant. Bien sûr, cette évolution se répercute sur les listes électorales, sur lesquelles l'ancienne commune devient minoritaire, tombant à 44,7 % en 2014. Le centre ancien et les nouveaux quartiers continuant à se vider, Saumur, dans ses limites anciennes, se retrouve moins peuplée en 2011 qu'en 1936.
- La troisième étape de la déconcentration urbaine atteint les communes limitrophes, que nous avons réunies sur le grand graphique selon les frontières fixées par l'INSEE ( c'est-à-dire sans Chênehutte-Trèves-Cunault ). Cette couronne augmente de 69,7 % de 1946 à 2011, dans un laps de temps où l'agglomération est stationnaire. Par exemple, grâce à des lotissements, la commune de Varrains s'élève de 21,3 % de 1962 à 1975. La progression générale des communes limitrophes s'accélère dans l'espace intercensitaire de 2006 à 2011 ; elle est alors particulièrement vigoureuse à Vivy, Chacé et Distré, toujours par suite de lotissements. Saumur tresse ainsi la toile d'une agglomération, qui, dans le strict sens géographique du terme ( toutes les maisons situées à moins de 200 mètres ), s'étire sur Dampierre, Souzay et va jusqu'à Turquant ; selon la terminologie de l'INSEE, cette unité urbaine regroupe 28 921 habitants en 2011 contre 30 359 en 2006. Là aussi, tassement apparent. Mais cette approche par agglomération est peu opérationnelle et il faut élargir le champ d'analyse.
- La quatrième étape correspond aux évolutions actuelles : le desserrement s'étale sur la communauté d'agglomération Saumur Loire Développement, où quelques communes connaissent une forte expansion, comme Brossay, Epieds ou Saint-Just-sur-Dive. Les 32 communes de ce qu'on appellait " Saumur-Agglo " comptaient 62 156 habitants en 2011, contre 61 339 sur ce périmètre en 1999. L'ensemble progresse de + 0,1 % par an, surtout en raison d'un solde naturel de + 0,3 % ( la proportion de jeunes adultes y est élevée ), mais le solde migratoire est là aussi négatif à - 0,2 %. Cette situation corrige un peu les désolants constats précédents, sans être brillants. Mais encore une fois, on s'éloigne quelque peu de l'authentique ville de Saumur en englobant des centres secondaires.
6) Les grands axes de glissement
Ainsi que toutes les
villes-ponts
des bords de Loire, Saumur a glissé vers l'Ouest depuis
le Moyen Age. La nouvelle traversée du XVIIIe siècle
suivant l'axe du pont Cessart a accentué ce déplacement
déjà ancien. Au XIXe siècle, la naissance
du quartier Alsace, le renforcement du quartier Saint-Nicolas
et l'essor de Saint-Hilaire-Saint-Florent accentuent cette orientation,
alors que la topographie défavorise la progression vers
l'est.
Au XXe siècle, changement d'orientation, l'agglomération
saumuroise avance désormais vers le midi, vers Bagneux
et vers les communes limitrophes du sud, qui étaient encore
faiblement peuplées en 1936 et qui augmentent de 94,7 %
de 1946 à 2011. La partie septentrionale de l'agglomération
fait de plus minces progrès. Les quartiers d'Offard, de
Millocheau, de la Gare et de la Croix Verte subissent un net déclin
démographique qui profite peu à Saint-Lambert-des-Levées.
Les autres communes limitrophes du nord de la Loire, déjà
densément peuplées et offrant peu d'espaces constructibles,
augmentent au taux médiocre de 54,8 % entre 1946 et
2011. Saumur, vieille porte du midi, regarde toujours davantage
vers le sud. Les grands axes routiers sont les lignes de force
de cet éparpillement de la ville, sans qu'on puisse retrouver
les modèles classiques chers aux géographes.
A droite, cet extrait d'une carte de l'INSEE représente l'aire urbaine de Saumur en 2010 ; on pourra identifier en couleur bordeaux l'agglomération au sens propre et en orange la zone où plus de 40 % des actifs viennent travailler dans l'agglomération ; cette aire est très étroite au nord de la Loire, alors qu'elle s'étale vers le sud, atteignant le pôle secondaire de Montreuil ( en vert ) et poussant une pointe jusqu'à Epieds ( les zones en jaune sont partagées entre plusieurs pôles, par exemple Chênehutte-Trèves-Cunault ).
Forcément schématique, notre survol appellerait des nuances selon les temps et les lieux, la géographie humaine n'obéissant pas à des règles aussi mécaniques. On signalera seulement une conséquence de cet étalement urbain.
7) L'éloignement du lieu de travail
Les actifs se retrouvent de plus en plus éloignés de leur lieu de travail :
Le pourcentage appréciable d'actifs se déplaçant vers une autre région s'explique par l'attraction de la centrale de Chinon ( ceux qui veulent la fermer devraient bien réfléchir aux très lourdes conséquences locales ).
Dans cette nébuleuse, le seul moyen pragmatique de déplacement est le véhicule individuel. Quelques favorisés travaillent sur place ou peuvent faire le trajet à pied. Mais les structures saumuroises ne sont guère favorables aux transports en commun.
Tout est classique dans
le paragraphe suivant. A noter cependant que le vieillissement
est encore plus marqué dans la ville de Saumur en raison du faible
nombre des jeunes adultes, dont le pourcentage est encore en déclin
de 2006 à 2011. Il en découle une chute des naissances
et, même sans tenir compte du rallongement de l'espérance
de vie, le pourcentage des catégories de plus de 60 ans
et surtout des plus de 75 ans progresse en toute logique.
En même temps qu'elle vieillit, la population se féminise. Depuis qu'on peut opérer des dénombrements, les femmes ont toujours été plus nombreuses dans la ville.Leur supériorité numérique apparaît à 30 ans et s'accentue aux âges élevés en présentant un fort contingent de nonagénaires et de centenaires. Toutefois, rien de bien original dans ces données.
En rédigeant cette étude, j'ai lu un tel nombre de prophéties ridicules ou pitoyables que je ne me risquerai guère à vaticiner. Je m'en tiens donc à quelques raisonnements d'une stricte logique, seulement sur la ville de Saumur ( les évolutions étant plus ouvertes pour l'ensemble de " Saumur-Agglo " ).
- La
première tendance lourde et la première cause du
déclin démographique est la raréfaction des
classes d'âge à leur maximal de fécondité.
Sur les vingt années à venir, la baisse du nombre
des naissances est inéluctable et le fort pourcentage des
vieillards implique la montée des décès.
Le déficit du solde naturel ne peut que s'alourdir. A droite,
la projection selon le modèle Omphale de l'INSEE pour 2030,
à partir des évolutions de 1990-2000 donne une pyramide
caractéristique en forme de champignon ( le trait gris
à gauche pour les hommes et orange à droite pour
les femmes correspond aux données de 1999 ). Même
si ces constructions présentent une marge d'incertitude,
même si elles concernent l'ensemble de l'arrondissement,
la population saumuroise aura en gros cette allure en 2030. L'âge
moyen s'élèverait alors à 47,7 ans.
- La tendance à l'étalement urbain et les préférences périurbaines des foyers sont des vagues de fond difficiles à inverser. Il faudrait la création massive de logements attractifs et bon marché sur le territoire de l'ancienne commune de Saumur pour stopper l'hémorragie, et cela avec des résultats toujours lents. Des cités ont réussi cette revitalisation des centres. Dans le quartier sauvegardé, une population aisée est venue remplacer les classes populaires précédentes, selon le processus de gentrification, pour reprendre le jargon des géographes. Mais l'apport numérique est faible. Au contraire, Saumur Habitat annonce en décembre 2014 qu'il compte détruire 564 logements au Chemin Vert et en reconstruire seulement 105.
- La troisième tendance lourde est l'exode définitif des jeunes gens pour le travail ou les études. A l'évidence, ce mouvement peut être freiné ou stoppé par la création d'emplois nombreux et attirants. On ne peut que le souhaiter, mais les deux tendances précédentes sont trop puissantes pour ne pas l'emporter.
La ville de Saumur a perdu 3 000 habitants au cours des vingt dernières années ; une chute comparable est à prévoir dans les vingt ans à venir. La commune tomberait ainsi au-dessous de 25 000 habitants vers 2030, se retrouvant ainsi à son niveau de 1936. Pour l'instant, l'estimation moyenne de l'INSEE pour 2014 lui accorde 27 301 habitants et 27 486 habitants pour 2015.
10) Notes
complémentaires de janvier 2018 et janvier 2020
La ville connaît-elle un renouveau démographique ? Deux résultats récents pourraient le faire espérer. Le bilan naturel pour 2017 est un peu moins catastrophique qu'au cours des deux années précédentes : 250 naissances domiciliées sont enregistrées contre 327 décès. Même si le déficit naturel est légèrement réduit, la commune perd encore 77 habitants dans l'année. Depuis 2002, la ville est en état de déficit structurel, à la différence des tendances nationales. Et il n'y a guère lieu d'épiloguer sur quelques heureux accidents, dont les explications seraient d'ailleurs complexes. Seules les tendances lourdes de la démographie municipale sont à retenir, même si elles ne sont pas fameuses.
Par ailleurs,
l'INSEE publie d'autres résultats très positifs.
Il donne une population municipale de 27 486 habitants à
demeure pour la période centrée sur 2015, alors
qu'il comptait 27 283 habitants pour la période autour
de 2010. Un progrès de 203 habitants en cinq ans est déjà
appréciable, d'autant plus que sur le même laps de
temps, la ville a connu un déficit naturel d'un montant
égal. Un solde migratoire positif de plus de 400 habitants
serait tout à fait remarquable et inverserait une tendance
constante depuis 1962. C'est un peu trop beau pour être
vrai et l'on attend une confirmation. N'oublions pas que l'INSEE
procède par des sondages portant sur 8 % des ménages
et qu'il se produit des effets de distorsion et de grossissement,
comparables aux redressements des sondages préélectoraux.
Malheureusement, les tendances de fond décrites plus haut
demeurent vraies et implacables. Il n'y a pas d'urgence à
refaire les graphiques, il suffit de prolonger tout droit les
traits. [ De fait, l'estimation INSEE pour le 1er janvier 2016 donne
une population municipale de 27 125 habitants, un résultat parfaitement
logique, Courrier de l'Ouest du 28 décembre 2018 ]
Nous doutions fort de
l'estimation donnée par l'INSEE pour les années 2015. Une nouvelle
estimation de l'Insee donnée en janvier 2020 fait tomber la population
municipale de la ville de Saumur à 26 734 habitants, ce qui
constituerait un nouveau déclin appréciable. Rappelons toutefois que
ces données sont établies à partir de 8 % de la population totale et
que des effets de distorsion peuvent se produire. Cependant, ces
résultats demeurent dans la droite ligne des tendances de fond
énumérées plus haut. Encore une fois, les lois de la démographie sont
implacables et la ville va chuter au-dessous de 25 000 habitants. Les
plus récentes données de l'état civil viennent confirmer cette tendance
de fond : pour 2018, 256 naissances domiciliées pour 342 décès ; pour
2019, 235 naissances contre 360 décès. Depuis 2003, la déclin est
fortement marqué.
A l'inverse, la nette progression des communes limitrophes, bien perceptible depuis 1946, éclatante depuis 2000, continue à se manifester. L'agglomération saumuroise dispose donc d'un arrière-pays d'un réel dynamisme, surtout sur son flanc sud, et dont les habitants viennent en majorité travailler dans la commune centrale. Pour la plupart, ils viennent dans leur véhicule individuel, et les problèmes de stationnement sont et resteront épineux, si l'on ne veut pas pratiquer une écologie punitive.
Quant à la nouvelle Communauté d'Agglomération Saumur Val de Loire, ses données démographiques apparaissent comme meilleures, grâce au dynamisme des pôles secondaires - Doué-en-Anjou atteint 10 981 habitants. Cependant, on s'éloigne du coeur de mon sujet et il faudrait se lancer dans des analyses complexes.
Dans ce contexte, plus préoccupant est le résultat donné pour l'Agglo, qui grâce à un desserrement de la ville centrale et à un faible excédent migratoire était parvenue à dépasser les 100 000 habitants. Cette fois, elle tomberait à 99 529 habitants pour 2017. Ce déclin marqué et imprévu appelle des analyses.
11) De forts contrastes sociaux
Nous aurions aimé dresser une analyse nuancée de la société saumuroise, tracer une impressionnante courbe du chômage. Cependant, les matériaux statistiques ne sont jamais homogènes ; pour le chômage, portant parfois sur le bassin d'emploi, parfois sur l'agglomération, parfois sur la zone urbaine, parfois sur tout l'arrondissement, et avec des définitions fluctuantes des sans-emploi. La fusion-association de 1973 ne facilite pas les comparaisons sur le long terme. Nous devons nous contenter de quelques traits majeurs :
- La flambée du chômage depuis 1974
Dans l'agglomération
de Saumur, un fort taux de chômage n'est nullement une fatalité,
puisque la démographie est désormais à tous
égards déficitaire et que beaucoup de jeunes quittent
la ville en fin de scolarité sans plus y revenir. La ville
manquait même de bras à l'époque de la reconstruction
et a dû faire appel à des apports extérieurs.
Ensuite, elle a fait appel à une assez forte main d'oeuvre
étrangère, en particulier portugaise. En 1962, elle
a pu accueillir sans grandes difficultés des rapatriés
d'Algérie et des familles de harkis. Le tournant se situe
en 1973-1974.
D'après les statistiques de l'Agence Nationale pour
l'Emploi concernant la zone urbaine de Saumur, en juin 1973, les
demandes d'emploi non satisfaites sont tombées au-dessous
de 100. La situation se dégrade sérieusement à
partir de juillet 1974 ; la ville et sa périphérie
deviennent alors le bassin d'emploi au taux de chômage le
plus élevé du Maine-et-Loire et sont restées
en tête. Cette forte dégradation a d'abord été
imputée à l'afflux sur le marché du travail
des classes nombreuses du baby boom. Mais ces statistiques
se gonflent impitoyablement : après une courte embellie
en 2004-2005, elles dépassent 9 % des actifs en 2006
et 10 % en 2014. Les taux féminins sont particulièrement
élevés et le taux de chômage de longue durée
progresse sans cesse. De nouvelles statistiques concordantes de 2018
constatent une reprise des offres d'emploi dans le cadre de la
communauté de communes. Fait-il crier victoire pour autant ? Trop
souvent, les entreprises ne parviennent pas à trouver le personnel
qualifié qu'elles recherchent, alors que les anciens chômeurs, peu
formés, restent en attente.
Le manque de dynamisme économique du Saumurois, la
fermeture de pans entiers de son réseau industriel, la
grande purge touchant le petit commerce, le faible niveau de
qualification
professionnelle constituent des explications évidentes
et seront développés dans les dossiers suivants.
- Des revenus moyens plutôt bas
Contrairement aux apparences dues à la qualité de son patrimoine bâti, Saumur n'est pas une ville si riche. Nous avons déjà fait ce constat pour la société du XIXe siècle. Le siècle suivant n'a rien arrangé. Diverses statistiques prouvent que le niveau des salaires est bas ; l'Analyse des Besoins sociaux établie par la Mairie confirme l'ampleur de la précarité. Le niveau de formation est faible. Le nombre des bénéficiaires de la Couverture Maladie Universelle explose de 2010 à 2011. Au même moment, seulement 46,6 % des foyers sont imposables, ce qui est au-dessous de la moyenne départementale et tout juste à la moyenne nationale.
- Un contingent appréciable de grandes fortunes
En sens contraire, d'après les statistiques du Ministère de l'Economie, la moyenne des impôts sur le revenu payés par les foyers fiscaux saumurois est nettement supérieure au niveau national, ce qui s'explique par le nombre élevé des déclarants très riches. En chiffres arrondis, ces dernières années, un bon millier de foyers dispose de revenus annuels supérieurs à 50 000 euros ; Saumur se situe parmi les villes les plus inégalitaires du Maine-et-Loire. Cependant, en 2010, 231 foyers étaient soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune ; en 2013, ce total est tombé à 109. Décidément, dans cette ville, rien ne va plus !