Les effectifs scolaires n'évoluent pas au même rythme que l'ensemble de la population. Pour la seule commune de Saumur, l'essor démographique se monte tout juste à 3,02 % de 1946 à 1954, alors que les effectifs de l'enseignement maternel et primaire s'enflent de 43 % sur la même période. La flambée des naissances dans l'immédiat après-guerre constitue la principale explication de ce phénomène
1) L'explosion scolaire
En face de ce flot d'enfants,
les structures locales sont débordées. Quatre écoles
ont été détruites par les bombardements ;
des locaux préfabriqués envahissent les anciennes
cours de récréation. Les maîtres manquent
aussi ; des suppléants sans aucune formation sont
engagés en catastrophe.
Dans un rapport au maire du 9 novembre 1954 ( A.M.S.,
1 R 1 ) l'inspecteur de l'enseignement primaire
souligne la gravité de la situation. Les cinq classes de
la rue du Prêche sont installées dans des préfabriqués
et dans une salle annexe de la crèche Chauvet ; les
cinq classes de la maternelle de la rue Seigneur sont implantées
dans des locaux en aluminium. Les trois salles de l'école
de filles de la rue Cendrière sont si obscures qu'il faut
allumer en permanence l'électricité... Et cette
situation ne peut qu'empirer : un maximum d'effectifs est
à prévoir pour l'année scolaire 1959-1960
; dans cette perspective et en comptant 34 élèves
par classe, il faudra ouvrir dix classes supplémentaires
de garçons et huit nouvelles classes de filles. Les difficultés
annoncées se produisent effectivement. En octobre 1955,
l'école des Récollets compte seize classes qui fonctionnent
dans quinze salles, dont un réfectoire ; une classe
doit toujours être à l'extérieur, en plein
air ou en éducation physique, et cela malgré le
recours à de nombreux préfabriqués. Dans
ce contexte désolant, les maîtres n'en sont pas à
réclamer une salle de motricité ! Ainsi qu'on
le devine, les classes sont bourrées ; en 1969, années
sur laquelle nous disposons de bonnes statistiques ( A.M.S.,
1 R 1 ), l'effectif moyen dans le primaire public
s'élève à 29 élèves par classe.
L'enseignement privé n'est pas mieux loti, puisqu'il
atteint 32 élèves pas classe en moyenne. Il est
alors plutôt faible sur la commune de Saumur avec 24 %
des effectifs, mais il représente 46 % des scolaires
dans les communes associées, car il est nettement majoritaire
à Saint-Hilaire-Saint-Florent.
Face à cette explosion
scolaire, la municipalité, avec un peu de retard, mais
avec une réelle ardeur, se met à construire ou à
reconstruire à un bon rythme des écoles, qu'on peut
juger un peu bâclées, mais il en était de
même pour les premiers HLM. Elle projette même en
1953 d'ouvrir une école au château, dans la caserne
Feuquières. En septembre 1958, sont ouvertes en même
temps l'école Maremaillette et l'école Millocheau.
Successivement sont mises en place l'école maternelle de
la Croix Verte, une classe supplémentaire à l'école
maternelle des Violettes, l'école maternelle des Ponts
et l'école de l'Arche-Dorée ; pour l'enseignement
élémentaire, l'école Jean-Rostand, les écoles
Gambetta et Maremaillette. En 1975, l'ouverture des dix classes
du nouveau groupe scolaire des Récollets met fin à
une longue pénurie de locaux dans le centre-ville. Dans
les nouveaux lotissements, bienfait de la planification, les groupes
scolaires mixtes apparaissent avec les premiers résidents,
à Millocheau, au Clos-Coutard, à Jacques-Prévert.
Au Chemin Vert, les premières classes ouvrent à
la rentrée de 1971.
L'enseignement privé reste dans ses sites traditionnels,
qu'il agrandit, à la Visitation, à Saint-Nicolas,
à Saint-André, à l'école du Fort,
à Saint-Louis, rue Sévigné et rue Rapide ;
il ouvre aussi l'école maternelle Bethléem, rue
Loucheur.
En dépit d'une
meilleure scolarisation en maternelle, les effectifs du primaire
régressent à partir des années 1970, en raison
de la démographie et de départs plus précoces
vers la sixième. La chute est continue et des écoles
sont progressivement fermées, l'école Gambetta dès
1977 et l'école de la rue Cendrière à cause
de son inconfort. Finalement, la moitié des écoles
publiques de l'ancienne commune de Saumur est supprimée.
L'enseignement catholique ferme aussi l'école du Fort,
l'école de la rue Rapide et Bethléem.
Si l'on compare avec les données de la rentrée
2014, le bilan est le suivant :
- Pour l'ensemble de l'agglomération, les écoliers
du public et du privé ne sont plus qu'au nombre de 2 664,
contre 6 193 en 1969, soit une chute de 57 % ( ils
étaient encore au nombre de 3 342 en 2004 ).
- Les effectifs moyens des classes sont à 24, ce qui représente
une baisse plutôt légère.
- L'enseignement privé régresse moins que l'enseignement
public ; il regroupe 47 % des élèves ( alors
qu'il en représentait 25 % dans l'agglomération
en 1969. Les responsables devraient bien réfléchir
à cette évolution, qu'on retrouvera plus accentuée
dans les collèges.
- Le consumérisme scolaire provoque un certain nomadisme.
Des enfants des communes voisines viennent parfois à Saumur
et parfois ils repartent.
3) La mise en place chaotique des collèges
La réforme Berthoin
de 1959 crée des collèges d'enseignement général
chargés d'accueillir les élèves de la sixième
à la troisième dans des sections différenciées.
C'est ainsi que le cours complémentaire des Récollets
est transformé en CEG. La réforme Fouchet de 1963
institue les Collèges d'Enseignement Secondaire, destinés
à devenir la structure modèle du Premier cycle.
Ce qui vaut pour Saumur la transformation du CEG des Récollets
en CES, puis la construction du CES 1200 du Chemin Vert ( devenu
Mendès-France en 1987 ) et du CES 900 de Saint-Lambert-des-Levées.
La réforme Haby de 1975 institue le collège unique
et préconise l'hétérogénéité
des classes ( que personne ne parvient à gérer ).
Les premiers cycles des lycées sont transformés
en CES autonomes (sauf pour quelques établissements bourgeois
des préfectures ). A Saumur, la séparation
des cycles est réalisée à la rentrée
de 1977 ; les enseignants, qui avaient été
recrutés et formés pour exercer de la sixième
à la terminale, sont affectés obligatoirement dans
l'un des deux cycles. Le nouveau collège prend le nom de
Yolande d'Anjou, par suite d'un contresens historique, car on
se référait à Yolande
d'Aragon.
Les nouveaux collèges jouent de malchance. Celui
qu'on implante sur le boulevard Delessert n'est pas fini pour
la rentrée de septembre 1972 et ses élèves
sont ventilés aux alentours ; bâti sur une ancienne
décharge, il doit être reconstruit en raison de dégagements
de méthane ; de même pour Mendès-France en
raison de déficiences techniques. Mais le collège
programmé pour Saint-Hilaire-Saint-Florent n'est pas réalisé.
On nous avait annoncé le relèvement du niveau
de formation et la démocratisation de l'enseignement ;
nous n'avons vu ni l'un ni l'autre, mais une chute des ambitions
et la mise en place du « maillon faible »
du système éducatif ; ce qui engendre une cascade
de réformes, qui engendre elle-même une nouvelle
cascade de réformes, qui se répètent en abyme.
Autre décision lourde de conséquences :
à la rentrée de 1977 est fermé l'internat
pour les élèves du premier cycle, en particulier
pour les élèves du collège Yolande d'Anjou.
Devant cette décision, les professeurs rappellent que cet
internat a permis de belles réussites à des enfants
habitant dans des lieux isolés et soumis à de trop
longs « ramassages » scolaires ; en
mai 1977, le Conseil municipal de Saumur émet un voeu en
faveur du maintien de l'internat, qui ne survit, avec succès,
que dans l'enseignement privé.
L'ambition du collège unique est de donner les mêmes
chances à tous les petits Français. Dans les faits,
l'égalitarisme tuant l'égalité, les divers
collèges n'offrent pas les mêmes perspectives. Jean-René
Bertrand, « Disparités géographiques
des cursus scolaires dans le Maine-et-Loire »,
Norois, avril-juin 1986, p. 229-236, se référant
aux années 1981-1982 et 1982-1983, constate que sur 100
élèves de cinquième, 45 % entrent en
seconde à Yolande d'Anjou, mais seulement 20 % à
Saint-Lambert-des-Levées et 19 % à Mendès-France.
Les taux sont encore plus élevés dans l'enseignement
privé, dans lequel les familles recherchent rarement une
formation religieuse, mais une atmosphère de travail et
de tenue, ainsi qu'un moyen d'échapper à la carte
scolaire. Concentré sur l'énorme collège
Saint-Louis et deux établissements moyens, Sainte-Anne
et Saint-André, l'enseignement privé maintient ses
effectifs, alors que la population décline. Le Courrier
de l'Ouest du 2 septembre 2010 publie cette courbe en ciseaux
très révélatrice. En 2009, les collèges
catholiques passent au-dessus des collèges publics. Ces
derniers, obligés d'accepter tous les élèves,
y compris des cas difficiles, ont une image dégradée
et des effectifs en chute libre, au point que les données
de 2015 amènent à conclure qu'il y en a un de trop
dans le centre-ville.
4) L'essor de l'enseignement technique et professionnel
Au lendemain de la dernière
guerre mondiale, la formation professionnelle est surtout assurée
par l'apprentissage patronal. Un faible enseignement spécialisé
est dispensé en des lieux très divers. Au Lycée
d'Etat mixte, l'ancienne école
industrielle se maintient et se spécialise dans les
moteurs à combustion interne ; à côté,
fonctionnent des sections techniques et industrielles. Les cours
Pigier sont orientés vers le secrétariat. A Champigny
est ouvert un centre d'apprentissage du bâtiment. Le Signal Depot américain
organise aussi des cours d'électricité et d'électronique,
durant de quatre à six semaines et d'autant plus courus
qu'ils sont rétribués. Pour les jeunes filles, fonctionne
rue Lamartine une école d'aides hôtelières
et, dans l'enseignement privé, une formation est assurée
à la Providence, rue Basse-Saint-Pierre. Egalement, des
cours préprofessionnels sont donnés pendant quelques
années dans l'école désaffectée de
la rue Cendrière.
Les besoins d'une véritable formation aux métiers
sont donc loin d'être couverts. Aussi, en 1957, le directeur
de l'Enseignement technique décide-t-il de construire à
Saumur un vaste ensemble comprenant un centre d'apprentissage
et un collège technique. Le site retenu est une colline
plantée de vignes située en haut de la rue Marceau,
qui sera élargie. La ville de Saumur participe aux frais
et contracte un emprunt de 600 000 nouveaux francs en mars
1962. Les travaux du « lycée bleu »,
conduits par les architectes Brunel et Marembert, sont achevés
en 1964. L'école industrielle et les sections techniques
du lycée d'Etat y sont aussitôt transférées.
Le lycée d'enseignement professionnel Jean-Bertin ( l'inventeur
de l'aérotrain ) est finalement réunifié
avec le lycée technique " Sadi Carnot "
en septembre 2010 sous le titre de " lycée polyvalent
Sadi Carnot-Jean Bertin ". L'établissement se
dote d'une forte section hôtelière, qui, en 1999,
ouvre en contrebas une annexe réceptive sous le nom d'Espace
Curnonsky. La vaste cité technique est complétée
en 2014 par l'ouverture d'une Maison des Lycéens [ Dictionnaire
des lycées publics des Pays de la Loire, Presses universitaires
de Rennes, 2009, articles de Sylvie Thouret et d'Anne-Laure Gitton ].
L'enseignement catholique est représenté par
le lycée professionnel et technique des Ardilliers, qui,
trop à l'étroit dans l'historique Maison de l'Oratoire,
a ouvert un bâtiment annexe et qui offre une spécialisation
dans le traitement de l'eau.
Le Centre de Formation des Apprentis de la Chambre de Commerce
pratique une formation en alternance, qui débute par des
cours de secrétariat et de comptabilité donnés
dans les locaux de la rue du Maréchal-Leclerc. Puis il
ouvre au square Balzac le vaste Espace de Formation du Saumurois,
qui comprend en particulier un Institut de Bijouterie et une section
d'hôtellerie.
5) Les transformations des deux anciens lycées
Par décret
ministériel du 30 décembre 1948, les deux anciens
collèges municipaux de Garçons et de Jeunes Filles
sont réunis dans un Lycée d'Etat mixte ( la mixité
était alors très rare dans l'enseignement français ).
L'établissement commence par des classes primaires, puis
offre de la sixième à la terminale toute la gamme
des sections classiques, modernes, techniques et industrielles.
Un peu à part, l'école industrielle ouverte par
Rigolage poursuit son existence [ Dictionnaire des lycées
publics..., article de Joseph-Henri Denécheau ].
Avec la montée en puissance de la scolarisation secondaire,
avec deux internats habituellement pleins, le lycée dépasse
1 200 élèves, qui tiennent difficilement dans
l'espace bâti ; les salles préfabriquées
envahissent les cours et notamment la cour d'honneur. Les classes
sont constamment surchargées ; la terminale D de 1967-1968
compte 40 élèves, dont 15 redoublants.
De nécessaires travaux d'agrandissement sont menés
presque en permanence. D'abord, sur l'esplanade, de 1952 à
1960, les architectes Brunel et Marembert édifient le grand
bâtiment de l'internat et des cuisines.
Un escalier monumental
assure la liaison avec l'ancienne cour d'honneur ; il est
orné par des sculptures de Robert Juvin, qui, à
droite, évoque la ballade des pendus. Aussitôt après,
sont reconstruits par étapes le cloître et les salles
vétustes du côté de l'avenue Courtiller. L'espace
manque toujours. En décembre 1958, un projet d'agrandissement
au-delà de l'ancien collège de Jeunes Filles, sur
les terrains de la vigne-école, est bloqué par l'architecte
en chef Bernard Vitry, qui interdit toute construction de plus
d'un étage à proximité du château.
Le bâtiment neuf est tout de même achevé en
1964.
L'établissement, qui prend le nom de Duplessis-Mornay
en 1987, est constamment en travaux ; il est complété
par une salle de conférences et, en 2015, par un nouveau
réfectoire.
Le lycée éclate en permanence. Il perd ses
classes primaires, il perd ses classes techniques et industrielles,
qui passent à la cité technique ; il perd son
premier cycle et les bâtiments supérieurs, qui deviennent
le collège Yolande d'Anjou. En contrepartie, il reçoit
dans des secondes, parfois au nombre de onze, tous les élèves
du Saumurois. Un enseignement post-bac orienté vers le
tourisme vient compléter ses effectifs. Malgré ces
mutations continuelles, malgré la stupéfiante incurie
de certains proviseurs, Duplessis-Mornay se maintient aux approches
du millier d'élèves.
Alors que l'enseignement public se disperse, l'enseignement privé se concentre. Le cours Dacier ferme en 1962 et Saint-André abandonne ses classes de second cycle vers 1975. Le regroupement s'opère autour de l'institution Saint-Louis, qui accueille quelques jeunes filles dès 1954 ( Pierre-Yves Toullelan, Histoire de l'Institution Saint-Louis..., 2006 ). L'établissement s'agrandit sur les prairies qui l'entourent. Après une crise aiguë dans les années 1950, il connaît une flambée de ses effectifs à partir des années 1960. Il conserve des classes primaires à peu près stables, un énorme collège, qui atteint 770 élèves en 2014, un lycée, qui reste de taille limitée et qui pratique une légère sélection à l'entrée en seconde, et enfin, depuis 1998, des étudiants de BTS, option comptabilité-gestion et option assistant secrétariat trilingue avec langue chinoise. Une ouverture à l'international attire des élèves de divers pays européens. Au total, Saint-Louis constitue la plus importante cité scolaire du Saumurois.
6) Des ambitions universitaires
Chemin faisant, nous avons
rencontré des étudiants de l'enseignement supérieur
dans les divers BTS implantés à Sadi-Carnot, Duplessis-Mornay,
Saint-Louis, les Ardilliers, à l'Espace formation du Saumurois.
A quoi s'ajoutent les étudiants en BTS Vins et spiritueux
et BTS Viticulture et oenologie au lycée agricole Edgar-Pisani
à Montreuil-Bellay. L'Institut de formation aux Soins infirmiers
accueille environ 150 étudiants dans ses locaux particuliers.
En outre, l'ESTHUA ( Etudes supérieures de tourisme
et d'hôtellerie de l'Université d'Angers ) gère
une importante antenne implantée dans la Maison de la Reine
de Sicile et dans l'ancienne école Félix-Pauger.
Le campus de Saumur propose une douzaine de formations, souvent
originales, dans le secteur du patrimoine ( une licence professionnelle
de Management du patrimoine, une préparation au diplôme
de guide-interprète ), dans les nouvelles formes de
tourisme ( une licence de concepteur-accompagnateur en écotourisme ),
une licence professionnelle de management des établissements
équestres ( en partenariat avec l'ENE ), dans le secteur
de l'hôtellerie, une licence professionnelle Arts de la
table, option traiteur, etc. Les formulations sont emphatiques
et donnent l'impression de formations pointues.
En tout cas, en comptant large et en incluant les officiers
en stage dans les Ecoles militaires, Saumur atteint le millier
d'étudiants. En conséquence, les élus locaux
rêvent de les regrouper dans un campus spécialement
construit.
7) La question qui fâche : quel est le niveau scolaire des Saumurois ?
Dans un rapport de 1989,
l'ancien inspecteur Raymond Métois signalait un manque
d'ambitions scolaires des jeunes Saumurois et une insuffisance
locale des formations post-bac. Sur ce dernier point, la situation
s'est nettement améliorée et Saumur offre maintenant
une gamme variée de formations allant jusqu'à bac +5.
Mais ces étudiants sont rarement d'origine saumuroise
et combien restent sur place à l'issue de leurs études ?
Le niveau local de qualification des adultes sortis du système
scolaire ne semble pas bien élevé, si l'on en croit
ces constats de l'INSEE en 2011 :
Autrement dit, un tiers seulement des Saumurois possède un niveau bac ou supérieur. Au demeurant, les anciens enseignants peuvent s'interroger sur la pertinence de ce classement et estimer que le bon vieux certificat d'études primaires était moins bradé que de récents diplômes.