QUARTIER : Fenet |
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4 août 1922 : "quai Mayaud". Louis Mayaud, maire de Saumur, vient de mourir dans un accident de chemin de fer. En outre, la famille possède ses ateliers et de nombreuses demeures sur ce quai. |
Cet axe important, long d'un kilomètre et présentant une foule de maisons intéressantes, sera étudié par étapes, à partir des éléments les plus anciens. On remontera donc de la place de la République à la place Notre-Dame en sens inverse de la numérotation ( qui suit le fil de la Loire ).
L'alignement des façades se situe en avant de l'ancienne muraille des 14-15e siècles qui s'allonge jusqu'à la tour du Papegault et est toujours visible dans les cours en contrebas, notamment au numéro 61.
En 1652, les habitants de Saumur reçoivent du roi la propriété des places vagues situées en avant des remparts ; la municipalité allotit aussitôt cette partie des boulevards, qui se couvre de hauts immeubles, séparés du rempart par une petite cour, alors que sur les gravures de la première moitié du XVIIe siècle, il n'y a aucune maison devant la muraille.Ce nouveau port est aussi baptisé " quai au Bois " ou " rue du Port-au-Bois ", en raison d'une cale spécialisée, qui sert aussi d'entrepôt pour les matériaux combustibles ( stockage obligatoire pour des raisons de sécurité contre les incendies ). Ce port au bois s'étirait jusqu'au port Saint-Michel. Il est aussi appelé "port de la Galère", à cause d'une importante hôtellerie toute proche.
En 2017, la ville de Saumur a acquis cette belle vue cavalière ( A.M.S., 1 Fi 432 ) signée par Joseph de Haro y Cardona, un lieutenant-colonel cartographe ( et un peu espion ) au service de Charles III, prétendant à la couronne d'Espagne. Sans doute détenu comme prisonnier de guerre à Saumur vers 1711 , le dessinateur a pris le château comme sujet principal, mais sur le côté, il nous donne cette intéressante figuration du port au bois.
Les cales sont minuscules et en forte pente, sans doute recouvertes par des pierres plates posées sur le champ. Un muret pyramidal longe le fleuve et porte des anneaux d'amarrage, auxquels sont accrochées de nombreuses gabares ( exactement figurées ). Sept haleurs et un chef tirent un train de trois bateaux ; la manoeuvre est délicate et deux mariniers poussent sur leur bâton de quartier. La scène est vivante, mais il ne faut pas en tirer des conclusions abusives : le halage est rare sur la Loire moyenne, il n'apparaît que dans les ports et auprès des ponts, quand la voile n'est d'aucun secours. Ici, le train à la remontée a dû passer par l'étroit bras de la Poissonnerie.
Si l'on examine de près les tas de bois, on constate qu'ils sont formés de planches fendues, assemblées à chaque extrémité et alignées en couches inversées, afin de faciliter le séchage. Il s'agit de bois merrain, de chêne ou de châtaignier, que les tonneliers utilisent pour fabriquer les barriques. Cet artisanat n'est pas alors pratiqué dans les villages, mais en pleine ville : plusieurs tonneliers sont alors signalés dans le quartier de Saint-Pierre. Le train de gabares qui arrive apporte aussi des merrains. Des tas sont aussi observables sur le port Saint-Michel, qui présente en outre quelques tonneaux.
Plus à droite, la description des maisons accolées au rempart respecte la distribution globale de ces constructions, sans en faire une représentation individualisée ( en réalité, ces maisons sont moins nombreuses ). Grand intérêt de la description du rempart, bien que la tour du Papegault soit déformée. A l'inverse, on reconnaît bien la place Saint-Michel et son petit oratoire ( depuis, une rangée de maisons a été édifiée en avant sur le quai ). Plus à droite, le grand jardin des Cordeliers.
Ce port au bois a été reconstruit à deux reprises. D'abord, dans les dernières années du XVIIIe siècle, quand le quai est élargi et réaménagé sous le nom de "Quai Neuf " ( voir l'historique des quais ), puis dans les années 1861-1867, quand est implantée la vaste et belle cale Mayaud. L'avancée de la ville sur le lit du fleuve est ici bien perceptible ; elle correspond à l'emprise de l'ensemble des actuels parkings.
N° actuel |
CURIOSITÉS
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67-69 - Hôtel du Belvédère,
édifié dans les années 1835-1837 par le fileur de verre René Lambourg, qui continue à
fabriquer et à vendre des objets dans le passage d'entrée. Ce nouvel
établissement pour voyageurs est construit sur l'emplacement de
l'ancienne hôtellerie de l'Epée royale. Une passerelle conduisait vers
le débarcadère où accostaient les bateaux à vapeur. Les voyageurs
descendaient en grand nombre dans cet établissement, très coté au
milieu du siècle et fermé vers sa fin.
Au carrefour avec la rue de la Tonnelle, une
trompe permet d'adoucir l'angle de la rue. On en trouve beaucoup
dans la ville ancienne. Celle-ci, taillée dans la pierre de Champigny,
est particulièrement sophistiquée et décorative. Contemporaine de
l'hôtel du Belvédère, donc des années 1835-1837, elle pourrait
constituer le chef d'oeuvre d'un compagnon.
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Les grands hôtels particuliers
De la place Saint-Michel à la place Allain-Targé, le quai, longtemps étroit, s'est d'abord appelé " quai des Trois-Mores ", puis "quai Michel" et "quai des Patriotes" sous la Révolution. Le nouveau " quai de Fenet " est réalisé en plusieurs tranches. Voir généralités sur le quartier de Fenet.
De beaux hôtels particuliers y poussent. Deux familles dominent l'alignement jusqu'aux Ardilliers. En tête, « les Mayaud du quai », avec leurs ateliers et la résidence d'une partie de la lignée. De puissants négociants, les frères Dupuis y opèrent aussi une entrée en force : l'aîné, Charles-Daniel Dupuis, dit Dupuis-Perrault, est le commandant de la garde nationale sous Louis-Philippe ; le cadet, Charlemagne Dupuis a beaucoup fait parler de lui ; redoutable en affaires, il est devenu le châtelain de Cunault et Mérimée a eu beaucoup de peine à lui arracher le choeur de l'église priorale, qui lui servait de grange ; d'une ladrerie proverbiale, il se présente comme l'un des modèles crédibles du père Grandet.
Le quai a été souvent remodelé par petites étapes. Sur le cadastre de 1812, il apparaît comme en plein chantier. Le nouveau quai est achevé juqu'à la hauteur de la rue du Grand-Noyer ( devenue rue du Général-Bontemps ). Plus à droite, la place du Bellay est en travaux, mais déjà Charlemagne Dupuis a fait construire son alignement de petites maisons, à l'extrême droite, en avant de l'ancien quai.
Les nouvelles constructions sont identifiables sur cette aquarelle anonyme figurant le quai vers 1820.
N° actuel |
CURIOSITÉS |
32-34 - Hôtellerie des Trois-Mores - Hôtel Levesque-Desvarannes - Hôtel Dupuis-Perrault - Hôtel Jamet - Hôtel de Massacré - Hôtel Bauchard - Hôtel de voyageurs Anne d'Anjou ( voir site de l'hôtel ). L'hôtellerie primitive se situait plus en arrière sur la cour. Elle est repérable sur le dessin exécuté par dom Haro y Cardona en 1711 ( A.M.S., 1 Fi 432 ).
En arrière de l'enseigne indiquant l'entrée, on entrevoit une tour d'escalier polygonale. Au fond, une coursive dessert les chambres du premier étage, ce qui était habituel dans les anciennes auberges. En avant, sur un muret, on repère trois bustes enturbannés : il s'agit sûrement d'une figuration des trois mores, des trois rois mages. A droite, une tracé un peu énigmatique pourrait figurer une sorte de tribune, ou bien une courdoire, c'est-à-dire une descente de cave.
L'actuelle rue Raspail est toute proche. L'hôtellerie primitive
est très probablement liée à l'histoire du restaurant des Ménestrels,
dont les bâtiments ne sont pas clairement représentés.
Cet extrait de la copie du plan de Prieur-Duperray, remontant à 1750, nous apporte quelques précisions. L'entrée de l'hôtellerie consistait en un large passage charretier, un peu rétréci par la tour d'escalier. On retrouve le muret sur lequel étaient perchés les trois mores. Au fond de la cour, la figure énigmatique, qu'on retrouve ailleurs sur le plan, correspond bien à une descente de cave. A noter également, à l'extrémité de notre actuelle
rue Raspail, une petite rue qui pourrait constituer une ancienne entrée
de cette importante hôtellerie.
En arrière, un majestueux escalier Louis XVI est dominé par une coupole à caissons peinte en trompe-l'oeil et restaurée par Laurent Gendre, quand l'immeuble devient l'hôtel Anne d'Anjou.
Le propriétaire suivant, Charles-Daniel Dupuis fait décorer des salons dans le style Empire.
Un nouveau possesseur, le négociant Louis Jamet, qui est le contribuable le plus imposé de la ville en 1850, fait remodeler la façade ( c'est ce qui ressort de la comparaison avec l'illustration plus haut ). Il ajoute un balcon reposant sur quatre esses et portant ses initiales "L" et "J", encadrées par des caducées rappelant ses activités commerçantes.
Côté jardin, deux ailes sont construites en retour d'équerre. Celle qu'on voit du côté droit a de vastes dimensions.
31 - La maison à l'angle de la rue du Relais porte sur une lucarne la date de 1721. Elle correspond à un niveau moins élevé de l'ancien quai, si bien que son rez-de-chaussée est en contrebas. La famille des architectes et entrepreneurs Cailleau l'a possédée et vraisemblablement construite. En 1774, Alexandre-Jean-Baptiste Cailleau échange une portion de l'ancien hôtel des Trois-Mores avec son voisin Levesques-Desvarannes. L'immeuble a été remodelé postérieurement.
Plus à gauche, l'étroite rue des Trois-Marchands a été fermée.
L'hôtel devient la propriété d'un fils de Charlemagne Dupuis, Pierre Dupuis-Charlemagne ( 1808-1890 ). Ce dernier se plaint du bruit provenant de la maison close située au coin de son jardin ( voir dossier sur la prostitution ). Afin de les étouffer, il fait doubler les murs en élevant une "folie", une fausse ruine sans utilité, comme on les aime le long de la Loire. Cette pittoresque construction recopie en modèle réduit une tour du château de Saumur, tout proche ; elle offre des réminiscences de Cunault ( le berceau familial ), d'un cloître gothique et d'une maison de transition entre le gothique final et la Renaissance.
29 - Bel hôtel particulier, avec cour et communs, ayant appartenu à Pierre Mayaud. Edifié au XIXe siècle dans un bon style du siècle précédent. Son premier étage avait accueilli un riche musée militaire privé, dont voici les figures représentant les gardes de Napoléon III.
Suite dans Place
Allain-Targé et dans l'étude
générale de Fenet. |
Le nouveau quai du XIXe siècle
Voir aussi la section sur les
travaux urbains au début du XIXe siècle
Angle du quai et de la rue du Bellay - En 1873 est construite la première station de pompage du service d'eau. Une machine à vapeur à deux chaudières aspire l'eau de la Loire et la refoule vers deux réservoirs, l'un situé le long de la rue Duplessis-Mornay, l'autre ( peu décoratif ) perché au-dessus de la rue des Moulins. Cette station de pompage, abandonnée, a été aménagée par l'architecte-voyer Jean Hénin en une école maternelle, aujourd'hui désaffectée.
En réalité, selon E. Cron ( p. 362-363 ), cette
imposante demeure a été construite par l'architecte tourangeau
Jean-Charles Jacquemin pour Léon Mayaud et son épouse Marguerite du
Temple. Elle est achevée en 1869, mais le parc est agrandi peu après. Ancien n° 4 - Logis des Pères
de Chavagnes, animateurs du pèlerinage des Ardilliers au XIXe siècle et
expulsés manu militari à deux reprises en raison des lois sur les Congrégations.
Aujourd'hui, école publique
Jean de la Fontaine. |