QUARTIER : Ville close |
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Une création récente et progressive
Longtemps réduite à un espace minuscule : le parvis de d'église et un passage, " le carrefour de la Cohue ", c'est-à-dire le carrefour de la Halle. Ce passage est très étroit ; il est encombré par un poteau destiné à l'affichage des proclamations ; il traverse un ancien bâtiment construit sur des piliers et comportant au rez-de-chaussée des halles entourées de petites boutiques et, au-dessus, le Palais de Justice ou Palais Royal.
Sur ce plan des années 1750 orienté vers le sud, on voit la disposition des lieux. La place est couverte de bâtiments et encadrée par deux rues. Sur le flanc nord, en bas, l'étroite rue de la Pâtisserie est citée dès 1387-1388 ; plus tard, elle est baptisée " rue du Petit-Maure "( une enseigne d'hôtellerie ) et, en 1794, la " rue des Amis ". L'élargissement de son extrémité, qui rejoint la rue du Paradis, est, sur un plan du moins, nommé la " rue de Rome ". Sur le versant sud, en haut, le prolongement de la rue du Paradis, ancêtre tortueuse de la rue Dacier.
Outre quelques rectifications
secondaires, la place est
dégagée en quatre étapes :
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Le Palais Royal, menaçant de s'écrouler est déserté
par les tribunaux en 1757, et il est détruit avec quelques
constructions voisines en 1766 ( A.D.M.L., C 117 ).
Le plan de droite présente la situation lors de l'établissement
du cadastre en 1812.
- Vers 1863 est dégagé le coin N. O. de la place,
dans l'axe de l'église. La première Caisse d'Epargne
de la ville, qui s'y était installée, doit déménager.
- En 1880-1883, l'architecte Emile Roffay, fait abattre les premières
maisons de la rue du Paradis, afin de dégager la "percée Dacier". Au n°
1, dans une maison rebâtie
en 1774, Jean-François Bodin plaçait ( à
partir d'un témoignage oral et à tort ) le
lieu de naissance de Madame Dacier ( ce qui explique le nom
de la rue ). Dans les sous-sols sont alors dégagées
de belles caves, formées de six travées de voûtes
en tuffeau disposées sur deux rangées. La construction,
très soignée, pourrait remonter fin XIe-début
XIIe siècle, selon Joly-Leterme, mais dépourvue
de chapiteaux, elle n'avait pas de destination religieuse. Il
est difficile d'y voir un vestige des anciennes halles ( qui,
répétons-le, étaient près du Chardonnet ),
mais plutôt un entrepôt dépendant du minage
tout proche ; voir le dossier consacré
aux foires médiévales. Désormais, tout est détruit.
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Il subsiste encore un petit îlot de quatre immeubles, qui
oppose une longue résistance. Sur la
carte postale de gauche, il apparaît du
côté droit et, sur la
photo de droite, qui date de 1916, on devine un fragment de façade.
En avant des maisons à pan de bois ( avant leur
énergique restauration ), s'allonge une petite place triangulaire,
qui était bordée, à droite, par la maison
du Minage où l'abbesse de Fontevraud prélevait une
taxe sur les ventes de grains.
Cet espace minuscule s'appelle successivement " place
du Marché au Blé " et " place
du Minage ", " carrefour Royal "
au XVIIIe siècle et " carrefour Dacier "
en 1818.
En 1909, une pétition de riverains de la place demande
l'élimination de ces quatre immeubles vétustes.
Les choses traînent, car les propriétaires en demandent
un prix très élevé. L'expropriation et la
destruction ne sont réalisées qu'en 1929 ( A.M.S.,
O 6 ).
Cet îlot central offre en tout cas un remarquable emplacement publicitaire pour le cacao Van Houten. A noter aussi que la place est recouverte par un pavage très régulier.
Les édiles rêvent depuis toujours d'installer une fontaine coulant en permanence sur cette place. Au XVIe siècle, ils songent à installer un aqueduc amenant l'eau de la fontaine des Ardilliers, qui sourd très haut dans le coteau.
Sous la Restauration se produit un véritable engouement en faveur des puits artésiens, qui procurent des eaux jaillissantes sans recourir au pompage. Une sonde artésienne à faible diamètre, dont la technique annonce nos forages pétroliers, est mise au point et connaît un relatif succès à Tours ( Jean-Pierre GOUBERT, La conquête de l'eau, 1986, p. 54-56 ).
En l'année 1833, Allotte, propriétaire à Saint-Cyr-en-Bourg, puis l'ingénieur spécialisé J. Degouzée forent un puits sur la place Saint-Pierre, pas très loin du parvis de l'église ; ils poussent la sonde jusqu'à une profondeur de 395 pieds, soit 129,40 mètres, en progressant d'un pied par jour en moyenne. L'eau ascendante s'arrête à trois mètres au-dessous du niveau du pavé et débite 9 litres à la minute, elle est à une température de 17 ° et elle présente une forte odeur de soufre. Les riverains se plaignent des gravats accumulés par le chantier sur une place encore minuscule. Le Conseil Municipal stoppe alors l'expérience et rachète la colonne de tuyaux, avec le vague espoir de reprendre un jour les travaux. Une porte aménagée en arrière de la façade de l'église donnait accès aux excavations.
En réalité, cet essai malheureux s'explique par la suffisance technocratique et par l'ignorance géologique : un puits artésien ne peut donner un jaillissement puissant qu'au fond d'une profonde cuvette géologique comportant d'épaisses couches de terrains imperméables. Cette configuration n'est pas celle du sous-sol saumurois...
Les marchés de plein air des places
de la Bilange, de la République et Saint-Pierre étaient
soumis aux intempéries. Un petit marché couvert
situé sous la salle de la Comédie est détruit
en 1864 pour laisser la place au nouveau Théâtre.
Le maire Charles Louvet projetait d'élever une halle
de style médiéval entre le nouvel Hôtel de
ville et l'actuelle rue Corneille. Finalement, à la suite
du legs de trois maisons par Madame Rivaud-Partenay, la ville
achève en 1902 la construction d'un nouveau marché
couvert sur l'emplacement de l'ancienne maison de Jean Niveleau.
La façade principale s'ouvre sur le flanc septentrional de la place, rejoignant encore en droite ligne la rue Dacier. Formant un angle, ces halles présentent une autre entrée, plus modeste, sur la rue Marché-Noir ( dont le nom est plus ancien et sans rapport avec le nouveau bâtiment ).
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L'ingénieur des Arts et Manufactures Eugène Flachat et l'entreprise Chanard édifient une structure métallique en tôle rivetée, qui permet d'aménager de vastes espaces intérieurs. Le marché accueille aussi des spectacles. Depuis 1913, il héberge au premier étage la salle de cinématographe de 400 places installée par E. Lasnier. Devenue " l'Agréable Ciné ", puis " l'Artistic Cinéma ", la salle projette des films jusqu'en 1939 ( cf. Nicolas Jolivot, La Perle, n° 1, janvier 1996 et le dossier sur les arts du spectacle ).
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Le rez-de-chaussée, vu ici en direction de
l'actuelle
rue du Marché, est occupé par des rangées de comptoirs.
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Avec sa façade de tuffeau, ce
Marché couvert s'harmonise avec les autres maisons de la
place, tout en introduisant une note d'un pittoresque un peu
clinquant :
lourd décor Belle Epoque, cornes d'abondance débordantes de fruits,
coq triomphant perché sur ses ergots ( réinstallé
dans la cour de la Chambre de Commerce et d'Industrie, mais endommagé
par une tempête ),
plaques en faïence à la gloire de Saumur, symbolisé
par un "S".
En dépit de la pétition de quelques citoyens cultivés, les halles sont détruites en février 1980, à la complète désolation des derniers gardiens.
Une animation constante
La place est le siège de nombreux commerces. A gauche du Marché couvert, le Café des Halles est tenu par deux jeunes femmes qui sont probablement jumelles :
La façade du Marché couvert est orné par quatre panneaux d'affichage ; en général, il s'agit de publicités, plus rarement d'affiches annonçant le film projeté par l'Artistic Cinéma. En avant, le samedi, se tient un petit marché de plein air, plutôt anarchique, où les ruraux des environs viennent vendre des légumes et des volailles. On y rencontre les archétypes des foules anciennes, de l'agent de police au facteur, en passant au milieu par une sorte de Monsieur Hulot.
Des transformations continuelles
Les deux cartes postales suivantes datent des années 1960-1965 : l'arrivée en force des voitures a entraîné le goudronnage de la place et l'aménagement d'un terre-plein central :
N° actuel |
CURIOSITÉS ACTUELLES |
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18 à 36 - Bâti en forme d'équerre, le nouvel immeuble qui remplace le marché couvert et les deux maisons à sa gauche ferme la place du côté de la rue du Marché. Il offre davantage de surface utilisable et comporte un parking. Sa façade-miroir reflétant l'église Saint-Pierre fait un peu oublier le bâtiment, ce qui vaut mieux.
12 et 10 - Hauts immeubles du XVIIe siècle, retouchés aux siècles suivants, correspondant aux façades incurvées de l'ancienne rue du Petit-Maure.
8 et 6 - La maison formant l'angle avec la rue de la Tonnelle répond au standard des années 1770-1820. Plus à droite, l'auberge Saint-Pierre présente un encorbellement marqué ; comme sur la maison n° 3 bis, son colombage est formé de croisillons de bois sophistiqués prenant souvent la forme de croix de Saint-André, mais les poutres sont peu ornées. Le pan de bois n'est pas une construction autonome, mais il s'appuie sur de forts murs de pierre. En 2011, le propriétaire effectuant des travaux dans
la cave a découvert un trésor constitué par 18 pièces frappées à
l'époque de François 1 er et de Henri II, vraisemblablement un magot
enfoui par un habitant qui fuyait la ville au début des guerres
de Religion et qui n'est pas revenu.
4 - Daté de 1610.
3 - Curieuse petite maison incrustée dans un angle et datée de 1678 sur une lucarne. Rez-de-chaussée transformé.
Angle de la place et de la Montée du Fort - Par rapport à la maison voisine, cette demeure est beaucoup plus simple. La structure des colombages est moins sophistiquée et marquée surtout par des lignes verticales. La présence ( comme à Tours ) d'un hourdis en tuffeau met en valeur les lignes de la charpente, particulièrement remarquables sur la large façade donnant sur la montée du Fort ( à droite ). Sur ce côté l'encorbellement est très prononcé, alors qu'il est faible sur la place Saint-Pierre, où ces maisons donnaient sur une rue très étroite.
7 et 9 - Maisons très verticales, construites au XVIIe siècle sur l'emplacement de la Maison du Minage.
15-17 - Grande maison remontant au XVIIe siècle, mais seul le premier étage a gardé son état primitif.
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