NOM ACTUEL : place Saint-Pierre
 

 QUARTIER : Ville close
   

Premières dénominations : place et placître Saint-Pierre. 1794 : place de la Fraternité

 Une création récente et progressive Plan de Prieur-Duperray, vers 1750

 Longtemps réduite à un espace minuscule : le parvis de d'église et un passage, " le carrefour de la Cohue ", c'est-à-dire le carrefour de la Halle. Ce passage est très étroit ; il est encombré par un poteau destiné à l'affichage des proclamations ; il traverse un ancien bâtiment construit sur des piliers et comportant au rez-de-chaussée des halles entourées de petites boutiques et, au-dessus, le Palais de Justice ou Palais Royal.
 Sur ce plan des années 1750 orienté vers le sud, on voit la disposition des lieux. La place est couverte de bâtiments et encadrée par deux rues. Sur le flanc nord, en bas, l'étroite rue de la Pâtisserie est citée dès 1387-1388 ; plus tard, elle est baptisée " rue du Petit-Maure "( une enseigne d'hôtellerie ) et, en 1794, la " rue des Amis ". L'élargissement de son extrémité, qui rejoint la rue du Paradis, est, sur un plan du moins, nommé la " rue de Rome ". Sur le versant sud, en haut, le prolongement de la rue du Paradis, ancêtre tortueuse de la rue Dacier.



Etapes du dégagement de la place Saint-Pierre


 Outre quelques rectifications secondaires, la place est dégagée en quatre étapes :

- Le Palais Royal, menaçant de s'écrouler est déserté par les tribunaux en 1757, et il est détruit avec quelques constructions voisines en 1766 ( A.D.M.L., C 117 ). Le plan de droite présente la situation lors de l'établissement du cadastre en 1812.

- Vers 1863 est dégagé le coin N. O. de la place, dans l'axe de l'église. La première Caisse d'Epargne de la ville, qui s'y était installée, doit déménager.

- En 1880-1883, l'architecte Emile Roffay, fait abattre les premières maisons de la rue du Paradis, afin de dégager la "percée Dacier". Au n° 1, dans une maison rebâtie en 1774, Jean-François Bodin plaçait ( à partir d'un témoignage oral et à tort ) le lieu de naissance de Madame Dacier ( ce qui explique le nom de la rue ). Dans les sous-sols sont alors dégagées de belles caves, formées de six travées de voûtes en tuffeau disposées sur deux rangées. La construction, très soignée, pourrait remonter fin XIe-début XIIe siècle, selon Joly-Leterme, mais dépourvue de chapiteaux, elle n'avait pas de destination religieuse. Il est difficile d'y voir un vestige des anciennes halles ( qui, répétons-le, étaient près du Chardonnet ), mais plutôt un entrepôt dépendant du minage tout proche ; voir le dossier consacré aux foires médiévales. Désormais, tout est détruit.

 









Carrefour Dacier vers 1916place Saint-Pierre vers 1910 - Il subsiste encore un petit îlot de quatre immeubles, qui oppose une longue résistance. S
ur la carte postale de gauche, il apparaît du côté droit et, sur la photo de droite, qui date de 1916, on devine un fragment de façade.
 En avant des maisons à pan de bois ( avant leur énergique restauration ), s'allonge une petite place triangulaire, qui était bordée, à droite, par la maison du Minage où l'abbesse de Fontevraud prélevait une taxe sur les ventes de grains.
 Cet espace minuscule s'appelle successivement " place du Marché au Blé " et " place du Minage ", " carrefour Royal " au XVIIIe siècle et " carrefour Dacier " en 1818.
 En 1909, une pétition de riverains de la place demande l'élimination de ces quatre immeubles vétustes. Les choses traînent, car les propriétaires en demandent un prix très élevé. L'expropriation et la destruction ne sont réalisées qu'en 1929 ( A.M.S., O 6 ).



 Cet îlot central offre en tout cas un remarquable emplacement publicitaire pour le cacao Van Houten. A noter aussi que la place est recouverte par un pavage très régulier.





Place Saint-Pierre avant 1914


 

 Le puits artésien

 Les édiles rêvent depuis toujours d'installer une fontaine coulant en permanence sur cette place. Au XVIe siècle, ils songent à installer un aqueduc amenant l'eau de la fontaine des Ardilliers, qui sourd très haut dans le coteau.
 Sous la Restauration se produit un véritable engouement en faveur des puits artésiens, qui procurent des eaux jaillissantes sans recourir au pompage. Une sonde artésienne à faible diamètre, dont la technique annonce nos forages pétroliers, est mise au point et connaît un relatif succès à Tours ( Jean-Pierre GOUBERT, La conquête de l'eau, 1986, p. 54-56 ).
 En l'année 1833, Allotte, propriétaire à Saint-Cyr-en-Bourg, puis l'ingénieur spécialisé J. Degouzée forent un puits sur la place Saint-Pierre, pas très loin du parvis de l'église
; ils poussent la sonde jusqu'à une profondeur de 395 pieds, soit 129,40 mètres, en progressant d'un pied par jour en moyenne. L'eau ascendante s'arrête à trois mètres au-dessous du niveau du pavé et débite 9 litres à la minute, elle est à une température de 17 ° et elle présente une forte odeur de soufre. Les riverains se plaignent des gravats accumulés par le chantier sur une place encore minuscule. Le Conseil Municipal stoppe alors l'expérience et rachète la colonne de tuyaux, avec le vague espoir de reprendre un jour les travaux. Une porte aménagée en arrière de la façade de l'église donnait accès aux excavations.
 En réalité, cet essai malheureux s'explique par la suffisance technocratique et par l'ignorance géologique : un puits artésien ne peut donner un jaillissement puissant qu'au fond d'une profonde cuvette géologique comportant d'épaisses couches de terrains imperméables. Cette configuration n'est pas celle du sous-sol saumurois...


Le Marché couvert

 Les marchés de plein air des places de la Bilange, de la République et Saint-Pierre étaient soumis aux intempéries. Un petit marché couvert situé sous la salle de la Comédie est détruit en 1864 pour laisser la place au nouveau Théâtre. Le maire Charles Louvet projetait d'élever une halle de style médiéval entre le nouvel Hôtel de ville et l'actuelle rue Corneille. Finalement, à la suite du legs de trois maisons par Madame Rivaud-Partenay, la ville achève en 1902 la construction d'un nouveau marché couvert sur l'emplacement de l'ancienne maison de Jean Niveleau.Façade des halles sur la rue du Marché-Noir
Façade du Marché couvert sur la place Saint-Pierre

 

 La façade principale s'ouvre sur le flanc septentrional de la place, rejoignant encore en droite ligne la rue Dacier. Formant un angle, ces halles présentent une autre entrée, plus modeste, sur la rue Marché-Noir ( dont le nom est plus ancien et sans rapport avec le nouveau bâtiment ).

 

 

 


 

Marché couvert, côté rue du Marché

 L'ingénieur des Arts et Manufactures Eugène Flachat et l'entreprise Chanard édifient une structure métallique en tôle rivetée, qui permet d'aménager de vastes espaces intérieurs. Le marché accueille aussi des spectacles. Depuis 1913, il héberge au premier étage la salle de cinématographe de 400 places installée par E. Lasnier. Devenue " l'Agréable Ciné ", puis " l'Artistic Cinéma ", la salle projette des films jusqu'en 1939 ( cf. Nicolas Jolivot, La Perle, n° 1, janvier 1996 et le dossier sur les arts du spectacle ).

 

Intérieur des halles couvertes

 

 Intérieur du Marché couvert

  Le rez-de-chaussée, vu ici en direction de l'actuelle rue du Marché, est occupé par des rangées de comptoirs.


 

Coq du marché Rivaud-Partenay dans la cour de la CCI Partie centrale du fronton du Marché couvert ( photo de 1980)

Décor en faïence émaillée

 Avec sa façade de tuffeau, ce Marché couvert s'harmonise avec les autres maisons de la place, tout en introduisant une note d'un pittoresque un peu clinquant : lourd décor Belle Epoque, cornes d'abondance débordantes de fruits, coq triomphant perché sur ses ergots ( réinstallé dans la cour de la Chambre de Commerce et d'Industrie, mais endommagé par une tempête ), plaques en faïence à la gloire de Saumur, symbolisé par un "S".Les gardiens au moment de la destruction

 

 

 

 

 En dépit de la pétition de quelques citoyens cultivés, les halles sont détruites en février 1980, à la complète désolation des derniers gardiens.

 






 Une animation constante

 Façades nord de la place Saint-Pierre

 La place est le siège de nombreux commerces. A gauche du Marché couvert, le Café des Halles est tenu par deux jeunes femmes qui sont probablement jumelles :

Café des Halles

Versant nord de la place Saint-Pierre

 La façade du Marché couvert est orné par quatre panneaux d'affichage ; en général, il s'agit de publicités, plus rarement d'affiches annonçant le film projeté par l'Artistic Cinéma. En avant, le samedi, se tient un petit marché de plein air, plutôt anarchique, où les ruraux des environs viennent vendre des légumes et des volailles. On y rencontre les  archétypes des foules anciennes,  de l'agent de police au facteur, en passant au milieu par une sorte de Monsieur Hulot.

Les chalands sur le marché de plein air



 Si la place de la République est traditionnellement dédiée aux rassemblements patriotiques, la place Saint-Pierre est plutôt le siège de manifestations religieuses. Le dimanche 1er juin 1913, après les vêpres, une foule nombreuse se réunit dans l'église et sur la place pour réclamer le rétablissement des processions, qui avaient été interdites par le maire James Combier. De forts contingents de l'armée, de la gendarmerie et de la police surveillent la manifestation. Un cortège, précédé par des drapeaux, mais sans objets du culte, se dirige vers Nantilly, en passant par la rue Dacier, pour rejoindre ensuite la cour de Saint-Louis. Selon l'Echo saumurois des 2 et 3 juin, la foule aurait atteint de cinq à six mille personnes, estimation qui doit être généreuse. Voir un récit plus détaillé.
Manifestation en faveur des processions



Des transformations continuelles

Place Saint-Pierre dans les années 1930






 Cette plaque de verre remonte aux années 1930. L'îlot central vient de disparaître ; sur un pavage refait s'étalent de rutilantes voitures.















Place Saint-Pierre vers 1960-1965










 Les deux cartes postales suivantes datent des années 1960-1965 : l'arrivée en force des voitures a entraîné le goudronnage de la place et l'aménagement d'un terre-plein central :


Place Saint-Pierre vers 1965








 

 

 








Place Saint-Pierre en soirée







  Panacée pour les centres villes en déclin, la piétonnisation, réclamée à cor et à cri par les restaurateurs et les cafetiers, mais pas par les autres commerçants, est réalisée de septembre 2015 à mai 2016. Faire et défaire..., le goudron a disparu, de nouveaux pavés d'Italie ont remplacé les anciens pavés de grès. Les trottoirs latéraux ont disparu  ( ils présentaient l'avantage de masquer les distorsions de cette place toute gondolée ). Le soir, en belle saison, la place est devenue très animée, alors qu'en hiver, elle paraît bien déserte et un peu tristounette, hormis le samedi.







N° actuel

CURIOSITÉS ACTUELLES

Nouvel immeuble fermant la place Saint-Pierre

 

18 à 36 - Bâti en forme d'équerre, le nouvel immeuble qui remplace le marché couvert et les deux maisons à sa gauche ferme la place du côté de la rue du Marché. Il offre davantage de surface utilisable et comporte un parking. Sa façade-miroir reflétant l'église Saint-Pierre fait un peu oublier le bâtiment, ce qui vaut mieux.

 

 

 

place Saint-Pierre, 10 et 12

 

 

12 et 10 - Hauts immeubles du XVIIe siècle, retouchés aux siècles suivants, correspondant aux façades incurvées de l'ancienne rue du Petit-Maure.

 

 




place Saint-Pierre, 6 et 8.

8 et 6 - La maison formant l'angle avec la rue de la Tonnelle répond au standard des années 1770-1820. Plus à droite, l'auberge Saint-Pierre présente un encorbellement marqué ; comme sur la maison n° 3 bis, son colombage est formé de croisillons de bois sophistiqués prenant souvent la forme de croix de Saint-André, mais les poutres sont peu ornées. Le pan de bois n'est pas une construction autonome, mais il s'appuie sur de forts murs de pierre.

 En 2011, le propriétaire effectuant des travaux dans la cave a découvert un trésor constitué par 18 pièces frappées à l'époque de François 1 er et de Henri II, vraisemblablement un magot enfoui par un habitant qui  fuyait la ville au début des guerres de Religion et qui n'est pas  revenu.

 

 




Ancien N° 1
Ancien n° 1 - Sur cet extrait d'une carte postale éditée vers 14-18, et avant la destruction du dernier pâté de maisons, remarquez la boutique " Au planteur de Caïffa ", située à l'angle de l'étroit passage rejoignant le carrefour Dacier.
 Il s'agit d'une succursale d'une importante société fondée en 1890 par Michel Cahen et son épouse ; elle est spécialisée dans le café, mais vend aussi de la chicorée, du chocolat, des épices, de la levure et des biscuits. Même si le nom vient du port de Haïfa, situé aujourd'hui en Israël, l'entreprise n'a pas de rapports particuliers avec cette région.
 Le Caïffa devient le symbole de la petite épicerie très populaire et implantée dans 400 succursales à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Ses livreurs, en uniforme, parcourent tout le pays, même jusqu'à des villages reculés, en poussant de petits triporteurs, parfois tirés par des chiens. La société distribue des points de fidélité, qu'elle honore par des cadeaux, en particulier de belles boîtes et des calendriers.

 La succursale de Saumur, installée 1 place Saint-Pierre et dirigée par un certain Péronnet en 1926, a disparu assez vite dans les annuaires postérieurs. La photo de droite est une petite supercherie ; elle ne représente pas le vrai livreur du Caïffa, mais un Saumurois qui s'était ainsi déguisé, afin de surprendre son épouse un jour de nouvel an. C'est du moins ce que raconte cette dame au verso d'une carte que j'ai vu sur un site de vente.
 Le cliché est l'oeuvre du photographe Hippolyte Collet, alors à ses débuts et installé 7 rue du Petit-Pré.
Le livreur de Caïffa


4 - Daté de 1610.

 

place Saint-Pierre, 3

 

 

 

3 - Curieuse petite maison incrustée dans un angle et datée de 1678 sur une lucarne. Rez-de-chaussée transformé.

 

 


place Saint-Pierre, 3 bis










3 bis -
Maison à beau décor Renaissance, restaurée dans les années 1970. Jeu savant des croisillons de bois et des hourdis de briques. Les poutres verticales sont transformées en dix grandes figures gainées surmontées par des bustes de géants empanachés. Dans le registre inférieur, de petits personnages plus archaïques assurent le pittoresque. Ceux qu'on observe à droite me paraissent tout simplement uriner sur les passants...

Partie en bas à gauche





Maisons à pan de vois vers 1950




 Autres photos des bâtiments tout de guingois vers 1950















3 et 5 place Saint-Pierre vers 1900

Les géants sur la place Saint-Pierre









 Le paisible café " Au Vieux Saumur " a laissé la place à un établissement plus animé, le bar de nuit " la Caravelle ", qui est hantée par des fêtards attardés, par des militaires américains et par des dames de petite vertu.

Place Saint-Pierre, la Caravelle

      Façade sur la Montée du Fort place Saint-Pierre, maison d'angle



Angle de la place et de la Montée du Fort - Par rapport à la maison voisine, cette demeure est beaucoup plus simple. La structure des colombages est moins sophistiquée et marquée surtout par des lignes verticales. La présence ( comme à Tours ) d'un hourdis en tuffeau met en valeur les lignes de la charpente, particulièrement remarquables sur la large façade donnant sur la montée du Fort ( à droite ). Sur ce côté l'encorbellement est très prononcé, alors qu'il est faible sur la place Saint-Pierre, où ces maisons donnaient sur une rue très étroite.

 

 




7 et 9 - Maisons très verticales, construites au XVIIe siècle sur l'emplacement de la Maison du Minage.


15-17 - Grande maison remontant au XVIIe siècle, mais seul le premier étage a gardé son état primitif.


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